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Jean-Marie Saint-Lu (Traducteur)
EAN : 9782020512565
388 pages
Seuil (09/10/2001)
4.3/5   55 notes
Résumé :
En 1969, Minaya, un jeune étudiant, découvre le manuscrit posthume d'un certain Jacinto Solana, abattu en 1947 par la police franquiste. Désireux d'enquêter sur la vie et la disparition du poète, il se rend à Magma, une bourgade où Solana a écrit son œuvre et où vit encore Manuel, l'oncle de Minaya. En interrogeant les rares survivants de la guerre civile et avec l'aide d'Ines dont il devient vite l'amant, il fait surgir le passé de Magma et des énigmes que l'on cro... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
L'intrigue se situe en Espagne, sous Franco, en 1969. Minaya, jeune étudiant madrilène participe à une manifestation d'étudiants où il est repéré par la police et incarcéré. Pour se faire oublier à sa sortie de prison, Minaya demande l'hospitalité à son oncle Manuel qui demeure dans la ville de Magina, sous le prétexte d'écrire la biographie du poète communiste Jacinto Solana, grand ami de Don Manuel depuis l'enfance, et que ce dernier a hébergé à sa sortie de prison, assassiné par la police franquiste en 1947, et qui avait lui-même entrepris de rédiger ses mémoires sous le titre de « Beatus Ille ».

Toute la trame du récit s'articule autour du mystère de la mort par balle de la belle Mariana Rios au lendemain de ses noces avec Don Manuel et la découverte, par Minaya, de la valise de Jacintho Solana dans laquelle reposent des manuscrits et un petit cahier bleu accompagné d'une douille.

Que s'est-il passé en mai 1947 au cours de la dernière nuit vécue par Marianna, quels sont les évènements qui ont amené à retrouver le corps sans vie de cette jeune femme, abattue d'une balle au milieu du front. Nous sommes du côté des Républicains mais les oppositions avancent masquées. Est ce une balle perdue ou un acte délibéré?
La grande demeure de Don Manuel fait partie des personnages de ce récit. On imagine aisément l'atmosphère de cette majestueuse demeure aristocratique avec son patio, son grand escalier, sa bibliothèque et au dernier étage, les appartements de la mère de Don Manuel, Dona Elvira. Utrera, sculpteur, bénéficie aussi de l'hospitalité de Don Manuel. Cette belle demeure bourdonne de la présence du médecin de famille, Médina et de la visite d'Orlando, peintre, ami de tous.

La ville de Magina participe aussi à l'étrange ambiance du récit, elle qui fut témoin de tous ces évènements dont un lynchage sur la place du Général Orduna. Les pierres comme les fenêtres ont mémorisé les drames et les joies et elles se font, avec la vieille horloge, dépositaires de l'histoire de Magina avec toutes ses indiscrétions.

Hébergé sur les lieux du drame, Minaya, très curieux de ce passé, tente de reconstituer cette énigme en retrouvant et en sollicitant tous les protagonistes de l'époque et c'est là que dès le début de la lecture, les difficultés de compréhension pour le lecteur se font sentir. La période va de 1937 à 1969 et toute l'écriture se compose de conversations directes et indirectes, de rétrospectives, de changement d'interlocuteurs et du narrateur. Il faut une grande capacité de concentration pour les centaines de premières pages mais au fur et à mesure de la lecture, les situations et les enjeux s'éclairent.

Ce n'est pas une enquête ordinaire, c'est beaucoup plus que cela, c'est l'histoire d'un traumatisme jamais vraiment cicatrisé que cette guerre civile espagnole et c'est l'histoire du tragique de l'être humain, de ses passions amoureuses qui finissent mal. « Les histoires amours finissent mal en général » !

Certains passages sont terriblement évocateurs de la répression qui a régné pendant et après cette guerre, des exécutions sommaires et des lynchages.

