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Critique de Zazette97


En librairie depuis le 28 mai, "Carnation" est le second album autobiographique - après "Sainte Famille" - de l'illustrateur et scénariste français Xavier Mussat.

1993. Xavier termine ses études artistiques à Angoulême et trouve un boulot qui paie bien mais ne l'enthousiasme pas vraiment et renforce son sentiment de solitude.
Il rencontre Alice, une jeune mère au foyer mariée avec laquelle il entretient une relation platonique et pour qui il dépense sans compter.
Alice finit par divorcer et trouve du boulot à Paris. Xavier, sentant qu'elle n'a plus besoin de lui se détache à son tour. Alors qu'Alice finit pourtant par lui céder, son désir pour elle s'évanouit complètement.
Xavier s'investit dans un projet de grande envergure qui l'occupera durant 2 ans : "Kirikou et la sorcière".
Au terme du projet, il sait qu'il ne pourra plus jouer les moutons comme avant et démissionne, sans réel plan de carrière.
C'est à cette période qu'il croise la route de Sylvia, jeune femme paumée, éternelle insatisfaite et toujours en colère, qu'il aimera plus que de raison...

Bien que "Carnation" soit centré sur la relation toxique que Xavier entretient avec Sylvia, il rend également compte d'un background qui devait fatalement les réunir.
Sylvia a quitté la Bretagne pour Angoulême avec dans l'idée de rencontrer des artistes et de se faire une place dans leur monde. Or elle ne semble pas cultiver un talent particulier et vivote en attendant que quelque chose se passe.
Ce qui est aussi le cas de Xavier qui cherche vaguement l'inspiration et vit du RMI.
Il n'y a ni ambition ni projet derrière leur refus de la norme, seulement un déni de l'échec.

Xavier et Sylvia se sont enfermés dans une relation casse-gueule qui se veut plus de l'ordre de la dépendance affective que de l'amour.
Xavier voit peut-être en Sylvia un challenge, un coeur à conquérir, mais la jeune femme est tellement imprévisible qu'il ne parvient pas à s'en saisir et se retrouve finalement enchaîné à elle.

Les amis ont progressivement disparu. Autoritaire et égoïste, Sylvia isole Xavier de tout et de tout le monde, surtout de lui-même.
Trouvant toujours un moyen de le tirer un peu plus vers le bas, elle passe son temps à le culpabiliser, à souffler le chaud et le froid, poussant le chantage affectif à l'extrême.
Repliés sur eux-mêmes dans une spirale malsaine que chacun entretient à sa manière, ils ne peuvent en sortir qu'à condition que l'un des deux coupe les ponts.

La première partie - l'avant Sylvia - m'a beaucoup fait penser à l'univers de Larcenet. Personnage central en pleine crise existentielle et créative, incapable de s'engager avec une femme ou de gérer la relation compliquée avec son père, il prend parfois l'envie à Xavier de quitter le monde civilisé pour lui préférer la nature.
La comparaison s'arrête là.
Du reste, le choix du noir et blanc et les illustrations parsemées de symboles et de concepts rendent compte du caractère chaotique de cette relation et de l'état d'esprit du narrateur.
La représentation des deux personnages principaux ne laisse aucun doute quant à qui mène la barque: Xavier, qui arbore un monosourcil qui lui barre le front et lui donne un air constamment soucieux, courbe l'échine, éreinté et recroquevillé sur lui-même, face à une Sylvia dont la malice se devine à ces yeux énormes et ce petit nez pointu.

Il faudra du temps à Xavier Mussat pour réaliser la portée de la violence psychologique subie au quotidien et 10 ans pour parvenir à coucher son introspection sur 250 pages.

On ne lit pas "Carnation" sans émotion et sans l'envie de jouer les arbitres et de secouer Xavier pour lui éviter de s'enliser complètement.
Un album riche, fort dont j'ai vraiment aimé la profondeur psychologique appuyée par un traitement graphique vraiment original.
Je suis certaine que "Carnation" trouvera ses lecteurs si ce n'est pas déjà fait :)
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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