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Patrick Berthier (II) (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070321551
477 pages
Gallimard (22/09/1976)
4.03/5   44 notes
Résumé :
L'oeuvre poétique d'Alfred de Musset fut définitivement publiée en 1852, et forme deux recueils : 'Premières poésies' (1829-1835) et 'Nouvelles poésies' (1835-1852). Cet ouvrage est conforme à l'édition de 1854, la dernière du vivant de Musset, qui fut le poète de la jeunesse, de la fantaisie et de la passion.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Premières poésies - Poésies nouvelles d'Alfred de Musset dans la collection "livre de poche classique" est un recueil de poésies. Alfred de Musset est un poète et un dramaturge français de la période romantique, né le 11 décembre 1810 à Paris, où il est mort le 2 mai 1857. Lycéen brillant, le futur poète reçoit un grand nombre de récompenses dont le prix d'honneur au Collège Henri IV en 1827 et le deuxième prix d'honneur au concours général la même année. Il s'intéresse entre autres au Droit et à la Médecine. Alfred de Musset abandonne vite ses études supérieures pour se consacrer à la littérature à partir de 1828-1829. Dès l'âge de 17 ans, il fréquente les poètes du Cénacle de Charles Nodier et publie en 1829, à 19 ans, Contes d'Espagne et d'Italie, son premier recueil poétique qui révèle son talent brillant. Il commence alors à mener une vie de « dandy débauché ». (source Wikipedia)
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Je viens de terminer ce court recueil qui comporte, je pense, les poésies les plus connues De Musset. Ces poèmes me m'ont pas transcendées comme d'autres ont su le faire (indétrônable Baudelaire, inénarrable Hugo, inoubliable Verlaine...). Mais j'ai trouvé beaucoup d'audace, autant dans la forme (des dialogues, presque des scénettes) que dans le fond. En effet, le poète ne tombe pas dans le romantisme "dramatique" (que j'aime beaucoup par ailleurs) et choisi plutôt un ton léger. J'ai retrouvé ce passage de la Nuit de mai, avec le pélican, que j'aime tant. Cependant, beaucoup de poèmes étaient vraiment longs, ce qui, je l'avais mentionné, ne me plaît pas du tout. Mon attention a tendance à s'envoler lorsque la longueur des poèmes augmente, et je les trouve également moins touchants et moins compréhensibles. Ceci, est, bien sûr, un goût personnel. Je ne crois pas garder un souvenir impérissable de ce recueil. Je l'ai bien aimé mais je n'ai pas ressenti ce "Ah ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous !" (Victor Hugo). Les pensées du poète ne sont pas entrées en résonance avec mes propres problématiques, je ne me suis pas vraiment retrouvée dans ces poèmes. Cet aspect universel m'a quelque peu manqué, donc. Au final, les poèmes qui me plaisent le plus sont les plus simples, les plus courts. Je déplore un peu trop de fioritures dans vos poèmes, cher Alfred.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Ce serait mentir que de dire que j'ai découvert ces Premières poésies : j'ai ce recueil depuis toujours et je l'ai déjà lu, ne serait-ce que par fragments successifs. Musset est certes plus connu pour son théâtre, et Lorenzaccio est ma pièce préférée, sans doute après Shakespeare - Musset s'en réclame d'ailleurs, jusqu'à regretter dans ses vers que Shakespeare ne soit pas là pour faire une pièce d'un sujet moderne.

Après avoir lu ce recueil avec attention, en prenant mon temps, j'en arrive à la conclusion que j'ai de son art une vision toute différente que dans ma jeunesse rebelle : je l'aimais pour ses thèmes sombres, sa désillusion, son cynisme désespéré, pour le fond avant tout - aujourd'hui, je l'aime pour sa légèreté, la musicalité incroyable de ses vers. Musset est un virtuose de l'alexandrin, tout de mesure et de rigueur dans la musique, de grands coups de peinture aux couleurs intenses pour l'expression. C'est un mélange détonant, qui ne peut laisser indifférent.