Antonio Munoz Molina possède une écriture magnétique. C'est bien la première fois que je me retrouve fascinée devant un récit dont le sens m'échappe dès les premières pages. Je suis très sensible à l'esthétique et c'est ce qui a retenu toute mon attention. Ce sentiment de retrouver l'esthétique de Marcel Proust, de longues phrases à savourer, une lecture lente qui s'étire, des portraits, des situations décrites toutes en subtilité. A la différence de Proust qui possède, à mes yeux, une écriture limpide, Molina élabore un récit très complexe, un véritable puzzle, un enchevêtrement de destinées et de sentiments humains qui permet de parvenir à un dénouement inattendu.

Beatus Ille est le premier roman d'Antonio Munoz Molina que je découvre. A présent que je me suis familiarisée avec son écriture, que je me suis glissée dans son écriture, je vais continuer ma découverte de cet auteur peu ordinaire.
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Les phrases de Munoz Molina! Difficile de savoir ou prennent elles leur source, d'ou jaillissent elles, d'ou provient cet ecoulement continu qui se taille son lit, avec une endurance tranquille, a travers monts collines et plaines, recevant apres quelques virgules et maints meandres des affluents qui amplifient son nerf et sa puissance, charriant le lecteur, le poncant, le limant, le lustrant, jusqu'a son echouage, essoufle mais ravi, a l'apaise estuaire du point.


Le long des pages, tout ce flux, toute cette eau ondoyante se fixe en chapitres, se solidifie, devient pierres, une s'appuyant sur l'autre pour edifier une batisse de pierres seches, qui fait fi de tout ciment bourratif et finit inscrite par l'Unesco au patrimoine de l'humanite.


Munoz Molina a, en plus d'une prose imagee, rutilante, le chic pour construire un recit qui feint d'egarer le lecteur pour mieux le rattraper au tournant. Ce livre, Beatus ille, se deguise en intrigue tant soit peu policiere pour mieux raconter une ville, une maison, une amitie, un amour, et surtout une epoque. Un roman polyphonique ou presque chaque personnage a le droit de donner son point de vue, de faire avancer l'action selon son bon vouloir. D'epaissir le scenario par ses aveux ou ses affabulations.


Tout commence par le retour d'un jeune etudiant dans sa ville natale (la Magina que Munoz Molina declinera dans plusieurs de ses livres et qui n'est autre que l'Ubeda ou il a grandi) a la recherche d'un poete mort et oublie. A partir de cela le lecteur a droit a une description detaillee de la ville et de ses environs, aux moeurs de ses differentes classes sociales, a leurs demarches, leurs affrontements pendant la guerre civile et la premiere decennie d'apres-guerre. Une terrifiante chronique de gens executes pas pour ce qu'ils avaient fait mais pour ce qu'ils pensaient, ou simplement pour ce que d'autres alleguaient qu'ils pensaient. Il aura droit a l'histoire d'un grand amour, non, de plusieurs grands amours; a l'histoire d'une grande amitie, pas equitablement reciproque mais minee par une certaine jalousie; a de belles circonvolutions sur le fosse des generations, incomprehension et blame d'un cote, revolte de l'autre; Il aura droit a ce que l'auteur, parlant de je ne sais plus quoi, definira comme "un laberinto sabio de figuras trenzadas en la desesperacion y el deseo", "un savant labyrinthe de figures tressees dans le desespoir et le desir".


Beatus ille est un roman complexe, non lineaire, bouleversant la chronologie, ou les multiples narrateurs compliquent chacun d'eux la trame selon son point de vue ou ses manigances, piegeant le lecteur, le malmenant par cercles concentriques en avant et en arriere, jusqu'a une fin qui eclaire le tout.


C'etait le premier roman de Munoz Molina. Pas un coup d'essai, mais tout de suite un coup de maitre. Beatus ille. Heureux celui qui a ce don d'ecriture. Beatus ille. Heureux celui qui le lit.

