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EAN : 9782021025071
216 pages
Seuil (18/08/2011)
3.83/5   333 notes
Résumé :
Dans l'obscurité d'un village sarde, une silhouette drapée d'un châle longe les murs, pénètre dans une maison un instant, puis disparaît tel un mirage. À l'aube, un vieillard agonisant aura enfin trouvé la paix. La dernière mère, L'accabadora a oeuvré. Maria, fille adoptive de Tzia, heurtée par cette coutume, l'interroge. Il est des mystères auxquels seule une mère peut vous initier ...


"Quand elle eut refermé la porte, la fillette retint son ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (105) Voir plus Ajouter une critique
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« Accabadora », c'est presque « Abracadabra ».
L'accabadora, en Sardaigne, est une femme qui soulage. Une femme qui pratique l'euthanasie en secret, dans l'ombre de ces maisons repliées sur des ruelles secrètes et tortueuses. Une femme qui se penche sur le mourant et l'aide à partir.
Tzia Bonaria est vieille, elle est expérimentée, elle est sage.
Et puis il y a la petite Maria, la quatrième fille d'une famille pauvre, dont le père est mort. Une fille quasi rejetée, jamais regardée, pas du tout aimée.
A 6 ans, sa vie change du tout au tout car Tzia Bonaria, celle qui n'a jamais eu d'enfant, va l'adopter et l'élever.
Elever, c'est-à-dire l'aimer, la protéger, lui donner accès à l'instruction.
« Mon ventre ne s'est jamais ouvert, et Dieu seul sait combien je l'aurais voulu. Mais je n'ai eu besoin de personne pour apprendre qu'il faut donner à ses enfants des gifles, des caresses, le sein, le vin de la fête et tout ce qui est nécessaire quand cela est nécessaire ».
Mais Tzia Bonaria garde le silence sur sa tâche d'accabadora. Elle aura tout le temps de la découvrir, surtout depuis l'accident grave d'un jeune homme du village...

Ce roman, au départ, m'a un peu endormie. Ce soleil implacable de Sardaigne, ce petit village où il ne se passe pas grand-chose, cette enfant sage qui grandit en observant et en parlant peu...Et puis l'atmosphère se fait pesante à partir de l'accident, ce qui aboutira à un changement radical de situation. A ce moment, je m'y suis davantage intéressée ; les relations tendues, la psychologie plus nuancée m'ont tout doucement entrainée vers l'aboutissement.

Ce roman très humain au style délicat et poétique par petites touches décrit des tâches humaines, à commencer par celle d'accabadora, et je terminerai sur cette phrase où Tzia Bonaria se définit :
« J'ai été la dernière mère que certains ont vue ».
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Fill'e anima...Tel est le lien de parenté qui unit Maria Listru à Bonaria Urrai. En Sardaigne, la fill'e anima est une fille née des entrailles d'une première mère trop pauvre pour subvenir à ses besoins et de l'âme d'une seconde qui n'a pas eu la chance d'enfanter. La tzia Bonaria, veuve de guerre avant même d'avoir été mariée, issue d'une riche famille du village, est déjà une vieille dame quand elle accueille Maria, la dernière-née des Listru, une gamine de 6 ans dont le père est mort depuis longtemps. C'est sans regret que la fillette quitte sa famille pour une nouvelle vie qui lui apporte l'aisance matérielle, l'éducation et la complicité avec la tzia.
Pourtant, la vieille dame lui cache des choses, notamment ses sorties nocturnes qui restent taboues malgré les questions de la petite.
Plus tard, Maria saura, par Andri son meilleur ami que Bonaria Urrai est l'Accabadora du village, celle qui aide les âmes à quitter ce monde.