Quoi de plus romantique au sens littéraire du terme que ces amours perdues ou condamnées d'avance, ces fidélités gâchées, ces innocences perverties par le démon du jeu, la soif de sensations, le goût de l'amour, et sur tout cela un immense dégoût de vivre, une peur de vieillir, d'être diminué ? Peu de personnalités sont plus complexes que Musset ou ses avatars, à la fois détestables et séduisants, fragiles et menaçant, et toujours derrière une porte, une tenture de Venise, la statue du Commandeur de Don Juan... L'ambivalence faite homme.

Et puis, Musset, qui n'avait pas encore voyagé, nous peint de délicieux tableaux en demi-teintes, nous promène en Espagne, nous présente son Andalouse, puis nous fait dériver de nuit sur les canaux de Venise. Il représente des thèmes classiques, passion, jalousie, duels au clair de lune, sorcière aux potions, fait tournoyer un monde de vignettes colorées que nous n'avons qu'à contempler depuis notre fauteuil.

Enfin, s'adjoignent à ces poésies pleines de brio et de variété deux pièces en vers, l'une un peu allemande dans le ton (elle se passe du reste au Tyrol), avec son héros orgueilleux, blasé, insensible ; l'autre qui n'est pas sans rappeler le théâtre de Tchekhov, amusant et raffiné, avec ces deux jeunes filles à marier, ce père qui se mêle de tout et voudrait bien faire aller les choses plus vite. On se divertit et on ne voit pas tourner les pages.

J'ai beaucoup aimé cette relecture des poésies De Musset, qui mérite d'être connu aussi pour cette dimension de son oeuvre.
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Il est à déplorer que Musset soit, de nos jours, surtout connu pour ses pièces de théâtre. Pour avoir lu ses poésies je peux vous dire qu'elles valent vraiment le coup d'oeil. Elles sont un hymne à la liberté du poète, à son inconstance en amour (faisant parfois penser à Ronsard) et pleine d'un libertinage étonnant lorsqu'on n'envisage l'auteur qu'à travers ses oeuvres théâtrales. Musset n'est pas du tout un gentil poète romantique et torturé bien au contraire et c'est cela qui m'a beaucoup plu. Ses personnages sont quasiment tous des joueurs, des libertins cruels (lisez le long poème "Suzon", plus proche de Sade que de Ronsard!!). L'image du poète y est complètement désacralisé (il suffit de voir comment il s'adresse à sa muse dans les célèbres "Nuits"), et on y trouve même un poème où intervient le personnage de Dom Juan (dans "Namouna"). Bref, pour dépouiller un peu l'image d'Alfred de Musset, attaquez-vous à sa poésie!
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C'est avec un véritable plaisir que j'ai lu ces poèmes De Musset qui sont un véritable hymne à la vie, à la mort et à l'amour.
Le poète est bien loin de l'écrivain de théâtre qui me paraît un homme plus convenu.
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A la mi-carême

Le carnaval s'en va, les roses vont éclore ;
Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.
Cependant du plaisir la frileuse saison
Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l'aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l'horizon.

Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;
Bien que le laboureur le craigne justement,
L'univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s'y disputent l'empire.
Qu'y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C'est sa première larme et son premier sourire.

C'est dans le mois de mars que tente de s'ouvrir
L'anémone sauvage aux corolles tremblantes.
Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ;
Et du fond des boudoirs les belles indolentes,
Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,
Sous les vieux marronniers commencent à venir.

C'est alors que les bals, plus joyeux et plus rares,
Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ;
À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ;
La valseuse se livre avec plus de langueur :
Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares,
La lassitude enivre, et l'amour vient au coeur.

S'il est vrai qu'ici-bas l'adieu de ce qu'on aime
Soit un si doux chagrin qu'on en voudrait mourir,
C'est dans le mois de mars, c'est à la mi-carême,
Qu'au sortir d'un souper un enfant du plaisir
Sur la valse et l'amour devrait faire un poème,
Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.

[...]
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La nuit de décembre

LE POÈTE

Du temps que j'étais écolier,
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau :
A la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
Il pencha son front sur sa main,
Et resta jusqu'au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.

Comme j'allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ;
Il tenait un luth d'une main,
De l'autre un bouquet d'églantine.
Il me fit un salut d'ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

A l'âge où l'on croit à l'amour,
J'étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s'asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ;
D'une main il montrait les cieux,
Et de l'autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve.

