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EAN : 9782070715060
1280 pages
Gallimard (14/03/1989)
4.57/5   7 notes
Résumé :
La storia
«Un jour de janvier un soldat allemand marchait dans le quartier de San Lorenzo à Rome.
Il savait en tout 4 mots d'italien et du monde ne savait que peu de chose ou rien.
Son prénom était Gunther.
Son nom de famille demeure inconnu.»
Dans cette fresque à la fois historique et populaire, Elsa Morante fait revivre à travers l'histoire d'Useppe, fruit d'un viol commis par un soldat allemand ivre, et de sa mère, les horreurs... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans La Storia, le talent d'Elsa Morante s'épanouit au long d'une narration dépouillée qui conte le destin d'une famille "monoparentale", comme on dirait aujourd'hui : une mère et ses deux enfants, l'aîné successivement membre des jeunesses fascistes, partisan et trafiquant, le second, tout jeune enfant, fruit d'un viol commis par un soldat nazi. La mère, italienne, institutrice à Rome, est à demi-juive par son ascendance maternelle, mais sa judéité l'obsède dans le contexte de l'occupation allemande et de l'adoption des lois racistes après la fuite de Mussolini et le gouvernement direct de l'Italie occupée par le Reich. Ida fréquente le ghetto, où elle accouche, jusqu'à la déportation à Auschwitz des Juifs de Rome . Elle revient ensuite, hantée, sur les lieux déserts de ces crimes. La petite famille, ayant perdu son logement sous les bombes, connaît le sort des exilés dans la banlieue romaine. La masure qui les accueille est habitée par des réfugiés hauts en couleurs, originaires de la capitale ou de Naples, où les Alliés ont débarqué, et un étudiant mystérieux dont on suivra le parcours sous les malédictions qui le poursuivent. Après la guerre, Ida reprend son métier d'enseignante et tente d'élever le petit dernier au milieu des privations. La figure de la mère prend des dimensions singulières dans ce roman où Elsa Morante met évidemment beaucoup d'elle-même. N'ayant pas eu d'enfants, comme le disait Chateaubriand de lui-même, ses ouvrages sont sa seule postérité. Le cadet "Useppe" s'incarne sous sa plume entre conte de fées et humour enfantin. Avec la chienne Bella, un nouveau personnage s'anime d'une existence attachante. Les animaux, sauvages ou domestiques, sont d'ailleurs des protagonistes à part entière de la Storia : oiseaux, chats, chevaux, mulets. Leurs ébats, leurs interventions contribuent à tirer le récit du côté de la poésie. La romancière ne réussit jamais mieux que ces scènes d'innocence, où la nature se montre parcimonieusement dans la campagne romaine. le texte est moins fluide lorsqu'il s'agit de l'Histoire. Le projet de mêler politique et narration, à la manière des grands romanciers russes, paraît moins séduisant : les scènes de guerre ou de résistance, par essence sinistres, semblent un peu lourdes, trop abondantes, voire convenues. L'insertion en tête de chaque chapitre d'un résumé journalistique des événements de l'année ne suffit pas à hisser l'oeuvre au niveau réaliste d'un Bertolt Brecht. C'est l'esprit de l'époque, et l'engagement communiste de Morante, aux côtés de son époux Alberto Moravia, imposait sans doute de tels développements. L'auteur elle-même n'est pas entièrement convaincue, si l'on en croit les divers passages philosophico-religieux qui parsèment le livre. Il reste la poignante évocation des épreuves d'une famille, et la magie du conteur de l'enfance enchantée.

Aracoeli commence assez mal, comme un roman ordinaire des années quatre-vingts avec ses passages obligés et ses conventions, sur le modèle éculé du retour aux origines, avec un voyage aérien de Rome vers l'Andalousie et les pérégrinations alcoolisées d'un anti-héros que Morante présente comme plus ou moins homosexuel et victime d'une adoration trop forte pour sa mère. Je dois dire que j'ai failli lâcher le livre à la troisième escale dans un cabaret de village, ennuyé par les descriptions de personnages secondaires indifférents. Et puis, c'est le miracle morantien. La romancière âgée (c'est son dernier opus, elle publie le roman dans sa soixante-dixième année, deux ans avant sa mort) retrouve son chant si émouvant, célébrant une fois encore - une dernière fois - l'amour maternel, modèle et matrice de tout amour terrestre. Cet amour maternel si torturé puisque, chez Morante, il ne saurait s'agir que de l'amour pour la mère, nécessairement déçu, et non de l'amour de sa mère, qui lui manque à jamais (voir Mensonge et Sortilège). Curieusement, à la manière proustienne, cette recherche de l'enfance perdue se travestit : le narrateur, inverti donc, est un homme, qui retrouve progressivement les souvenirs du garçonnet, et même de l'enfançon qu'il fut (sa mémoire remonte jusqu'au berceau, voire à la gestation). Le travesti est double : non seulement l'écrivain change de sexe avec le personnage du narrateur, mais la mère adulée tout au long de son oeuvre, sous des figures diverses, devient l'objet d'un sacrilège que je ne saurais dévoiler ici. Méprisée, haïe, souffrante, Aracoeli parachève sans doute la catharsis intime de Morante. Dans cet ultime roman, son style éblouissant, sa foisonnante inventivité touchent à l'essentiel : une mystique sans Dieu, une métaphysique du sensible - tandis que les péripéties s'organisent progressivement selon une trame épurée. Le long finale envoûte le lecteur comme une fugue ou un choral obsédant, et les lenteurs agaçantes, les clichés romanesques du début paraissent rétrospectivement une sorte de prologue, paliers successifs et nécessaires d'un envol qui transcende le propos initial. Aracoeli couronne effectivement l'oeuvre d'une femme de lettres qui a sublimé son drame personnel dans ses livres.
