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Georges Kassai (Traducteur)Zéno Bianu (Traducteur)
EAN : 9782226194107
380 pages
Albin Michel (01/10/2009)
3.7/5   37 notes
Résumé :
Situé en 1949 à Naples, où Márai passa quelques années avant d'émigrer aux États-Unis, ce roman, largement autobiographique, brosse un tableau plein de vie et d'humour du petit peuple du Pausilippe. Comme égarées dans ce quartier haut en couleur, deux ombres : un couple d'étrangers discrets, jamais nommés autrement que "l'homme" et "la femme". Viennent-ils d'Amérique, d'Angleterre, de Pologne, nul ne sait. Un jour, l'étranger est retrouvé mort au pied d'une falaise.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Naples, à la fin de la deuxième guerre mondiale . Les gens survivent sous le soleil, au milieu des odeurs et des couleurs , ils parlent, s'emballent, magouillent. Parmi eux , deux étrangers qui traversent la scène et dont on ne sait trop rien mais sur qui on suppute autour du vin d'Ischia.

Roman à la construction particulière puisqu'il est longtemps question des Napolitains , de leur vie, leur difficulté, leur rapport à la terre , à la mer . Sans réelle histoire. Mais sans doute inspiré de la vie de Sandor Marai qui a passé quelques années en Campanie.
Et puis on plonge dans la vie de l'étranger , pourquoi il est là et on en vient à évoquer les désastres des dictatures, quelles soient fascistes ou communistes . de façon absolument remarquable. Une vision de l'homme ballotté par les tyrans , de la mise en place du communisme qui se présentait comme la solution et qui fut une punition et un asservissement pour des millions et des millions de gens .
Et Naples, toujours , les Napolitains et leur saint fétiche , San Gennaro, dont le sang se liquéfie deux fois ans, les Napolitains qui demandent des miracles quotidiennement, le soleil , les fleurs, les odeurs, la mer . une belle écriture.
Une grande découverte, que je dois à plusieurs critiques lues ici sur cet auteur .

Je finirai par un moment que j'ai adoré.
Pourquoi l'être humain au bout du rouleau, qui ne croit plus en rien , ne serait pas comme San Gennaro? pourquoi son sang ne bouillonnerait il pas à nouveau ?
Peut être parce que les miracles , c'est surtout dans les églises ?
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Conduire est un plaisir. Pas tant pour l'exercice en lui même, mais parce que cet acte suppose de partir dans une autre direction, une évasion. Surtout, depuis que je ne me déplace plus pour de stricts motifs professionnels, conduire est un plaisir…
Lire est un plaisir. Partir, découvrir, s'évader… Surtout lorsque la lecture ne vise pas une utilité matérielle…
Lire c'est souvent conduire une belle voiture de sport, une de celle que l'on ne possèdera jamais parce que la métaphore s'arrête au feu rouge des contingences financières et, surtout au panneau stop des représentations bien ancrées. Celle, par exemple, qui m'intime l'ordre de considérer les automobiles comme des substituts phalliques, et donc, par conséquent, de les refuser en tant que symboles de machisme. Ferrari rime avec a priori…
Pourtant, j'aime conduire… DS, 2CV, trafic aménagé et pourquoi pas Dacia et même Trabant.
Le miracle de San Gennaro, c'est un Truck massif, une de ces bestiasses que l'on croise sur les highways américaines avec en bande-son l'improbable rencontre d'ACDC et de Sibelius… Très fier de l'avoir dompté… Mais que ce fut difficile, j'ai fait craquer la boîte de vitesse, la carlingue a toussoté, le monstre de métal m'a subjugué… Un moteur d'une puissance inouïe, une force inhabituelle, des pistons par centaines, des durites à foison, l'admiration pour cette mécanique dont je me contentais d'admirer les effets faute d'en comprendre le fonctionnement, la diabolique articulation… L'impossibilité d'aller vite malgré les formidables potentialités du moulin… Dès le départ, cette centaine de pages, chronique d'un quartier napolitain, j'avais le sentiment de me trouver face à un tableau de bord splendide mais dont j'ignorais les fonctionnalités. J'appuyais sur des boutons, des manettes, soulagé de constater que je continuais de me déplacer.