A l'âge où l'on est libertin,
Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevais mon verre.
En face de moi vint s'asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau
Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ;
J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;
Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d'épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu,
Que je l'ai toujours reconnu
A tous les instants de ma vie.
C'est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir,
Pour renaître ou pour en finir,
J'ai voulu m'exiler de France ;
Lorsqu'impatient de marcher,
J'ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d'une espérance ;

A Pise, au pied de l'Apennin ;
A Cologne, en face du Rhin ;
A Nice, au penchant des vallées ;
A Florence, au fond des palais ;
A Brigues, dans les vieux chalets ;
Au sein des Alpes désolées ;

A Gênes, sous les citronniers ;
A Vevey, sous les verts pommiers ;
Au Havre, devant l'Atlantique ;
A Venise, à l'affreux Lido,
Où vient sur l'herbe d'un tombeau
Mourir la pâle Adriatique ;

Partout où, sous ces vastes cieux,
J'ai lassé mon coeur et mes yeux,
Saignant d'une éternelle plaie ;
Partout où le boiteux Ennui,
Traînant ma fatigue après lui,
M'a promené sur une claie ;

Partout où, sans cesse altéré
De la soif d'un monde ignoré,
J'ai suivi l'ombre de mes songes ;
Partout où, sans avoir vécu,
J'ai revu ce que j'avais vu,
La face humaine et ses mensonges ;

Partout où, le long des chemins,
J'ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme ;
Partout où j'ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuder mon âme ;

Partout où j'ai voulu dormir,
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie
Je vois toujours sur mon chemin ?
Je ne puis croire, à ta mélancolie,
Que tu sois mon mauvais Destin.
Ton doux sourire a trop de patience,
Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j'aime la Providence.
Ta douleur même est soeur de ma souffrance ;
Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange,
Jamais tu ne viens m'avertir.
Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !)
Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
Et je ne saurais t'appeler.
Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître.
C'était par une triste nuit.
L'aile des vents battait à ma fenêtre ;
J'étais seul, courbé sur mon lit.
J'y regardais une place chérie,
Tiède encor d'un baiser brûlant ;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,
Des cheveux, des débris d'amour.
Tout ce passé me criait à l'oreille
Ses éternels serments d'un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
Qui me faisaient trembler la main :
Larmes du coeur par le coeur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure
Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure,
C'est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d'oubli.
De tous côtés j'y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.

J'allais poser le sceau de cire noire
Sur ce fragile et cher trésor.
J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire,
En pleurant j'en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
Malgré toi, tu t'en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ;
Mais ta chimère est entre nous.
Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures
Qui me sépareront de vous.
Partez, partez, et dans ce coeur de glace
Emportez l'orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m'avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle
N'a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée ;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée ; -
Eternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre
Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre ;
Elle vient s'asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin que rien n'a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

LA VISION

- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère ;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.

Le ciel m'a confié ton coeur.
Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin ;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude.
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A M. V. H.

Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux,
Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.

Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux.
Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux,
Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes.

De ces biens passagers que l’on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble,

On s’approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.

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Que me veux-tu, chère fleurette,
Aimable et charmant souvenir ?
Demi-morte et demi-coquette,
jusqu'à moi qui te fait venir ?

Sous ce cachet enveloppée,
Tu viens de faire un long chemin.
Qu'as-tu vu ? que t'a dit la main
Qui sur le buisson t'a coupée ?

N'es-tu qu'une herbe déssechée
Qui vient achever de mourir ?
Ou ton sein prêt à refleurir,
Renferme-t-il une pensée ?

Ta fleur, hélas ! a la blancheur
de la désolante innocence;
Mais de la craintive espérance
Ta feuille porte la couleur.

As-tu pour moi quelque message ?
Tu peux parler, je suis discret.
Ta verdure est-elle un secret ?
Ton parfum est-il un langage ?

S'il en est ainsi, parle bas,
Mystérieuse messagère;
S'il n'en est rien, ne réponds pas ;
Dors sur mon coeur, fraîche et légère.

Je connais trop bien cette main,
Pleine de grâce et de caprice,
Qui d'un brin de fil souple et fin
A noué ton pâle calice .

Cette main-là, petite fleur,
Ni Phidias ni Praxitèle
N'en auraient pu trouver la soeur
Qu'en prenant Vénus pour modèle.

