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Christine Le Boeuf (Traducteur)
EAN : 9782742731992
310 pages
Actes Sud (03/04/2001)
3.89/5   62 notes
Résumé :
Au milieu du XIXe siècle, une caravane de voyageurs progresse dans le désert sur une route proche de La Mecque. Se croisent alors neuf destinées qui toutes basculent, en un après-midi, au moment où chacun entre en possession d’une sacoche remplie de textes dont la teneur reste mystérieuse jusqu’à la fin du roman.

Se succèdent ainsi un voleur romantique épris de liberté ; une jeune fiancée encline à la divination ; un chef de bandits rêvant de toute-pu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Ah … « La Sacoche »….par où commencer ?
Je suis allée marcher, de gîte en gîte, avec un sac à dos, en Corse. C'était le seul livre que j'avais emporté. Comme nous transportions tout sur notre dos, le superflu n'avait pas sa place et tout gramme était compté. Je l'ai lu lentement, je m'en suis imprégné, au rythme de nos haltes, peut-être au rythme chaloupé de la caravane.
Un livre étonnant- je n'en connais pas de comparable -, une écriture magnifique, envoutante.
Les premiers adjectifs qui me viennent à l'esprit pour décrire l'effet que j'ai ressenti sont « circulaire » « infini » et « magique ». Cette impression est probablement due pour partie au procédé utilisé, c'est-à-dire un même évènement raconté au travers des différents acteurs, passé au filtre de leurs vies et de leur vécu. Un prisme, un jeu de miroirs qui donne ce sentiment d'infini. J'ai aussi pensé aux trous noirs, décrits dans les sciences de l'univers, une sorte de spirale où mille mondes sont avalés pour se retrouver en seul point. Parallèle facile à faire si on se réfère par exemple, au chapitre sur le pèlerin, page 207 (de l'édition de poche), où il est écrit, lorsqu'il essaie de lire un des rouleaux contenus dans la sacoche : « le soleil de midi tapait sur la page, qui flamboyait devant lui et l'aveugla momentanément. Il pouvait à peine la déchiffrer. Les mots étaient tracés comme en grande hâte, sans les points. Et pourtant cela ne semblait n'être qu'un seul point énigmatique. Les mots se fondaient l'un dans l'autre, équivoques. Ils lui disaient que le chemin est étroit, que la voie est mince, alors même qu'elle est plus spacieuse que les cieux et la terre et tout ce qui s'étend entre eux. Ils lui disaient que le point premier est le commencement et la fin, le centre et la circonférence des cieux et de la terre et de tout ce qui s'étend entre eux. II ne comprenait pas. ». Comment comprendre l'infini ? Notre cerveau humain n'éprouve-t-il pas une sorte de vertige face à l'infini ?
Un livre circulaire parce qu'il dit, au travers de l'histoire de chaque personnage, que les origines et la fin sont indissociables : le pèlerin, qui s'est mis en chemin pour sauver son pays car il a rêvé qu'il deviendrait un désert, apprivoise les tempêtes de sable, et disparaît plein allégresse, avalé par les sables mouvants. Ou encore, le religieux, qui a peur des femmes, de la mère, perdu entre sexualité et spiritualité, parti pour fuir la Parole d'une femme, le Livre Mère et qui brise les barrières et se laisse envahir par son amour pour la Falacha mourante. Il trouve à son tour dans la sacoche, une réponse à sa quête : « … les mots qu'il venait de lire l'emplissait d'un tel vertige, ces « paroles mères » si enceintes de sens, si pleines de signification.. ».
Et que dire du changeur, un menteur, caméléon de la parole, qui achève sa quête la langue coupée, au moment où il découvre la sacoche : « …Les paupières inondées de sueur et la bouche formant un O hideux (encore un cercle !), il attira le rouleau sur ses genoux et de mit à lire. »… ?
Ce ne sont que quelques exemples, ce livre est d'une telle richesse que je pourrais écrire des pages.
Un cercle aux entrées multiples.
J'ai un attachement particulier pour le dernier chapitre, celui du cadavre. Pour son humour, bien vivant, au sujet de sa puanteur (à ce propos, c'est incroyable la quantité de parfums qui se dégage de ce livre). Et pour l'idée de détachement pour rejoindre l'universel: « Nous vivons pensait le cadavre, comme si nous devions vivre à jamais. Et quand nous mourrons, nous imaginons que nous allons puer à jamais. Mais ni l'un ni l'autre n'est vrai : c'est une question de détachement. ».