Puis, j'ai pris un rythme de croisière avec des paysages un peu plus familiers, des réflexions sur le totalitarisme, sur le destin tragique de cette Mitteleuropa qui bascula du nazisme vers le stalinisme, sur ces individus ballotés par l'histoire qui choisirent ou subirent l'exil. Sur le GPS s'affichaient des itinéraires contemporains, échos tragiques d'autres drames… Pas la peine de m'étendre, vous devez posséder les mêmes cartes… le trajet se déroula avec des haltes incontournables dès lors que l'on chemine en humanisme. La religion dressait ses tours et j'actionnais les essuie-glace pour discerner au mieux les enjeux de cet horizon. Les miracles, l'extase mystique peuvent égarer et commettre les pires forfaits. Mais, l'absence de sacré, le matérialisme exacerbé, à quoi mènent-t-ils ? Aux dictatures ? Au suicide ? Dans le siège de mon terrible engin, je regrettais d'avoir séché les cours de mécanique philosophique parce que le Miracle de San Gennaro vous entraîne sur des routes ou plutôt des pistes dignes de la Selva, traversant des jungles de références inconnues ou inhabituelles pour le cancre que je reste. Conducteur du dimanche, quoi !
Oui, mais un piètre pilote, gonflé de l'orgueil de revenir d'un voyage qui commence par cette phrase « Les personnages de ce roman, purement imaginaires, n'ont rien à voir avec des personnages réels ». Bien sûr, l'injonction est contradictoire : la lecture de la biographie de Màrai permet de mesurer que c'est bien son histoire qu'il nous raconte… Eprouvant et magnifique voyage… Heureux d'être descendu de cette vertigineuse cabine où j'ai transpiré autant que frissonné du plaisir de cette découverte. Mais comme disait l'autre « Et c'est tant mieux parce que je f'rai pas ça tous les jours… »
Alors, ça vous dit un trip en truck ?
Une suggestion, découvrez quelques citations sur Babelio, lisez le dernier chapitre (partie IV, chapitre 17) parce que ça ne « spoilera » rien du tout mais par contre c'est tellement limpide, ça vibre comme un V12, la promesse d'un ailleurs …
Si votre curiosité est titillée, attachez vos ceintures, bon courage et belle route…
Pour ma part, je vais me changer les idées au volant d'une petite berline, j'ai quelques courbatures. Mais, p… que c'est bon de sentir craquer ses articulations rouillées ! Ça veut dire que l'on vit encore…
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Je tiens Sandor Marai en haute estime. Il fait partie, à mon avis, des meilleurs écrivains du XXè siècle. J'ai donc été assez désarçonnée par la première moitié de ce roman qui m'est apparu comme un ramassis de chroniques sur la vie les napolitains au sortir de la deuxième guerre mondiale. Certes, ces chroniques sont très bien écrites et très évocatrices de la pauvreté de ce coin d'Italie, en particulier à cette époque où tout était à reconstruire en Europe. Chaque chapitre est comme un tableautin qui campe un décor, met en scène des personnages plus que secondaires car — on le devine dès le début — ceux qui vont occuper l'avant-scène sont ces étrangers, un couple de réfugiés dont on ne sait d'où ils viennent mais dont l'aura intrigue et attire et qui n'apparaissent qu'en filigrane dans cette première partie. La seconde moitié est toute différente puisqu'il n'y est question que de l'homme mais de façon indirecte par les témoignages de la femme qui l'accompagnait et de ceux qui l'ont rencontré lors de son court séjour en Italie puisqu'on l'a retrouvé mort sur la plage, tombé d'un belvédère. Cette mort suspecte occasionne donc une enquête policière qui tient plus de l'analyse de la personnalité de cet homme que tous respectaient et qui se sentait investi d'une mission. On retrouve alors toute la finesse de l'analyse de l'âme humaine à laquelle l'auteur m'a accoutumée mais on trouve aussi une critique ouverte du nazisme autant que du communisme qui ont tour à tour imposé leur joug à l'Europe de l'Est. On peut y voir aussi une forme de confession de Marai, du pessimisme qui l'habitait car on ne peut s'empêcher de rapprocher son héros de lui-même tant les traits de caractère sont proches.
