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Philippe Bataillon (Traducteur)
EAN : 9782020380836
438 pages
Seuil (10/02/2003)
3.8/5   162 notes
Résumé :
"Halluciné par le manque de sommeil, il sentait qu'il serait capable, s'il fermait les yeux et se mettait dans un état de tension intellectuelle maximum, de voir le visage, de voir devant lui dans le noir non pas les phosphènes des paupières serrées mais les traits qui avaient vu la fillette (...)."

L'inspecteur nourrit la soif de son obsession - démasquer un meurtrier - de cette certitude : les yeux sont le miroir de l'âme et un homme ne peut cacher ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 162 notes
Je suis sortie de la fiction pour entrer de plain-pied dans la réalité et c'est assez perturbant ! Je suis une inconditionnelle d'Antonio Munoz Molina. Il est l'un de mes auteurs favoris mais j'ai dû abandonner, à mon grand regret, ce livre qui me bouleverse trop et me rappelle un drame qui s'est passé dans mon environnement. Je ne m'attendais pas à cela, Antonio Munoz Molina est stupéfiant dans l'écriture d' un roman noir, il excelle !


Lorsque vous habitez dans un village limitrophe de Guermantes, le village de la petite Estelle Mouzin, que vous avez dû rencontrer ses parents au détour d'une course chez le boulanger, celui là même où elle a été vue pour la dernière fois, que vous connaissez le chemin que la petite Estelle a emprunté le jour de sa disparition, celui qu'elle prenait de l'école à chez elle, dans un petit village tout ce qu'il y a de plus calme, que vous avez en mémoire les photographies placardées un peu partout, que vous avez assisté impuissante aux déambulations de la police, vous ne pouvez lire ce livre sans éprouver une vive émotion, une boule au ventre, des larmes aux yeux. Ce livre décrit avec un réalisme saisissant la découverte du corps d'une petite fille de neuf ans et l'enquête qui s'en suit. Alors, le spectre de la disparition d'Estelle refait surface avec violence. Ici, personne n'a oublié, la moindre information télévisuelle, la moindre évocation capte l'attention. Ce fut un véritable traumatisme.

Et sous la plume incomparable d'Antonio Munoz Molina, l'horreur de ce drame reprend toute son intensité. Avec ses phrases qui n'en finissent pas dont le regard ne peut se détacher, la fascination ajoute du réalisme au réalisme de son écriture, cette écriture hypnotique magnifique qui génère une expérience émotionnelle, qui prend le lecteur en otage, il étouffe, médusé sous la précision des états d'âme de tous les protagonistes, mélange de culpabilité, de scrupules, le film de la journée fatidique qui tourne en boucle dans la tête des proches.

Alors je n'ai pas pu continuer, je regrette tant j'apprécie le style de cet auteur. Je suis vraiment désolée mais si, à ma différence, l'Ogre des Ardennes, Fourniret, n'est pas venu roder près de chez vous pour enlever, dans les mêmes conditions que le livre, une enfant du même âge, c'est un livre très fort, très noir mais remarquable de précisions, avec des personnages tous aussi intéressants les uns que les autres. Fourniret, à ce jour, est toujours dans l'incapacité de dire où il a enterré la dépouille d'Estelle.

« Celui qui a fait une telle chose doit le porter sur son visage, dit le père Orduna. Il doit porter un signe, comme Caïn quand il avait tué son frère et cherchait à se cacher de Dieu. »
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« ils ont des yeux et ils ne voient pas, ils ont des oreilles et ils n'entendent pas. »

Telle une vague qui roulerait mille fois sur une plage, Antonio-Munoz-Molina nous entraîne et nous aspire dans des phrases fluides comme l'eau, pour mieux nous immerger dans un univers traumatique. Celui d'un inspecteur hanté par les fantômes mortifères de l'ETA, d'un vieux jésuite repentant, d'un tueur haineux, de parents ravagés par la disparition de leur fille. Un monde désespéré et désespérant où seule une institutrice s'autorise à croire en l'avenir après l'assassinat barbare d'une enfant.

Un roman noir — très noir et fascinant. J'avoue que je ne m'attendais pas à être à ce point embarquée. Antonio-Munoz-Molina est magistral. Ses personnages par leur profondeur psychologique, leur densité et leur réalisme envoûtants ont quelque chose à voir avec l'universalité des sentiments humains, et c'est assez perturbant. Merci à michfred et à engie, grâce à leurs superbes critiques j'ai découvert un peu plus de la littérature espagnole et un magnifique auteur.

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Envoûtée.  Je suis définitivement envoûtée par Antonio Muñoz Molina.

 Cette fois, ce ne sont plus,  comme dans Séfarade, des micro récits reliés par une trame arachnéennne d'exil et de solitude, éparpillés dans l'espace-temps en une vaste cosmogonie secrète et douloureuse.