Avec Accabadora, Michela Murgia nous plonge dans la Sardaigne des vieilles légendes, des rites ancestraux, des villages reculés.
La très belle tradition des fillus de anima est ici racontée dans toute sa simplicité, simple échange de bons procédé entre deux femmes pour le bien d'une enfant qui a tout à y gagner. Contestée à demi-mots par l'institutrice du village, une ''étrangère'' du continent, cette coutume permet à la petite Maria, de trouver un nouveau foyer, sans pour autant être coupée de sa famille d'origine. Les liens qui se tissent entre elle et sa seconde mère n'ont que faire de la généalogie ou du sang, un rapport de confiance et de bonne entente, un amour trop pudique pour être dit avec des mots. le point de discorde viendra d'une autre tradition ancestrale, celle de l'Accabadora, une ombre noire qui se glisse nuitamment dans les maisons du village pour recueillir le dernier souffle des mourants. Crainte et respectée, l'accabadora est la ''dernière mère'', celle qui aide à mourir. Maria, jeune et fougueuse, ne peut accepter cette pratique qui lui fait horreur et fuit le village et la tzia sans se retourner. Pourtant, sans le savoir, elle a été initiée au don de la mort et, le moment venu, pourrait bien recourir à ce qu'elle a rejeté...
Un très beau roman qui parle d'adoption et de transmission avec poésie et retenue. Michela Murgia partage un peu de sa belle Sardaigne, secrète et méconnue avec un lecteur emporté par la chaleur et les mystères sardes. Fort et sensible.
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Omertà sarde

Accabadora nous emmène dans un voyage en terre sarde, dans un lieu où les rituels ancestraux présents dans les villages reculés de Sardaigne ont encore court après-guerre. Tzia Bonaria Urrai, veuve d'un homme qu'elle n'a pas eu le temps d'épouser, sans enfant, recueille en son sein Maria, la petite dernière d'Anna Teresa Listru, une autre veuve à la vie misérable. Un sommaire arrangement entre les deux femmes et la petite fille âgée de 6 ans, jusque-là simple numéro 4, se voit confiée à cette femme vieillie avant l'âge. Sans regrets, elle devient ce qu'on appelle communément en sarde Fill'è anima (fille d'adoption). L'enfant va ainsi grandir dans un cadre privilégié et avoir accès à ce qui n'aurait pu être possible dans sa famille de sang (aisance et éducation scolaire). Une nuit on vient chercher Tzia Bonaria, l'enfant assiste intriguée aux sorties nocturnes de sa mère d'adoption, curieuse, elle pose des questions. Questions auxquelles elle n'obtiendra aucune réponse... Il lui faudra attendre d'avoir grandi et une révélation tragique, celle de son ami d'enfance Andria pour comprendre que Tzia Bonaria est l'accabadora du village.

Michela Murgia aborde dans son roman des thèmes complexes mais jamais simplifiés :

Fill'è anima : un des thèmes forts qu'aborde l'auteure dans son roman est celui des relations filiales au-delà du sang. Un thème qui lui est cher en tant qu'enfant adoptée elle-même. Son roman s'ouvre d'ailleurs sur cette dédicace "A ma mère. Toutes les deux."

A travers la relation entre Tzia Bonaria et Maria Listru, Michela Murgia nous donne à voir ce rapport particulier qui se tisse entre mère et fille adoptive. Une relation pudique où l'une et l'autre s'apprivoisent en douceur. Comment prendre sa place dans cette relation en gardant à l'esprit que la vraie mère ne pourra jamais totalement être remplacée malgré l'attachement. Parce qu'il y aura aussi toujours des gens étrangers à ces coutumes sardes qui ne comprennent pas et doutent du bien fondé de telles pratiques. Alors, Bonaria avec toute sa sagesse saura faire taire par un simple constat logique, sans appel les incompréhensions des uns et des autres :

"Cette histoire d'enfant d'âme est bizarre...
-Et pourquoi donc? interrogea Bonaria d'une voix blanche.
-Maria ne semble pas en avoir souffert le moins du monde. Voit-elle souvent sa famille d'origine?
- Oui, chaque fois qu'elle le demande. Pourquoi aurait-elle dû en souffrir?
Luciana Tellini livra une réponse dans un souffle, comme si elle l'avait remâchée en attendant que la vieille femme se présentât au rendez-vous :
Je ne sais pas. Une chose m'étonne. Quand je demande à Maria de faire le portrait de ses parents, c'est vous qu'elle dessine, non sa vraie mère..." [...]
"A propos des dessins de Maria... Que voulez-vous dire exactement quand vous affirmez qu'elle devrait faire le portrait de sa vraie mère?"
L'institutrice fut stupéfaite par le regard, plus que par les paroles, de la vieille couturière. "Ne vous méprenez pas, je pensais à sa mère naturelle, je ne voulais certes pas déprécier votre relation...
-La mère naturelle de Maria est celle qu'elle dessine quand on lui demande de faire le portrait de sa mère."