J'ai donc trouvé là un roman d'une facture inhabituelle et donc un peu déroutant mais que tous les amateurs de Marai sauront apprécier à leur juste valeur. Je termine en espérant que Marai lui-même m'aurait pardonné pour les accents que j'ai omis de mettre sur les voyelles de son nom, accents auxquels il tenait tant puisqu'ils étaient partie intégrante de sa culture d'origine et donc de sa personnalité dont il s'est senti dépouillé en se résignant à l'émigration.
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Sandor Marai n'a pas son pareil pour relater, faire ressentir, des lieux, des atmosphères, des personnages, des couleurs, des odeurs, des attitudes, des sentiments éphémères.
Le Miracle de San Gennaro est d'abord le miracle pour le romancier de la découverte d'un espace de liberté et de toute beauté, le Pausilippe, près de Naples, là où il échoue après sa fuite de la Hongrie soviétisée. Et en attendant de partir pour les Etats-Unis. Il est encore en Europe et il comprend, il embrasse encore cette culture, ces gens, cette langue.
Il est à la fois dans la nostalgie, déjà, et la découverte de cette terre et de son peuple de Pausilippe.
Les dizaines de pages vouées à la description, à l'observation et des paysages, et des ambiances et des gens de ce petit coin de paradis - pour lui-, sont délicieuses. A déguster, lentement, à savourer, à relire, doucement, posément, l'écriture de Sandor Marai transcende ce qu'il a vu, ce qu'il a senti, ce qu'il a entendu.
Puis vient le couple d'étrangers, ombres et mystères. Ce n'est pas les pages du roman qui m'ont le plus intéressée. Même si l'on a vite fait le parallèle entre lui le réfugié, l'exilé, l'étranger et son personnage. Même si 'lon fera aussi le parallèle entre le personnage qui est mort et l'auteur, Sandor Marai, qui meurt en quittant sa Hongrie, sa langue, mais qui vivra parce qu'il est mort. Car, nonobstant, il restera un réfugié et un exilé.
Parmi tous les livres de ce magnifique écrivain que je viens de lire ces derniers mois, celui-ci retient vraiment mon affection. En effet, j'ai aimé cette lecture, je l'ai savourée car l'écriture est si délicate et si fine, et j'ai ressenti de belles et tristes émotions. Sandor Marai en exil, s'attache à une terre idyllique, tout en devant la quitter pour un monde inconnu. Très beau, très symbolique. Très émouvant.
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Sándor Márai (de son vrai nom Sándor Grosschmied de Mára) né en 1900 à Kassa qui fait alors partie du Royaume de Hongrie dans l'Empire austro-hongrois (aujourd'hui en Slovaquie) et mort en 1989 à San Diego aux États-Unis, est un écrivain et journaliste hongrois. La vie de l'écrivain fut itinérante, européenne et quasi-vagabonde dans sa jeunesse pour fuir la Terreur Blanche de 1919, hongroise pendant vingt ans, américaine et italienne après le passage de la Hongrie dans la sphère soviétique et le choix par Márai de l'exil. Au-delà des circonstances politiques, le voyage est un mode d'être pour Sándor Márai. de plus en plus solitaire et difficile matériellement, mais fertile sur le plan littéraire, l'exil mènera Márai de New York à Salerne, en Italie, puis en Californie où il se donnera la mort à 89 ans, quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Son roman le Miracle de San Gennaro sera d'abord publié en allemand en 1957, puis en hongrois en 1965.
Le roman se déroule à Naples en 1949. Naples où tous les ans au mois de janvier, le sang de San Gennaro (Saint Janvier) précieusement conservé dans une église, se liquéfie miraculeusement. Un couple d'étrangers s'est installé au milieu du petit peuple du Pausilippe, cette montagne près de la ville. Un jour l'homme est retrouvé mort au pied d'une falaise. Accident, crime ou suicide ?
Ne laissez pas votre imagination galoper, il ne s'agit pas du tout d'un polar même si ce roman baigne dans un certain mystère car tout du long il sera question de révéler la personnalité de cet homme – ni lui, ni la femme ne sont nommés – dont la rumeur publique prétend qu'il voulait sauver le monde tel un nouveau messie.
