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EAN : 9782754106078
230 pages
Fernand Hazan (15/02/2012)
3.83/5   6 notes
Résumé :
La photographe américaine Berenice Abbott (1898-1991) est célèbre pour le travail documentaire qu’elle a effectué entre 1935 et 1939 sous le titre « Changing New York ». L’exposition « Berenice Abbott (1898-1991), photographies », présentée au Jeu de Paume et au musée des Beaux-Arts de l’Ontario par le Ryerson Image Centre, retrace la riche carrière d’Abbott au travers de cent vingt photographies. Pour élargir le contexte de l’œuvre de la photographe, ses tirages so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'autre jour, je reviens de la bibliothèque, persuadée d'avoir sous le bras un livre sur Jane Evelyn Atwood. Même la couverture ne m'a pas fait tiquer. En fait, ce que j'avais emprunté, c'était un livre sur Berenice Abbott, qui n'a pas grand-chose à voir avec Jane Evelyn Atwood. Passons.


Je pensais connaître, au moins vaguement, Berenice Abbott. Absolument pas. Je connaissais ses photos pour avoir déjà lu un petit opus sur elle, mais je n'y avais rien compris. Il faut préciser qu'abbott est connue essentiellement pour ses photos de New York dans les années trente. Or, regarder aujourd'hui ces photographies qui ont presque cent ans, c'est, si on ne se penche pas sur la démarche spécifique de Berenice Abbott, regarder des images d'une ville, d'une part déjà ancienne à nos yeux, et d'autre part d'une modernité prodigieuse pour son époque. Ce qui va à l'encontre de ce que sont ces photos.


Berenice Abbott est née en 1898, et elle a quitté toute jeune les États-Unis pour aller étudier la sculpture à Paris et à Berlin, et finalement devenir l'assistante de Man Ray à Paris, qui l'a formée à la photographie. Elle ouvre ensuite son propre studio, tire le portrait d'une société bourgeoise, d'artistes et d'écrivains, se passionne pour les photographies d'Eugène Atget - qu'elle a cherché à faire connaître des années et des années durant -, prend position contre le mouvement pictorialiste (un courant de la photographie cherchant à la faire reconnaître comme art à part entière et s'inspirant de la peinture) et pour une photographie documentaire, rentre aux États-Unis en 1929, et décide de monter un projet sur la ville et ses changements. C'est la période où le Rockfeller Center sort de terre... et celle de la Grande Dépression, après le krach boursier. Et c'est de cette période que datent les photographies les plus célèbres de Berenice Abbott. Plus tard, elle se passionnera pour la photographie scientifique - et là encore, on se trompe souvent sur le sens de sa démarche -, puis sur les États-Unis, disons l'Amérique profonde, en sillonnant la route 1.


En toute logique, ce livre sur Berenice Abbott - en fait un catalogue publié à l'occasion d'une exposition conjointe du Jeu de Paume à Paris et du Ryerson Image Centre à Toronto - présente quatre sections : les portraits, New York, la photographie scientifique et la Route 1. La section des portraits est plus un prétexte à présenter Berenice Abbott qu'une analyse de ses travaux, qui ne vont guère retenir l'attention après qu'on aura vu les photographies de New York. Quant à la section sur la route 1, le texte en est très réduit, probablement - mais ce n'est qu'hypothèse de ma part -, parce qu'abbott n'était déjà plus avec ce projet la photographe novatrice des années 30-50.


Le grand moment de ce livre, vous l'aurez donc compris, c'est la section sur New York. Et sans le texte de Sarah M. Miller, certes un rien pontifiant, cette section perdrait beaucoup de son sens. Il y a un malentendu aujourd'hui sur les photographies de New York prises par abbott, faute de connaître le contexte. Il faut dire que l'éditeur de son album Changing New York n'y est pas pour rien... abbott n'a jamais souhaité faire l'éloge de la modernité, ce qui était pourtant ce qu'on attendait d'elle. Ce qu'elle voyait dans les travaux de construction de New York, c'était une modernité écrasante, qui balayait son passé d'un revers de main. D'où des images construites pour montrer ce qui n'est pas visible d'emblée. Des images de petits commerces ou de petits bâtiments qui disparaîtront, de personnes pauvres réfugiées sur des toits dominés par les buildings, d'églises écrasées par les buildings qui les entourent, de buildings (oui, beaucoup de buildings ici) montrant leur côté sombre grâce à un travail sur l'ombre et la lumière, ou encore une image de la base d'un des nouveaux bâtiments du Rockfeller Center juste au-dessus d'excavations qui ressemblent à s'y méprendre à des ruines. Malheureusement, comme je l'ai mentionné plus haut, l'éditeur de Berenice Abbott a plus ou moins vidé de son sens l'album Changing New York en y mettant son grain de sel, et on a grand besoin aujourd'hui d'explications sur le projet de la photographe pour en retrouver le but premier. Ce qui est parfaitement réussi dans ce catalogue.