Tzia Bonaria fera en sorte que Maria n'oublie pas d'où elle vient malgré cette mère qui a si peu de considérations pour elle. Elle, la couturière sera l'accompagnatrice, celle qui guidera et qui mieux que la mère naturelle aimera et protègera. Telle une bonne fée, elle permettra à cette enfant de se sortir d'une condition miséreuse et d'accéder au savoir. Leur relation mère-fille va se contruire dans le silence, celui des nuits où Tzia Bonaria veille l'enfant, celui d'un regard protecteur posé sur Maria partant à l'école. Mais aussi par la parole servie avec sagesse, jamais inutile, prononcée avec force image, s'appuyant sur le bon sens, et toujours avec tendresse. Michela Murgia écrit le respect et l'amour qui découlent de ce lien particulier plus fort que le lien du sang, tout en retenu pourtant. Elle dit aussi, attention aux secrets de "famille", aux non-dits qui peuvent un beau jour être révélés et faire mal, très mal à cette relation filiale de remplacement. La confiance n'est pas un acquis.

S'accabadora : à mots couverts, entre mythe et réalité, la dernière mère "s'accabadora", est une ombre noire dans la nuit qui vient apporter la délivrance aux personnes en fin de vie. Entendez par là, libérer les âmes d'un corps en souffrance. le terme n'est pas traduit dans le roman, comme un fait exprès, comme pour laisser à chacun le temps de se faire à l'idée de ce qu'il signifie, comme une approche pudique de ce rôle. Regard empli de respect, voir teinté d'un peu de crainte pour cette femme qui assume cette lourde tâche dans le secret des siens. Celle par qui la fin arrive est une figure noble et silencieuse dans sa communauté. On s'efface devant elle. Nul mot, elle oeuvre de manière entendue, en catimini, non que ses actes soient honteux ou répréhensibles dans cette culture mais parce que le passage de vie à trépas n'a pas besoin de publicité, il est exécuté comme un acte de piété. S'accabadora oeuvre pour le bien de la communauté, de manière tacite, en marge de l'église, bien mieux et bien plus reconnue que cette dernière par ailleurs à qui il reste à peine un rôle d'absolution.

Quelle est la part du vrai, celle du conte? Dans ces villages reculés de Sardaigne où parfois il n'y avait pas de médecins, une femme remplissait à la fois le rôle de celle qui faisait venir au monde (allevatrice) et de celle qui aidait à le quitter (s'accabadora) :

"Quand elle avait demandé grâce, les autres femmes avaient obtempéré avec un naturel face auquel l'inertie eût passée pour un acte illicite. Elles n'avaient pas fourni d'explication à Bonaria, laquelle n'en avait toutefois pas besoin pour comprendre que c'était en vertu d'une même logique qu'elles avaient mis fin à la souffrance de la mère et coupé le cordon ombilical du bébé. Dans cette première et amère école de l'expérience, la fille de Taniei Urrai apprit la loi tacite qui veut que seules soient maudites les morts et les naissances solitaires."

(Si vous souhaitez en savoir plus sur l'accabadora, je vous invite à visiter cette page du blog "souvenirs de la Sardaigne").

Personnellement, je me souviens enfant lors de mes vacances estivales en Sardaigne avoir toujours été intriguée (voire inquiétée) par ses femmes âgées, toutes de noir vêtues rencontrées à la tombée de la nuit ou au petit matin et qui me jetaient un regard perçant, me demandant en langue sarde la fille de qui j'étais. Je me souviens de ces paroles sardes échangées dont je ne comprenais pas le sens caché. Je me souviens aussi d'un jour où l'on m'avait emmenée voir cette vieille femme paralysée dans son lit, de cette ambiance solennelle, des bougies, des prières. Etait-ce le prélude à ces derniers instants de vie? Toutes ces femmes en noir m'effrayaient mais j'étais aussi comme Maria curieuse de savoir quels secrets se cachaient derrière les portes qui se fermaient, quand on me disait "tu es trop petite, tu n'as pas le droit de voir ça". Je me souviens aussi les petites chaises posées sur le pas des portes, les anciennes qui se réunissaient et contaient dans cette langue magique et âpre des histoires à vous glacer le sang mais que je redemandais pourtant encore et encore. Je me souviens de ma mère conteuse à sa manière qui aimait à me raconter son enfance, son adolescence, les histoires de son village qui me paraissaient tout droit sorties d'un livre de contes. J'ai souri avec nostalgie en retrouvant dans ce roman ce petit jeu auquel Maria joue avec Anna Gloria et que j'ai vu ma mère pratiquer souvent pour amuser les petits :

"custu est su procu, custu dd'at mottu, custu dd'at cottu, custu si dd'at pappau et custu... mischineddu! No ndi nd'est abbarau!"

