C'est un livre multi-facettes qu'il est difficile de décrire en peu de mots.
Pour la forme, l'histoire, écrite à la première personne par le narrateur, est à mi-chemin entre le roman, l'autobiographie fictive, et le journal intime. D'ailleurs le narrateur se confie sur ses hésitations de forme.
Pour l'atmosphère, on pense aux Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent), mais en un peu moins cynique/sombre. La Mer (et ses habitants réels ou imaginés) est un véritable personnage dans ce livre.
Pour l'intrigue, on pourrait penser au début qu'il ne va rien se passer pendant la retraite de cet homme âgé devenu un peu misanthrope, dans un coin de Grande Bretagne pas très touristique. Mais ses attachements londoniens (amis, ex) et les « casseroles » laissées là-bas vont vite le rattraper. L'histoire est également ponctuée de rebondissements « à l'anglaise » (oui, il est question de meurtre ou de tentatives de meurtres, à quelques reprises). Mais curieusement, le noeud de l'intrigue du livre est une histoire d'amour, platonique (on est à mille lieux du roman à l'eau de rose ou du livre érotique), mais qui devient obsessionnelle, aux marges de la folie.
Techniquement, le livre fait 500 pages écrit petit. Il faut bien 20 pages pour entrer dedans, et la tension monte tout, tout doucement. Donc accrochez-vous, la récompense vient en milieu/fin de livre. En V.O. c'est bien, et pas trop dur à lire (pas besoin du dictionnaire en permanence), mais ça reste plus costaud qu'un nanard américain, débutants s'abstenir.
Mais ce qui caractérise le plus ce livre, c'est la vision unique de son auteur, qui va toujours là où on ne l'attend pas. Pour résumer,
Iris Murdoch aime l'imperfection. C'est pour elle, non pas une fatalité dont il faudrait s'accommoder, mais une vertu à cultiver et entretenir, et cela s'applique non seulement aux personnages (leurs personnalités et leurs choix de vie), mais également à la structure du livre et à sa narration qui se doivent d'être imparfaits eux aussi !
Vous l'aurez compris, il n'y a aucun manichéisme dans le livre, personne n'est définitivement gentil ou méchant, et les rebondissements de points de vue et de jugement sont permanents. le personnage central, présenté d'abord comme un vieux dandy misogyne, se révèle plus tard un ascète (féru de nage), un idéaliste au coeur resté à l'état de l'adolescence (voir de l'enfance), unet personne altruiste… mais tout bien réfléchi, cet altruisme ne pourrait-il pas être un égoïsme ?
Même les événements sont malmenés par le narrateur (et l'auteure derrière, donc) : certains événements surnaturels trouvent plus tard une explication rationnelle, presque décevante, tandis que certains événements normaux se voient réinterprétés comme des actes de magie orientale ! Idem pour les sentiments et intentions des personnages : le narrateur ne cesse de changer son jugement au grès des événements, de ses humeurs, de la météo, et du temps qui passe. Ces aller-retours enrichissent énormément l'intrigue, et on peut donc terminer le livre en ayant des théories différentes sur ce qu'il s'est vraiment passé.
Il y a même une interprétation mystico-bouddhique du livre (si, si) !
C'est l'aspect le plus intéressant du livre et je n'avais jamais vu ça avant, à ce point.