Paul Morand (1888-1976), écrivain et diplomate, est un contemporain de Céline. Tous deux ont été accusés de proximité avec le régime de Vichy et d'antisémitisme. le carnet de voyage que constitue "
Rien que la terre" a été écrit bien avant l'arrivée de Hitler au pouvoir et n'aborde pas ces sujets.
Vous êtes invités à faire un tour du monde en compagnie d'un homme cultivé de
New York à La Garenne-Bezons en passant par Vancouver, le Pacifique, Yokohama, Kyoto et autres villes du Japon, Pékin, Shanghai, Hong Kong et Macao, Bornéo et Singapour, Bangkok, Ceylan, Aden, Djibouti, Port Saïd, la Crête et le détroit de Messine.
le voyage est agréable et le guide brillant. Son style est riche, son récit sert de support à de nombreuses réflexions originales. Ainsi recommande-t-il d'enseigner aux Français d'accepter joyeusement le changement car, selon lui, "ils le subissent toujours avec humeur et retard". Plus loin, comparant le climat tropical au climat tempéré, il fait remarquer que dans nos pays européens on a l'illusion que "c'est la nature qui change et qu'on en est les maîtres".
Exotisme et dépaysement assurés.
Lorsque
Paul Morand considère la Chine, il pense que "tant que la population chinoise ne s'accroîtra pas à l'excès elle préférera toujours [son] sol à d'autre. (...) Il faudrait pour que le réservoir débordât et que les eaux jaunes descendissent une nouvelle fois du toit du monde, imaginer une Chine sans guerres, sans épidémies, sans cataclysmes. Alors ces quatre cents millions d'hommes deviendraient un milliard et le monde serait un monde jaune." No comment.
Ce voyage est divertissant parce qu'il est toujours amusant de voir comment ceux qui nous ont précédé ont imaginé l'avenir que sont devenues pour nous les décennies passées ; mais si le cours de l'Histoire est imprévisible, la nature humaine, elle, change lentement de comportement et les remarques, clins d'oeil et autre aphorismes d'un homme cultivé sont toujours plaisants à découvrir.