Le propos de Muray consiste à présenter un tableau aussi fidèle que possible d'une époque décadente et infantilisée qui ne pense plus qu'à une chose, faire la fête, s'amuser, se divertir. C'est du moins ce qu'Homo Festivus s'imagine et ce que les médiocres et les néfastes qui sont à l'origine de cette dérive veulent qu'ils pensent alors qu'eux ne songent qu'à tout détruire avec une constance acharnée, un totalitarisme borné et un juridisme rabique. le festivisme est un abrutissement généralisé, voulu, organisé et souhaité par la masse qui ne se rend même pas compte dans quelle impasse on l'entraine. Les jugements de Muray ont la sévérité d'une condamnation sans appel. Ainsi écrit-il : « L'époque hyperfestive permet de se passer de raisonner » ou « Le festivisme est une épuration et une réanimalisation, bien plus encore qu'un programme continu et minutieux de divertissement. » En réalité, on ne divertit pas vraiment, on pervertit, on subvertit et on invertit avant liquidation générale et définitive de ce qui reste d'humain !
Pour illustrer son propos, Muray se sert des évènements marquants de ces deux années-charnière, la Gay Pride, la Coupe du monde de football 98, les raves-parties, la Techno-Parade, le théâtre de rue, les dîners de quartier, l'art contemporain qu'il vomit pour la nocivité de créations qui n'en sont pas, le cyclone de 99 ou les ridicules roues de l'an 2000 sur les Champs-Elysées. A chaque événement, à chaque page, il dénonce « un monde qui se passe du réel et ne s'en porte que mieux » et nous met en garde contre l'éradication du masculin l'emportant sur le féminin qui n'amènera qu'à la neutralisation des êtres humains et contre tout ce qu'on nous présente comme « moderne » et « dérangeant » qui n'est en réalité « qu'une guerre morbide livrée à ce qu'il reste de liberté ».
D'aucuns le taxeront de « nouveau réactionnaire », d' « anar conservateur » ou de « pamphlétaire désopilant », définitions que Muray récuse, lui qui se veut d'abord et avant tout romancier et également simple témoin de son époque. Un témoin plein de dégoût devant la vision du champ de ruines qui s'étale devant lui, ce monde insignifiant, sans consistance, sans Histoire, d'après
L Histoire. Ce temps de la fin que seules une description aussi horrifique que celle-ci et de grands éclats de rire devant son ridicule pourraient peut-être arrêter. D'un pessimisme absolu, cette analyse implacable de notre époque est néanmoins très drôle et très amusante en raison de l'ironie grinçante et de l'esprit mordant que le lecteur y trouve. Comme dans ses autres ouvrages, Muray use et abuse de néologismes soigneusement ciselés (« rebellocrate », « juvénocrate » ou « art contemporien »), de calembours (« Âge tendre et tête de noeuds ») et de jeux de mots (« mutins de Panurge », « l'empoté du bocal », « la nullité du bocal » ou « l'exalté du bocal »). Un petit chef d'oeuvre d'intelligence et d'humour noir à déconseiller quand même aux Bisounours et autres Tartuffe de la pensée unique qui pourraient le prendre pour une giclée de vitriol et ne jamais s'en remettre.
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