Ce petit roman raconte l'histoire de Jean. Ce dernier rentre à Hérisson (village de l'Allier) après la Première Guerre mondiale durant laquelle il fut prisonnier en Allemagne puis en France "Fait prisonnier après le désastre de Charleroi; quatre ans de déportation en Silésie; l'existence de campagnard chez de petits propriétaires allemands qui l'avaient convenablement traitée; sa gratitude exprimé trop librement dans une lettre, après l'armistice : "Je vous considère comme des amis. La haine des grands, simplement apparente, ne peut entraîner celle des peuples". La lettre saisie; l'instruction tendant à prouver qu'il avait été prisonnier volontaire; l'abandon de ce chef d'inculpation et la condamnation, en conseil de guerre, à cinq ans de prison pour intelligence avec l'ennemi...".
Avec beaucoup de poésie et le regard d'un artiste l'auteur nous fait découvrir la campagne environnant la ferme de son enfance. En effet Jean est sculpteur, issu d'une famille d'agriculteurs.
Il retrouve Gilberte son amour d'avant-guerre mais Gilberte est mariée, ils deviennent amant. Leur histoire devient compliquée ,Jean ne saurait se contenter de cette relation. de plus ses tentatives pour réintégrer le domaine de l'art ne fonctionnent pas comme il voudrait "- Vois-tu, ma chérie, ce qui m'épouvante devant la pauvreté de telles conceptions, c'est que les artistes qui pourraient créer quelque chose de beau, de solide, galvaudent leur talent pour percer. Une seule classe dans notre société, juge et achète. Elle impose son goût qui est lamentable."
Un petit roman très riche et fort bien écrit.
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Jean Richard s’engagea dans le couloir de lumière sous les portes des arcs-boutants, entre les pierres énormes, disjointes, couvertes d’inscriptions qui prétendent éterniser une minute d’amour. Le village près de l’église semblait endormi dans le même oubli des siècles. Les maisons sont contemporaines des murs sacrés. Aucun bruit n’en émanait. Pourtant d’une cour sale une jeune femme surgit, portant son enfant sur le bras et équilibrant le poids par un renversement du corps qui la faisait marcher par saccades. Elle apportait la clef de l’église, attentive aux visites des promeneurs, sûre d’en recevoir de petits profits.
– Pouvez-vous laisser la porte ouverte, demanda le sculpteur ? Je suis du pays. Je viens travailler, dessiner quelques motifs. Vous ne vous dérangerez pas. Je donnerai un tour de clef quand je partirai.
Elle le regardait pourtant, peu méfiante. La porte avait grincé dans ses ferrures rouillées. Un souffle de fraîcheur leur avait battu le visage comme un grand coup d’aile. Ils avaient descendu une marche. Ils avançaient sur les dalles inégales, dans l’obscurité relative de la nef.
Toute une partie restait dans l’ombre. À l’ouest, l’église n’a pas d’ouverture. La lumière n’arrivait, haute, que par les vitraux longs de l’autel et coulait en une nappe jaune à
gauche, dans une petite loge surélevée où s’alignent les bancs seigneuriaux sous les blasons rougis.
– Si vous êtes du pays, dit la femme, je n’ai pas besoin de vous montrer les peintures, ni la date sur le mur, là-bas.
– Non, non, je connais tout cela.
– Avez-vous vu cependant la pierre qui pleure, tenez là, près de l’échelle qui monte aux cloches. On ne sait pourquoi à certains moments, elle devient presque molle, elle est mouillée. Il y a quelques années on disait que c’était à cause de la guerre, il y eut tant de larmes versées par ici !
Une tristesse accablait ses traits qui étaient presque beaux. Jean n’osait l’interroger ; il désira rester seul. Il lui remit quelque monnaie. Elle partit.
– Au revoir, Monsieur. Vous êtes chez vous.