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Un livre que je referme en me disant que cet auteur est brillant. Non seulement la construction de ce roman est phénoménale mais Antonio Munoz Molina possède une plume qui me subjugue. Certes, j'ai souffert au début, mais cela n'était que pour me donner un plaisir grandissant au fil des pages. Il est tellement proche de la poésie dans sa forme d'écriture que j'y ai puisé un enivrement, aiguisé plus j'avançais, à m'accrocher pour absorber ce qu'il avait à dire de manière si sensible. Si je puis me permettre un conseil, ne lâcher pas prise après les cent premières pages. Cela en vaut vraiment la peine car on finit par se couler dans cette forme d'écriture très particulière et, sans vraiment comprendre de manière très raisonnée, on sent que l'arrangement interne du roman, sa structure déstabilisante au début, va se révéler et s'épanouir comme une fleur au soleil au fil de la lecture. Progressivement, on s'habitue et les non-dits ou juste suggérés, inconsciemment se mettent en place dans l'histoire que l'on découvre page après page.
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Vous avez aimé Dans la Grande Nuit des Temps, vous apprécierez aussi Beatus Ille. On se dit que le style est le même avec des phrases qui n'en finissent plus, des personnages dont les noms Minaya, Mariana, Medina, Manuel, Magina se succèdent, s'enchaînent en sautant d'une époque à une autre (1937, 1947 et 1969) pour perdre en route le lecteur inattentif et négligent.
« Elle a tout doucement fermé la porte et elle est sortie sans faire de bruit, comme lorsqu'on quitte, à minuit, un malade qui vient de s'endormir. J'ai écouté ses pas s'éloigner lentement dans le couloir, redoutant ou désirant qu'elle revienne, au dernier moment, poser sa valise au pied de mon lit et s'y asseoir avec un air de renoncement ou de lassitude, comme si déjà elle rentrait de ce voyage qu'avant ce soir elle n'a jamais pu faire. Les volets ouverts laissent entrer un air de nuit d'été tout proche, une nuit déchirée, au loin, par le sifflet des express qui suivent la livide vallée du Guadalquivir avant de monter la pente qui mène à la gare de Magina où lui, Minaya, l'attend en ce moment, sans même oser espérer qu'(elle)… apparaisse à un bout du quai ».
Triangle amoureux ? Oui, mais pas comme on le croit à la lecture de ces toutes premières lignes dont vous n'aurez la clef qu'après avoir lu le dernier chapitre. Molina raconte tellement bien les amours malheureuses, les amoureux transis qui n'osent pas ou ceux qui osent tout pour finalement tout perdre, les amoureux heureux mais honteux du bonheur qu'ils ont dérobé à l'ami de toujours, qu'on peut penser que c'est le thème principal du roman au même titre que l'amitié...
« Elle m'avait pris par le bras et elle regarda l'objectif quand le photographe nous demanda de sourire, mais Solana était derrière lui…Ce fut exactement à ce moment-là que le photographe déclencha l'appareil. de quelque endroit du cabinet que tu la regardes, elle a l'air de sourire et de te regarder, mais c'est Jacinto Solana qu'elle regarde. »
Et si c'était une enquête policière ?
« Il pouvait les entendre et reconnaître la voix de chacun, parce qu'ils étaient tous dans le cabinet, de l'autre côté de la porte, mais également ici, dans le cahier bleu, dans les dernières pages qu'il commençait à lire, en se demandant lequel d'entre eux, lequel, parmi les vivants ou les morts, avait été, trente-deux ans plus tôt, un assassin. »
Sans avoir l'air d'y toucher, en arrière-plan, il y a bien un mystère enfoui dans le lointain passé qui va se dissiper peu à peu. Lorsque la vérité apparaît enfin, la surprise est totale et soudain tout s'explique. Pas mal pour un roman qui n'est pas un roman policier.
Alors, c'est un roman sur la guerre civile espagnole ?
Elle ne sert que de décor et de prétexte à des événements extraordinaires mais sa condamnation qui met dans le même sac les assassins de gauche et de droite, la folie des discours enflammés enrobés de postures généreuses et la bassesse des foules déchaînées pour lyncher un homme seul est au coeur du roman et de la pensée de l'auteur. Elle y est traitée, de façon assez similaire à Dans la Grande Nuit des Temps, comme une formidable machine à détruire des vies, bien sûr, mais aussi à anéantir les rêves, les aspirations et les talents de tous ceux qui lui survivent. On y croise un héros qui n'en était pas un, qui ne voulait surtout pas en être, mais qui, pour exister et devenir quelqu'un, en prit toutes les apparences et tous les travers. La tentation du repli sur soi, du refus de prendre parti et de participer à la curée est symbolisée et magnifiée par l'homme portant le prénom de Justo (sans doute pas un hasard) dont le sort ressemble à celui du réfugié allemand de la Nuit des Temps. Quant au titre Beatus Ille, il suffit de se remémorer les premiers vers du poème d'Horace pour confirmer le jugement :
Qu'il est heureux (en latin Beatus ille), loin des affaires,
Comme les mortels des premiers âges,
Celui qui travaille les champs de ses pères, avec ses boeufs à lui, libre de tout prêt à usure.
On ne le réveille pas, soldat, au son terrible de la trompette,
Il ne connaît pas l'horreur de la mer démontée,
Et se tient à l'écart du forum et des seuils arrogants des citoyens puissants.