Pleine lune c'est  un roman policier, non, plutôt un  récit noir, resserré, puissant. Une ville d'Espagne,  provinciale et frileuse, un hiver rude, et un inspecteur de police qui fuit les tueurs de l'ETA et traque un tueur de petite fille( peut être même de petiteS filleS) ,  qui tue à la pleine lune selon un rituel aussi barbare qu'imparable. La police scientifique a tout trouvé,  sauf l'homme lui-même. Sans fichier, sans mobile, sans visage. Sans adresse. L'anonyme parfait.

Mais chez Molina il n'y a jamais d'anonymes. La phrase s'insinue au coeur même du vivant, sonde les reins et les coeurs. Scrute les âmes. Les silhouettes lentement prennent une consistance, une couleur, une odeur. Une voix. Et tout le suspense est là,  au plus profond de l'humanité.  L'histoire n'est presque qu'un prétexte à approcher les hommes.

Il y a ce flic harassé qui attend,  résigné,   le coup de feu qui va l'abattre, l'imprudence fatale qui  mettra un point  final à son exil, à ses échecs,  et qui cherche malgré tout dans la foule l'assassin aux yeux morts qui a pu commettre une telle horreur de sang-froid.  Pour retrouver une dignité,  un sens à sa vie. A moins que l'amour, inespéré et généreux, ne le lui donne, enfin.

Il y a cette magnifique institutrice, lumineuse et sans détour, indépendante et blessée, fragile et forte qui a tout donné déjà,  et est prête à rejeter les dés, et à perdre, encore une fois, mais les yeux ouverts.

Il y a ce vieux curé "rouge" toujours un peu sur la touche dans sa paroisse, qui en sait long sur les blessures des petits garçons devenus des hommes au désir bancal et dangereux. Ce médecin légiste voué éternellement au rôle d'ami, de confident. Ce père à jamais détruit  qui refait sans cesse le film du soir de pleine lune où Fatimà , sa petite fille , est sortie acheter carton et crayons...

Et il y a l'assassin, brutal, humilié,  fou, qui cherche dans le sang une puissance qui le fuit.

Dit comme cela, rien que de très banal.

Mais c'est pourtant un miracle de lenteur, de poésie, de tendresse et de terrible cruauté. Molina est un styliste exceptionnel et il a une rare profondeur de vue et de pensée. Ses personnages continueront longtemps de m'entourer, et sans la connaître ni l'avoir identifiée,  je me promènerai souvent dans les rues de la petite ville où se hâte,  le soir, une foule indifférente et pressée,  et jetterai un coup d'oeil plein d'apprehension aux ombres du parc, noyé dans le brouillard, là où le talus, loin du dernier réverbère, plonge dans le gouffre noir de la Cava...


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Il me tardait de graviter dans l'univers d'Antonio Munoz Molina.
Je m'attendais à un coup de coeur, inévitable, inexorable.

Déboussolant: voici l'adjectif qui s'impose à la lecture de Pleine lune!
Ce roman noir d'ébène tient toutes ses promesses.

L'auteur espagnol sème chez le lecteur une angoisse qui s'infiltre comme un vent polaire, distillant avec beaucoup de doigté les informations sur les événements.
Les descriptions crues, parfois insoutenables, laissent une sorte de crasse et de souillure dont on aimerait pouvoir s'en débarrasser, cependant l'on ne peut s'empêcher de tourner les pages.

Dans ce roman choral l'on se retrouve tour à tour dans la peau de la victime et de celle du bourreau, de quoi déstabiliser les âmes sensibles.
Une sorte d'anxiété malsaine nous envahit petit à petit à force de revivre et de repasser les événements, décortiqués sur tous les angles à plusieurs reprises.

La langue du roman, simple en apparence, est travaillée au souffle près, chaque mot, chaque description est pesée pour alimenter un rythme de feu, une urgence à dire.
La psychologie des personnages est admirablement exploitée ainsi que les nombreux questionnements sur l'origine de la violence.

Les points de vue et les perspectives sont multiples, parfois harmonieuses, parfois dissonantes, mais toujours complémentaires.



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J'ai décidé de me faire une petite série de lectures espagnoles variées en vue de mes vacances imminentes à Barcelone. Premier de la liste : Pleine lune. Pour l'ambiance 'légèreté, vacances, joie de vivre', on repassera : c'est un roman très noir autour du meurtre d'une fillette. Un roman que j'ai trouvé vraiment pas mal, mais...

'Vraiment pas mal' pour sa construction originale donnant tour à tour la parole à tous les protagonistes, l'inspecteur, le tueur, la victime, l'institutrice, le prêtre... Pour les personnages eux-mêmes, surtout l'inspecteur sans nom et Susana, pleins de paradoxes et de richesses, vraiment bien rendus. Pour certaines vérités énoncées l'air de rien mais qui tombent en plein dans le mille (par exemple la brutalité qu'on peut aussi appeler franchise). Pour l'histoire aussi, simplement, qui nous tient en haleine avec sa lenteur délibérée.