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Petit regret à la lecture du livre : une traduction qui peut parfois dérouter avec l'utilisation répétitive de '' présentement '' par exemple et de certains mots qui semblent être francisés.
Cela ne m'a pas empêché d'être embarquée dans cette tranche de vie où les personnages d'une grande banalité nous renvoie à notre condition.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
"Le bonheur, moi, je l'ai toujours aimé!" avoua-t-il, "certains jours, quand j'étais enfant, j'en étais envahi à un tel point que je me mettais à courir les bras ouverts, avec l'envie de hurler: c'est trop, c'est trop! Je ne peux pas le garder tout entier pour moi. Il faut que je le donne à quelqu'un d'autre."
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Le fait est que l'adolescent (ce qu'il était en réalité) David Segré voyait l'humanité tout entière comme un seul corps vivant; et de même qu'il sentait toutes les cellules de son propre corps tendre vers le bonheur, de même il croyait que c'était vers celui-ci que se tendait l'humanité tout entière, et que c'était là son destin. Et qu'en conséquence, tôt ou tard, cet heureux destin devait s'accomplir!
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Par ailleurs, quant à l'éphémère et joyeuse hallucination qu'Useppe avait eue là-bas le premier jour, il l'avait, on l'a vu, considérée comme si naturelle que, une fois qu'elle fut passée, il l'oublia à peu près complètement. Il lui en restait seulement, en suspens dans ce minuscule territoire, une réminiscence magique, qui était comme un arc-en-ciel où les couleurs et les sons ne faisaient qu'un et que l'on devinait très grand par delà les branches au milieu desquelles il faisait descendre un poudroiement ou un murmure lumineux.
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Ida, Ida, où vas-tu ? tu t'es trompée de direction. Le fait est que ces pays sont faits de chaux, rien que de la chaux qui d'un instant à l'autre peut s'effriter, se fendiller. Elle est elle-même un morceau de chaux et risque de voler en miettes et d'être balayée avant d'arriver à la maison. Personne pour l'accompagner et la soutenir, personne à qui demander de l'aide. De toute manière, Dieu sait comment, elle y est parvenue. Elle est arrivée Via Boldoni, elle est montée jusqu'à sa porte, elle est chez elle. Là, finalement, du moins pendant quelques instants, elle peut s'étendre, se laisser tomber en poussière.
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Vivre signifie : l'expérience de la séparation ; et moi, j'ai dû l'avoir appris dès ce 4 novembre, avec le geste de mes mains, qui fut de tâtonner à sa recherche. Depuis lors, en réalité, je n'ai jamais cessé de la chercher, et dès cet instant mon choix était celui-ci : rentrer en elle. Me pelotonner en elle, dans mon unique tanière, désormais perdue qui sait où, dans quel précipice.
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Videos de Elsa Morante (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Elsa Morante
« […] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le “livre d'heures“ d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. […] […] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. […] Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. […] […] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
« […] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. […] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre […] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. […] »
0:00 - Titre 0:06 - Trieste 1:29 - le faubourg 5:27 - Lieu cher 5:57 - Une nuit 6:32 - Variations sur la rose 7:15 - Épigraphe 7:30 - Générique
Contenu suggéré : Giacomo Leopardi : https://youtu.be/osdD2h8C0uw Marco Martella : https://youtu.be/R9PPjIgdF2c Iginio Ugo Tarchetti : https://youtu.be/hnV93QZ6O1s Guido Ceronetti : https://youtu.be/mW1avxXaSKI Alberto Moravia : https://youtu.be/MgIVofYEad4 Pier Paolo Pasolini : https://youtu.be/-sWZYlXVZ-U Cesare Pavese : https://youtu.be/uapKHptadiw Dino Buzzati : https://youtu.be/ApugRpPDpeQ Sibilla Aleramo : https://youtu.be/Y24Vb0zEg7I Julius Evola : https://youtu.be/coQoIwvu7Pw Giovanni Papini : https://youtu.be/tvirKnRd7zU Alessandro Baricco : https://youtu.be/¤££¤74Giuseppe Ungaretti64¤££¤80 Giuseppe Ungaretti : https://youtu.be/_k1bTPRkZrk LES FILS DE LA LOUVE : https://youtu.be/ar3uUF-iuK0 INTRODUCTION À LA POÉSIE : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8rtiqkMjM0D1L-33¤££¤76LES FILS DE LA LOUVE77¤££¤ AUTEURS DU MONDE (P-T) : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8pPO4gzs6¤££¤39LES FILS DE LA LOUVE75¤££¤8 PÈLERINS DANS LA NUIT SOMBRE : https://youtu.be/yfv8JJcgOVM
Référence bibliographique : Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration : https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation Hesitation by Maarten Schellekens is licensed under a Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/maarten-schellekens/soft-piano-and-guitar/hesitation/
#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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