C'est un roman magnifique, déroutant par son style, captivant par son intrigue mystérieuse et sa construction habile et émouvant par les sentiments qu'il dépeint. C'est beaucoup, mais prenons un instant encore pour dire un mot du personnage que constitue la ville où se situe l'intrigue. Derrière Magina, il faut imaginer Ubeda, la petite ville d'Andalousie (classée avec sa voisine de Baeza au Patrimoine Mondial de l'Humanité) où Munoz Molina est né. Pour y avoir passé une journée ensoleillée de fin mai, je ne peux qu'encourager à y faire halte. Outre l'architecture Renaissance italienne à admirer à chaque coin de rue, vous y retrouverez, comme dans le roman, la place du Général-Orduna (dans la réalité la place d'Andalousie) et sa statue du général criblé de balles. Vous y chercherez, dans le centre historique, la maison de l'oncle Manuel où tout ou presque se déroule. Vous descendrez ensuite vers la plaine du Guadalquivir et ses innombrables oliviers pour vous imaginer dans la scène où les fugitifs tentent d'échapper à leurs poursuivants. Lisez ce roman époustouflant, puis, en allant vers Grenade ou en en remontant en direction de Madrid, arrêtez-vous savourer la beauté et le calme d'Ubeda. Vous n'oublierez ainsi ni le roman, ni la ville, ni le plus célèbre de ses écrivains.
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Ils se sont connus sur les bancs de l'école, Manuel fils d'un riche propriétaire, Jacinto fils d'un paysan pauvre. Ils sont restés amis, même quand Jacinto est parti à la capitale et est devenu poète, même quand c'est Manuel qui épouse Mariana, que Jacinto lui avait présentée en 1933.
C'est chez Manuel que Jacinto se cache lors des évènements tragiques de la guerre d'Espagne.
C'est encore chez Manuel qu'il trouve refuge en sortant de prison, 10 ans plus tard.
Et c'est là que se trouvent ses derniers écrits.
Écrits que vient explorer Minaya, neveu de Manuel, à la fin des années 60, sous prétexte d'une thèse.
Mais il va découvrir beaucoup, beaucoup plus que des poèmes.
J'ai eu du mal à entrer dans ce roman ; dès les premières pages on sent que ça va être oppressant. L'écriture est dense, très dense. Et en effet, tout est oppressant dans ce récit, à commencer par la maison, personnage à part entière avec ses pièces innombrables, certaines condamnées, son patio, son pigeonnier maudit.
Tout ici est hanté : par les souvenirs, par les mensonges, par les secrets.
Tout est énigmatique.
Tout est pesant.
Et pourtant, quelle beauté dans ce roman, dans sa densité et sa pesanteur même, dans le tragique de ces destinées humaines brisées par la guerre et la dictature.
Traduction impeccable de Jean-Marie Saint-Lu.
Challenge Solidaire 2023
LC thématique avril 2023 : "Un roman historique"
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Seuls Orlando et moi, séparés par la table du cabinet sur laquelle était posé le dessin, sous la lumière de la lampe, rien d'autre que le profils de Mariana tracé sur le papier et peut-être, sur le fond sombre des rayonnages de la bibliothèque, la voix d'Orlando qui battait comme mon sang à mes tempes, avec la lourde indolence de l'alcool. Je me redressai en m'appuyant au rebord de la table, gauche et lâche en face des pupilles pas exactement humaines d'Orlando. "Laisse-moi tranquille" lui dis-je, "va-t'en et laisse-moi seul", mais il ne bougea pas encore et n'écarta pas ses yeux des miens. Il effleurait, il donnait doucement de petits coups sur la surface de son carton à dessin de ses doigts courts et sales de peinture et la sueur perlait sur son cou et dans les rares cheveux de son front comme un maquillage qui se serait défait sous la lumière trop proche de la lampe. "Ce n'est pas la peine d'élever la voix comme ça, Solana, je ne suis pas ta conscience. Je me moque de ce que tu ne feras pas cette nuit, comme de ce qu'elle ne fera pas. Quand elle aura fini sa cigarette ou son verre, elle ira se coucher ou essayer encore une fois sa robe de mariée et tu auras l'occasion de t'offrir une nouvelle nuit d'insomnie. Ce n'est pas moi qui discuterais à qui que ce soit, et encore moins à toi, le droit de forger son propre échec. Mais je suppose que tu me comprendras si je te dis que l'amour m'a simplifié la vie. La seule chose qui m'importe c'est de peindre et d'avoir Santiago avec moi. Je sais qu'il s'en ira comme il est venu, qu'il est plus que probable qu'il me quittera quand nous rentrerons à Madrid et que je mourrai quand il partira, mais même ça, ça ne me fait pas peur, Solana, la peur est un piège, comme la honte, et moi, en ce moment, je suis vivant et je suis invulnérable".
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Elle a tout doucement fermé la porte et elle est sortie sans faire de bruit comme lorsqu'on quitte, à minuit,  un malade qui vient de s'endormir. J'ai écouté ses pas s'éloigner lentement dans le couloir,  redoutant ou désirant qu'elle revienne, au dernier moment,  poser sa valise au pied au pied de mon lit et s'y asseoir avec un air de renoncement ou de lassitude, comme si déjà elle rentrait de ce voyage qu'avant ce soir elle n'a jamais pu faire. Quand la porte s'est refermée,  ma chambre a été plongée dans l'obscurité, et seul m'éclaire encore un mince rayon de lumière venu du couloir, qui se glisse jusqu'à mon lit; mais dans l'embrasure de la fenêtre le ciel est bleu sombre, et les volets ouverts laissent entrer un air de nuit d'été tout proche, une nuit déchirée,  au loin, par le sifflet des express qui suivent la livide vallée du Guadalquivir (...).