Nonobstant le découpage du roman voulu par l'écrivain, le bouquin est en deux parties. La première, quasiment un reportage in vivo, nous montre la vie des habitants du quartier au travers de portraits pittoresques et sympathiques, le tripier, le marchand de cacahuètes, le maçon mais aussi le baron, l'amiral ou l'homme amputé des orteils. Tous ont un point commun, la pauvreté et cette misère qui semble mieux se vivre au soleil, favorisant l'optimisme, « de toute évidence, la vie est belle. Elle n'est pas facile, mais, tout compte fait, elle est magnifique. » Chacun attend, sans trop y croire, une sorte de miracle qui le sortira de sa situation. Cette partie – qui n'est pas du tout inintéressante - m'a paru un peu longue car je ne voyais pas où tout cela nous menait et d'ailleurs, je m'interroge encore. A moins que l'auteur n'ait voulu profiter de l'occasion pour consigner des souvenirs personnels de son séjour dans la ville quelques années avant d'émigrer aux Etats-Unis ?
La seconde partie qui débute après la mort de l'étranger va s'avérer beaucoup plus riche en perspectives intellectuelles. le portrait de l'inconnu est dressé par trois témoins, un policier qui lui a longuement parlé et avoue avoir été subjugué par son aura, un prêtre et la femme qui l'accompagna dans l'exil et jusqu'à sa mort. le roman prend alors une tournure grandiose car il permet à Sándor Márai d'aborder de multiples sujets, politique (les dictatures fascistes et communistes), philosophique (la conscience individuelle) et religieux (la rédemption), le tout étant englobé dans le thème principal de cet ouvrage, à savoir le douloureux problème de l'exil et de l'émigration, ce qui nous vaut des pages d'une brûlante actualité et ce constat – une nouvelle fois amer – rien ne changera donc jamais ?
Un très bon roman, peut-être un peu long au début (d'accord je chipote) mais largement compensé par la qualité de la seconde partie.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Si nous quittons l'Italie, m'a-t-il dit, il ne faudra plus y revenir. Nous y sommes encore, mais nous allons partir… pour l'Australie, pour l'Amérique… N'importe où, et il nous sera interdit d'y revenir. J'en ai eu le cœur serré. Mais pourquoi ? lui ai-je demandé. Pourquoi nous serait-il interdit de revenir en Italie ? Parce que pour nous l'Italie n'est pas un pays qu’on visite en touriste, non c'est un sentiment… Et lorsque l'on quitte un sentiment, on ne le retrouve plus, on ne fait que visiter des villes, on ne rencontre plus que des pierres et des gens. Or, l'Italie relève du domaine sentimental, comme l'amour, le dernier don que le monde puisse offrir aux apatride, et bientôt aux Italiens eux-mêmes - car beaucoup d'entre eux sont d'ores et déjà devenus des apatrides dans leur Italie adorée.
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- Lorsqu'on écoute les gens venus de derrière le rideau de fer, on peut distinguer deux types de discours. Le premier est accusateur. C'était insupportable, clament-ils. Et lorsqu'on les interroge sur ce qu'ils ne pouvaient plus supporter, ils donnent des réponses tantôt simples, tantôt compliquées. Ils ne pouvaient plus supporter d'avoir été dépossédés de leurs terres, de leurs biens, de leur rôle professionnel. Ou ils ne pouvaient plus supporter les conditions de vie quasi primitives que le régime imposait à ceux qui n'appartenaient pas à la caste des privilégiés. Ou l'état de crainte permanente, l'atmosphère de suspicion générale. La peur , la nuit, chez eux, et le jour, à leur lieu de travail. La méfiance, la délation, l'appréhension qu'ils éprouvaient devant le responsable de l'immeuble. Plus grave, le soupçon entre époux, entre le père et le fils. Insupportables encore le changement, la disparition de leur environnement, la transformation dans leur vie privée et publique, de l'ordre auquel ils étaient habitués. Ils dénonçaient pêle -mêle la monotonie de la propagande officielle, la vacuité des librairies, des cinémas, des théâtres, les slogans que serinaient les postes de radio. L'obligation de croire à toutes ces absurdités, aux mensonges de la propagande officielle. Les défilés, les meetings, l'enthousiasme de commande, les rançons, les impôts, les chantages de toutes sortes, etc. De toutes ces plaintes individuelles, voyez-vous, se dégage une conclusion générale : les réfugiés venus de derrière le rideau de fer et les centaines de millions de personnes qui vivent encore là-bas ont été privés de toute humanité.... en vérité, on leur a imposé une réalité quotidienne à visage inhumain.