La section sur la photographie scientifique est plus complexe, même si Terry Weissman explique là aussi très bien que Berenice Abbott n'a jamais souhaité réaliser de belles images abstraites, mais bien utiliser la photographie comme medium pédagogique, donc toujours à fin documentaire, pour aider le grand public mieux comprendre les sciences, et notamment la physique. le problème que va avoir le lecteur (et je me demande si ce problème n'était pas encore plus grand dans l'espace de l'exposition), c'est que, s'il comprend à peu près ce que montre abbott dans une de ses photos, largement commentée dans le catalogue, ça va être nettement plus compliqué pour les suivantes (à moins de s'y connaître suffisamment en physique, ce qui n'est pas du tout mon cas). Il faut bien avoir en tête que Berenice Abbott travaillait comme photographe pour des revues scientifiques, pour le MIT et pour des manuel scolaires. C'est-à-dire que ses photographies étaient conçues pour mieux montrer ce que des textes en regard expliquaient déjà. Et ici, une fois lu le texte de Terri Weissman qui ne peut pas commenter chacune des photographies présentées, on est un peu perdu, comme avec les photographies d'ondes aquatiques. On comprend bien le but général auquel tendait abbott, et pas forcément les photographies séparément, contrairement à ce qui se passait avec la section sur New York.


C'est en tout cas une très belle redécouverte ; sans ce livre, il y a tout à parier que je n'aurais jamais vraiment compris le sens de la photographie documentaire de Berenice Abbott.
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Catalogue de l'exposition qui s'est tenue Au jeu de Paume et au Musée des Beaux-Arts de l'Ontario. Les catalogues sont toujours d'une richesse inouïe en informations et ici en iconographies.
J'ai découvert une artiste photographe essentielle qui a su acheter auprès d'André Calmettes (exécuteur testamentaire d'Eugène Atget), des milliers de tirages et de plaques négatives du photographe français et participer par la suite à sa gloire posthume en le faisant connaître et reconnaître du plus grand nombre.
J'ai découvert une jeune artiste qui a travaillé avec Man Ray à Paris dans les années 20 et par la suite a volé de ses propres ailes. Les portraits des artistes connus de l'époque sont remarquables.
De retour à New-York , elle nous livre son travail documentaire sur les changements de New-York avant la seconde guerre: c'est plus minéral, fait penser à de Chirico car les humains sont quasi absents et dominés par leurs constructions titanesques.
Son reportage sur la Route 1, fige dans le passé une Amérique profonde révolue à jamais.
Ses photographies expérimentales sur des phénomènes scientifiques sont d'une belle esthétique visuelle et graphique , mais moins prenantes à mon goût.
Bref, un bon livre.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Après les quelques années qu'elle a passées à Paris, Abbott a compris que la photographie était un medium structurellement et symboliquement "dialectique" particulièrement apte à rendre compte d'une histoire interruptive du présent. Quant elle retourne à New York en 1929, ce n'est pas seulement pour regarder en l'air les gratte-ciel ; c'est aussi pour mener une recherche sur la relation qu'ils entretiennent avec ce qui est dessous : sous les bâtiments mais aussi sous l'idéologie américaine du progrès et l'effacement insouciant du passé, sous cette précipitation de l'Amérique à réduire sa "culture" à la mécanisation.

L'équilibre dynamique : Le "Maintenant" de Berenice Abbott (Sarah M. Miller)
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Nadar fut le premier qui tenta de donner de ses contemporains des portraits psychologiques. C'est-à-dire des portraits où l'enveloppe ne fut pas seule transcrite mais où apparaissent le caractère profond de l'individu.[...] Avec Bérénice Abbott c'est la figure humaine ramenée à ses lignes essentielles : recherche de style et caractère. La même terminologie est ainsi utilisée pour définir le travail des deux portraitistes et faire d' Abbott l'héritière de Nadar.
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