Leçon d'humilité? A l'aube des révélations, dans l'affrontement verbale entre la jeune femme qu'est devenue Maria et Bonaria qui n'est plus non plus la mère d'adoption mais s'accabadora, je me suis demandée ce qu'il me fallait retenir arrivée à ce point de l'histoire. Probablement ceci : ne pas trop s'empresser de juger les décisions et actions de chacun parce que la vie parfois nous amène à faire des choix que nous n'aurions jamais cru avoir à faire...

"Ne dis pas : fontaine, je ne boirai pas de ton eau. Tu pourrais te retrouver plongée à l'intérieur sans même savoir comment tu y es arrivée. [...] Quand le moment viendra, Maria, tu découvriras en toi des aspects insoupçonnés."


Michela Murgia est issue de cette terre sarde à la tradition orale bien ancrée, de cette Sardaigne qu'elle nomme "île des histoires". C'est une conteuse écrivain qui détient la magie des mots et qui nous les livre avec pudeur et fierté.
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J'ai décidé de suivre les conseils de Ferrante, dispensés dans Frantumaglia, et de découvrir ces auteures italiennes dont elle recommande la lecture. À part Silvia Avallone dont j'ai lu tous les livres, les autres noms m'étaient inconnus. Un joli programme de lecture en perspective.

Cette Accabadora au nom mystérieux ayant emporté l'adhésion de quelques belles plumes de Babelio a donc été mon premier pas dans la decouverte de ces 'femmes puissantes'..

Son charme, immédiatement, m'a captivée.

Imaginez plutôt: la Sardaigne, isolée , farouche, pleine de superstitions et de mauvais sorts sous l'ardeur de son soleil, où les mères pauvres donnent leur fille à nourrir, éduquer et aimer à des femmes plus riches et en mal d'enfant, où les clôtures se déplacent la nuit, où les murettes en pierre sèche recèlent des sorts qui jappent, et où, dans la nuit des âmes, une grande forme noire vient délivrer -quand elle le veut bien - celles qui sont encore en souffrance...

Belle histoire que celle de la jeune Maridda, petite fille invisible, à qui une vieille couturière, portée sur les finitions, veuve sans mari, crainte et respectée de tous, sert de mère, lui donnant tout: confiance, éducation, amour, éthique . Sauf son secret.

Maridda, sa fille d'âme, s'émancipe pourtant de cet amour. Mais pour mieux comprendre , un jour, ce qu'elle lui doit et ce que la vieille Tzia Bonaria lui a légué en partage.

Un récit dépaysant, original, et profond, à la fois sensuel et âpre , comme le vin des vignes sardes..
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Michela Murgia a choisi son île natale comme cadre pour ce très beau roman d'ambiance qui nous plonge dans un petit village sarde des années 1950 , mettant en scène la Sardaigne gorgée de soleil, de paysages arides et de chaleur, mais aussi de traditions et de légendes imprégnées dans le coeur de ses habitants. Toute la chaleur de l'Italie dans ce roman à l'image de sa couverture !

Femme sans âge que les villageois décrivent avant tout comme mystérieuse et solitaire, Tzia Bonaria Urrai génère la surprise générale lorsqu'elle demande à la mère de Maria Listru si celle-ci envisagerait de lui confier sa fille, non pas seulement le temps d'un été, comme c'est le cas dans l'Irlande rurale des Trois Lumières de Claire Keegan, mais simplement pour la vie. Pourquoi faire dans le détail ? S'il ne fait aucun doute que cette proposition enchante la veuve Anna Teresa Listru, pour qui cette quatrième bouche à nourrir ne constitue ni plus ni moins qu'un fardeau tant qu'elle n'est pas en âge de contribuer au bon état des finances familiales, les raisons qui ont pu pousser Tzia Bonaria Urrai a un tel geste demeurent obscures. Est-ce par pur altruisme et bonté d'âme qu'elle a décidé de s'occuper de cette petite fille ? Ou le motif de cette adoption est-il moins désintéressé qu'il n'y paraît ? Ce ne sera qu'au bout de quelques années, quand Maria aura définitivement fait sien ce nouveau foyer, qu'elle découvrira l'occupation nocturne de celle en qui elle pensait pouvoir avoir entièrement confiance.