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(...) Comment savoir la vérité sur les gens! Il y a trop de pays lilliputiens en Europe et trop de réfugiés! Pas étonnant si certains consuls d'Amérique ou d'Australie se méfient. (...)
_Au Chili, il s'est certainement passé quelque chose, répondit l'agent, inquiet. Le consul a refusé son visa à un acteur lituanien. Pour émigrer a Chili, il faut mesurer a moins un mètre soixante - dix.
Le vice- questeur inclina la tête en signe d'assentiment.
_ Comme Frédéric le Grand, précisa - t -il. Qu'est - il devenu ce comédien lituanien?
_ Il s'est inscrit pour le Canada, mais là aussi sa demande a été refusée. L'examen médical a révélé q'il avait le foie trop dur. On ne peut pas émigrer a Chili quand on ne mesure pas un mètre soixante dix. On ne peut pas aller au Canada quand on a le foie trop dur. Un Russe n'a pu obtenir son visa d'entrée aux Etats-Unis, parce qu'il est né à Saint- Pétersborg. Il n'avait pourtant que deux ans quand il a quitté cette ville avec ses parents...Devant l& commission, il a protesté. Léningrad, ce n'est tout de même pas la même chose que Saint- Pétersourg! a - t- il crié.
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Le rédacteur en chef dit :
- Les étrangers n'y comprennent rien. Ils pensent que les napolitains sont croyants, alors qu'il n'en est rien. La vérité, c'est que notre peuple est superstitieux, et cela n'a rien à voir avec la religion. En Calabre, les gens sont peut être encore plus pauvres qu'à Naples, d'une pauvreté plus noire, plus austère que la nôtre. Pas vrai, Michele ?
Le marchand de gemmes et de camées, qui a son atelier à Torre del Greco et son magasin au forum de Naples, dans un coin de la galleria Umbeto, déclara gravement :
- En Calabre, les gens ne croient plus à rien. Même pas au miracle.
- Et naturellement, pas au gouvernement. Pourquoi y croiraient-ils, d'ailleurs ? En trois mille ans, les gouvernements se sont succédés, les uns pareils aux autres, et rien n'a changé. Le peuple le sait, il ne croit plus à rien. Quant au miracle, oui bien sûr, tu as raison, Michele, il n'y croit pas vraiment, mais au moins il ne l'exclut pas entièrement de ses calculs. C'est une éventualité comme une autre.
- Plus exactement, précisa le responsable de la page des courses hippiques, fin connaisseur des chevaux de l'hippodrome d'Agnano, ils parient sur le miracle, comme on jouerait un cheval ou un club au totocalcio.
Ils réfléchissaient.
- C'est vrai, reprit brusquement le rédacteur, comme éclairé par une soudaine illumination. Sans doute parce qu'à Naples, le miracle se produit officiellement deux fois par an. Une fois au printemps et une fois à l'automne.
- Voilà, dit calmement le responsable hippique. Un peu comme les courses de trot.
Ils se penchèrent en avant, attentifs, les yeux étincelants, tenant dans leurs mains leurs minuscules tasses remplies d'un café fort comme du poison et sucré à outrance. Il leur semblait que le responsable de la page des courses venait de dire quelque chose de très important.
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Aussi, les régimes fondés sur la violence apprécient-ils le savant et l'écrivain qui, tout en restant au pays et en se soumettant à sa législation, refusent d'adhérer au parti unique ou de proclamer leur allégeance au fascisme ou au communisme, adoptent même une attitude de résistance passive, quoique inoffensive , mais continuent de travailler dans leur domaine, permettant ainsi au pouvoir de proclamer à ses masses et au monde : "Vous voyez bien que nous ne sommes pas barbares. Voici un homme qui ne pense pas comme nous, mais que nous tolérons, oui, nous le laissons gagner sa vie, sans l'obliger à faire des déclarations contraires à ses convictions."
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