Mais... je ne suis pas sûre que je garderai un souvenir quelconque de ce livre... Pour être honnête, je me demande même si je ne l'avais pas déjà lu (et déjà oublié) parce que certains passages me disaient vaguement quelque chose. Plus dérangeant encore, je suis restée complètement en dehors de l'histoire, observatrice détachée ne ressentant rien, ou presque. Ça m'arrive régulièrement en ce moment, alors c'est peut-être moi qui déraille... Mais quand même je trouve dommage que le style et la construction prennent le pas sur l'émotion !

Un bilan en demi-teinte donc... mais je ne prendrai plus l'ascenseur avec un inconnu les soirs de pleine lune !

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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Je ne veux penser à rien d’autre pour l’instant, à ce que je ferai demain et après-demain, dimanche quand je serai aller à la résidence, je ne sais pas ce que je vais faire et je n’ai pas envie de me cacher et de dissimuler, ni l’envie ni l’âge, je ne regrette rien, je ne sais pas si c’est de la canaillerie mais je ne me sens pas coupable. Cela aussi m’arrive pour la première fois de ma vie, je ne suis pas mort de culpabilité et de remords, et cela n m’est plus égal de mourir. Ce n’était pas du courage ce que j’avais, toutes ces années passées, quand je pensais avoir dompté la peur et que cela ne m’importait guère d’être tué, c’est que je ne connaissais pas la différence entre être vivant et être mort.
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Elle perçut la banalité écrasante que même elle n'avait pas toujours été capable de remarquer avec autant de précision, les affreuses images de clowns ou de bouquets de fleurs, peintes bien des années auparavant par ses élèves de ce qu'on appelait aujourd'hui " expression plastique" et jamais décrochés, la photographie sous verre et décolorée du couple royal qui était déjà là quand elle était arrivée, les calendriers publicitaires d'une papeterie, les rayonnages garnis de vieux livres de textes et de liasses de compositions ou de dossiers, la machine à écrire qui n'avait pas encore été reléguée par l'apparition récente d'un ordinateur tout comme la photocopieuse n'avait pas réussi à supplanter totalement le papier carbone.
Des cendriers de plastique jaune avec les marques Ricard ou Cinzano, d'anciennes affiches de semaine sainte: chaque chose comme une offense personnelle , une preuve de traîtrise de l'écoulement de temps, comme les douleurs de dos, les lignes des rides aux coins des yeux, la graisse sous la peau des hanches et des cuisses, une dégradation et au fond une défaillance de la volonté, une reddition à la fatalité de l'ennui et du vieillissement.
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L'école, déjà évacué par les enfants mais pourtant encore occupée d'une certaine façon par des vestiges d'agitation, de cris, de pas, de cavalcades dans les escaliers, par un reste d'odeurs enfantines et adolescentes répandues dans l'air. Un air qui, quand elle le respirait, lui semblait usé ou fatigué, aussi usé que le mobilier ou les livres ou les installations sanitaires, aussi fatigué que tous, les instituteurs, si épuisés à la fin de la journée en comparaison de l'incontrôlable énergie physique des élèves.
Tous les après-midi à cette heure là, quand elle se disposait à quitter l'école en longeant les couloirs plongés dans la pénombre, en descendant les escaliers déserts, elle remarquait en elle-même une fatigue montante qui était pas exactement physique pas non plus complètement mentale un mélange d'épuisement ancien et de découragement intime qui durait d'habitude jusqu'à qu'elle rentre chez elle.
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Elle faisait ses devoirs comme chaque soir sur la table de la salle à manger dont elle avait soigneusement retiré la décoration de fleurs artificielles pour dégager l'espace qu'il fallait pour ses cahiers à double lignage, ses livres qu'elle avait elle même couverts de plastique adhésif, la trousse à fermeture éclair ou elle rangeait les crayons, le taille-crayon, la gomme, chaque chose à sa place et toutes singulièrement attrayantes pour elle, si douces à toucher, à regarder, à sentir.
Elle aimait beaucoup l'odeur des crayons et celle des cahiers, la volupté modeste de l'odeur de la gomme, du bois, de l'encre acide des crayons feutre, elle s'absorbait à écrire avec un crayon bien taillé, sans dépasser la double ligne bleue du cahier, ou à colorier un dessin qu'elle venait de finir, tout entière occupée, avec une délicate gravité d'enfant.
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Il va s’approcher, un geste de plus, un mot, et ce qui était inexistant va commencer irrépressiblement à se dérouler, mais il s’arrête, juste au bord, comme sur le point de toucher un fil à haute tension, d’enfoncer d’un millimètre de plus dans sa peau le tranchant ou la pointe de son couteau, ses ongles, il fait demi-tour, ressort de l’église et voilà cette saleté de pluie qui a recommencé, le vent d’ouest pousse contre ses jambes un tourbillon de feuilles brunes et trempées qui ont commencé cet après-midi même à tomber de tous les platanes de la ville.
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