Elle est blanche, elle est douce et belle,
Franche, dit-on, et plus encor;
A qui saurait s'emparer d'elle
Elle peut ouvrir un trésor.

Mais qu'elle est sage, elle est sévère;
Quelque mal pourrait m'arriver.
Fleurette, craignons sa colère.
Ne dis rien, laisse-moi rêver.
1938 - page 345/346

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Un rêve

La corde nue et maigre, 
Grelottant sous le froid 
Beffroi, 
Criait d'une voix aigre 
Qu'on oublie au couvent 
L'Avent.

Moines autour d'un cierge, 
Le front sur le pavé 
Lavé, 
Par décence, à la Vierge 
Tenaient leurs gros péchés 
Cachés ;

Et moi, dans mon alcôve, 
Je ne songeais à rien 
De bien ; 
La lune ronde et chauve 
M'observait avec soin 
De loin ;

Et ma pensée agile, 
S'en allant par degré, 
Au gré 
De mon cerveau fragile, 
Autour de mon chevet 
Rêvait.

- Ma marquise au pied leste ! 
Qui ses yeux noirs verra, 
Dira 
Qu'un ange, ombre céleste, 
Des choeurs de Jéhova 
S'en va !

Quand la harpe plaintive 
Meurt en airs languissants, 
Je sens, 
De ma marquise vive, 
Le lointain souvenir 
Venir !

Marquise, une merveille, 
C'est de te voir valser, 
Passer, 
Courir comme une abeille 
Qui va cherchant les pleurs 
Des fleurs !

Ô souris-moi, marquise ! 
Car je vais, à te voir, 
Savoir 
Si l'amour t'a conquise, 
Au signal que me doit 
Ton doigt.

Dieu ! si ton oeil complice 
S'était de mon côté 
Jeté ! 
S'il tombait au calice 
Une goutte de miel 
Du ciel !

Viens, faisons une histoire 
De ce triste roman 
Qui ment ! 
Laisse, en tes bras d'ivoire, 
Mon âme te chérir, 
Mourir !

Et que, l'aube venue, 
Troublant notre sommeil 
Vermeil, 
Sur ton épaule nue 
Se trouve encor demain 
Ma main !

Et ma pensée agile, 
S'en allant par degré 
Au gré 
De mon cerveau fragile, 
Autour de mon chevet 
Rêvait !

- Vois-tu, vois-tu, mon ange, 
Ce nain qui sur mon pied 
S'assied ! 
Sa bouche (oh ! c'est étrange !) 
A chaque mot qu'il dit 
Grandit.

Vois-tu ces scarabées 
Qui tournent en croissant, 
Froissant 
Leurs ailes recourbées 
Aux ailes d'or des longs 
Frelons ?

- Non, rien ; non, c'est une ombre 
Qui de mon fol esprit 
Se rit, 
C'est le feuillage sombre, 
Sur le coin du mur blanc 
Tremblant.

- Vois-tu ce moine triste, 
Là, tout près de mon lit, 
Qui lit ? 
Il dit : " Dieu vous assiste ! " 
A quelque condamné 
Damné !

- Moi, trois fois sur la roue 
M'a, le bourreau masqué, 
Marqué, 
Et j'eus l'os de la joue 
Par un coup mal visé 
Brisé.

- Non, non, ce sont les nonnes 
Se parlant au matin 
Latin ; 
Priez pour moi, mignonnes, 
Qui mon rêve trouvais 
Mauvais.

- Reviens, oh ! qui t'empêche, 
Toi, que le soir, longtemps, 
J'attends ! 
Oh ! ta tête se sèche, 
Ton col s'allonge, étroit 
Et froid !

Otez-moi de ma couche 
Ce cadavre qui sent 
Le sang ! 
Otez-moi cette bouche 
Et ce baiser de mort, 
Qui mord !

- Mes amis, j'ai la fièvre, 
Et minuit, dans les noirs 
Manoirs, 
Bêlant comme une chèvre, 
Chasse les hiboux roux 
Des trous.
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Vidéo de Alfred de Musset
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « La confession d'un enfant du siècle », _in_ _Oeuvres de Alfred de Musset,_ ornées de dessins de M. Bida, Paris, Charpentier, 1867, p. 432.
#AlfredDeMusset #LaConfessionDUnEnfantDuSiècle #LittératureFrançaise
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