(Incipit)
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Il voyait autour de lui des visages inconnus qui s'agglutinaient devant le bar et autour des tables voisines avec leurs classeurs et leurs manteaux qui semblaient les protéger avec la même efficacité de l'hiver et du moindre soupçon de peur, plein d'assurance dans l'air chaud et la brume de tabac et des voix, bien fermes sur leurs noms,  leur avenir choisi, ignorant la sourde présence parmi eux des émissaires de la tyrannie, aussi irrévocablement qu'ils ignorent, ces fils de l'oubli, que les pinèdes et les briques rouges qu'ils viennent de traverser ont été,  il y a trente ans, un champ de bataille.
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Il devait y revenir après le service et l'enterrement pour récupérer ses bagages, mais il lui sembla, en se laissant aller contre le dossier de son siège, tandis que le parfum des acacias et la place s'estompaient derrière eux, qu'il s'en allait pour toujours, non seulement de la maison déserte et fermée maintenant, mais aussi d'Inès, et de tous ceux qui avaient habité là, d'une partie de sa vie qui cesserait très vite de lui appartenir, inaccessible à un quelconque retour et au souvenir, parce que se souvenir et revenir, il ne le sait pas encore, sont des exercices aussi inutiles que de demander à un miroir des comptes du visage qui, une heure, un jour ou trente ans plus tôt, s'y est regardé.
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"Pourquoi n'écris-tu pas un vrai livre ?" disait-il, (...). Un seul livre qui aurait l'aspect mystérieux qui était celui de tous les livres de mon enfance : un objet dense et nécessaire, un volume lourd de la géométrie des mots et de la matière du papier, avec des coins durs et des couvertures usées par la longue fréquentation de l'imagination et des mains.
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