C'est ainsi que, outre le thème de l'adoption et des difficultés de la vie dans cette Sardaigne reculée, Accabadora brode sa toile narrative autour d'une pratique ancestrale, abordant de plein fouet des questionnements qui touchent au sens de la vie et au rapport de chaque être humain avec sa propre mort. Comme Maria l'apprendra a ses dépens, rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît et chacun a le choix entre subir la vie (et la mort) et embrasser son libre arbitre.

Ce premier roman traduit en français de Michela Murgia est une très grande réussite. L'écriture est à la fois sobre, fine, poétique, juste, toute en nuances. Lisez-le vous verrez, vous ne serrez pas déçus !
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critiques presse (2)
LeMonde
28 octobre 2011
Remarquablement traduit par Nathalie Bauer, Accabadora est un texte de la révélation. La vie et la mort appartiennent aux femmes. Entre le monde ancien et celui qui s'annonce, chargé d'une inquiétante modernité, Michela Murgia raconte avec une pudeur de chaque phrase comment une toute jeune fille va pouvoir à son tour affronter son destin.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
30 août 2011
Comme un souffle, la plume de Michela Murgia balaie une Sardaigne aujourd’hui presque disparue.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Elle cousait de nombreuses heures d'affilées et conservait dans une pièce des coupons et des étoffes. Des femmes venaient prendre les mesures pour des jupes et des châles ; mais parfois aussi des hommes, pour des pantalons et des chemises destinés aux jours de fêtes. Les hommes ne franchissaient pas le seuil de la pièce aux étoffes ; Bonaria les accueillait dans la salle à manger, où ils demeuraient debout sans bouger. À genoux, armée de son mètre en cuir, elle se mouvait aussi rapidement qu'une araignée, tissant autour de ses proies une mystérieuse toile de mesures.
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- Et une maman, vous n’en aviez pas ? poursuivit Maria, peu habituée à l’idée qu’on pût être la fille d’un père.
- Bien sûr que si. Elle s’appelait Anna. Mais elle est morte, elle aussi, il y a de nombreuses années.
- Comme mon père. Ça leur arrive.
- Comment ?
- Ça leur arrive de mourir avant notre naissance. Maria lança à Bonaria un regard patient et ajouta à contrecœur : Rita, la fille d’Angela Muntoni, me l’a dit. Son papa aussi est mort avant.
Tout en expliquant, elle agitait sa cuiller dans l’air tel l’archet d’un musicien.
- Oui, ça leur arrive mais pas à tous, objecta la femme qui l’observait avec un vague sourire.
- Bien sûr, pas à tous. Il faut qu’un des deux, au moins, reste. Pour les enfants. Voilà pourquoi il y a toujours deux parents.
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"Quand s'achève le deuil, Tzia?"
La vieille femme n'avait même pas pris la peine de détourner les yeux du tablier auquel elle mettait la dernière main.
"Quelle question... le deuil s'achève quand s'achève le chagrin.
- Alors on prend le deuil pour montrer son chagrin... avait commenté Maria, croyant avoir compris, tandis que la conversation s'estompait déjà dans le lent silence du fil et de l'aiguille.
- Non, Maria. Le chagrin est nu. Le noir sert à le couvrir, non à l'exhiber."
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Curé de Soreni depuis vingt ans, don Frantziscu Pisu avait un ventre rond sur lequel les boutons de sa soutane tiraient à chaque respiration. Ce renflement embarrassant jurait sur le reste de son physique, sec et presque rachitique, et lui donnait, de profil, l'apparence d'un lézard ayant avalé un oeuf, ce qui avait pour effet de balayer l'élégance austère de sa tenue presque immuable.
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Coutumière de cette nuit plus que de toute autre de l'année, la grande femme qui rasait les murs marchait d'un pas rapide et décidé, enveloppée dans un châle sombre. Soudain, les plis de sa jupe se brisèrent sur le seuil du domicile des Bastíu. Elle entra sans un bruit et se coula si vite dans le couloir qu'elle ne laissa à la rue aucun souvenir de sa personne.
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