L'imaginaire des grottes dans les jardins européens

La grotte de Thétis, dépeinte par Ovide dans le livre XI des Métamorphoses (10 avant J.-C.) comme une création si belle qu'il s'avère difficile de déterminer si elle est l'oeuvre de la nature ou bien de l'Homme, devient un topos qui relaie et cristallise les représentations de l'époque. Séduits par ces antres mystérieux, les architectes s'emploient dès l'Antiquité à les recréer au coeur des jardins. C'est à la Renaissance que les humanistes redécouvrent ces fragiles microcosmes artificiels alors partiellement disparus et les remettent à la mode. Aménagée dans les terrasses, mise en scène en tête de canal ou dissimulée au coeur d'une promenade, la grotte tend à devenir une pièce maîtresse des jardins en Italie, avant de gagner l'Europe au cours du XVIe siècle. Qu'il réveille des peurs primordiales par son aspect effrayant ou qu'il se signale comme la réalisation parfaite d'un démiurge rationnel, cet aménagement vise à provoquer un effet de surprise et de fascination. Au cours de l'époque moderne, architectes et hydrauliciens déploient leur ingéniosité pour y insérer des jeux d'eaux, automates et mises en scènes ludiques qui font de la visite une véritable expérience. Hervé Brunon et Monique Mosser interrogent tout au long de ce très bel ouvrage l'imaginaire véhiculé par ce lieu singulier dans une dimension parfois anthropologique. À la fois symptôme d'un fantasme de retour aux origines, de la volonté de recréer une nature faite pour l'Homme mais aussi lieu de divertissement, la grotte est protéiforme. En témoigne la riche iconographie de ce livre qui met en lumière une magnifique sélection de grottes De La Renaissance à nos jours.

Par Milène Cuvillier, critique parue dans L'Objet d'Art 508, janvier 2015