Un livre magique aussi. Magique par son écriture, ciselée. Un ensemble de réflexions profondes, touchant à l'essentiel, dites avec légèreté. Magique, parce qu'il y a quelques chose d'incantatoire à revivre ce même évènement à travers les différents personnages. Magique, parce qu'il apporte au lecteur plus qu'une histoire, plus que l'histoire de chaque acteur. Il y a une telle tolérance qui se dégage de ses lignes. Chacun des personnages est tellement humain, accepté tant avec ses turpitudes qu'avec ses grandeurs. le résultat fait que l'on s'aime mieux et que l'on aime mieux les autres. Un livre qui apporte de la sérénité, de la simplicité. Ainsi la première phrase calligraphiée tirée de la sacoche « le jour de la Résurrection est un jour où le soleil se lève et se couche, de même que n'importe quel jour ».
Cette sacoche magique décoche ses flèches non seulement aux personnages du roman, mais aussi dans le coeur du lecteur : « Les oiseaux volaient de sa bouche comme des flèches, destinés à planter des semences dans tous les déserts du monde. »

Je n'ai malheureusement pas le talent de Bahiyyih Nakhjavani pour exprimer non seulement le plaisir, la jouissance que j'ai eu à lire ses lignes mais aussi tout ce que la lecture de ce livre m'a apporté à l'échelon spirituel.
Je ne relie que très rarement des livres. Je crois que cela ne sera pas le cas pour celui-ci. Comme un opéra, il déroule tellement de mélodies simultanées que l'on peut découvrir quelque chose de nouveau à chaque écoute, à chaque lecture.
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Un groupe de pèlerins revient de la Mecque et traverse le désert en caravane. Sur le chemin, une troupe de brigands se tient en embuscade, prêt à dévaliser les voyageurs de leurs possessions matérielles (auxquelles ils semblent tenir beaucoup, malgré le côté spirituel de leur voyage). Avant cette rencontre fatidique, un des brigands vole la sacoche d'un voyageur isolé pendant sa prière. À l'encontre de tous les volés précédents, celui-ci continue paisiblement ses dévotions, indifférent à la perte de son bien.

La sacoche contient des parchemins richement calligraphiés, dans un langage très proche de celui du Coran. En une journée, elle va passer entre les mains d'une dizaine de personnes, et va changer à chaque fois le cours de leur vie. Chacune d'elle, en effet, cherche un sens à sa vie, ou joue tellement bien un rôle qu'elle en a fini par oublier qui elle était exactement ; la sacoche va lentement les dépouiller de toutes ces couches de mensonges, d'hypocrisie, d'aveuglement, et va les mettre devant le choix de leur vie : la bonne décision donnera un sens à leur existence, la mauvaise les laissera avec des regrets éternels et un sentiment d'opportunité gâchée qui les suivra jusqu'à leur mort.

Le récit est un genre de mille-feuilles, dans lequel on revit sans cesse les mêmes événements à travers d'autres yeux. Souvent d'ailleurs, on se fait une image très précise d'un des protagonistes à travers les yeux d'un autre, avant que l'auteure ne lui donne la parole : on découvre alors que nous sommes nous aussi aveuglés par les apparences, et prompts à juger quelqu'un sans chercher à comprendre ses motivations intimes.

L'auteure nous présente un véritable kaléidoscope de croyances (différents courants de l'islam, zoroastrisme, judaïsme, et d'autres postures philosophiques), dans la période de l'âge d'or de l'Islam. J'ai souvent eu l'impression que le récit allait basculer dans le fantastique, ce qui n'a jamais été le cas. Mais même si tous les événements décrits semblent terre-à-terre, une ambiance onirique reste toujours présente en filigrane.

Ce livre est complexe, et quinze jours après l'avoir terminé, il continue de me marquer par la richesse de son propos. Même s'il n'est pas forcément facile d'accès, je le conseillerais volontiers à toutes les personnes qui aiment se torturer l'esprit avec des questions existentielles.
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Malgré ce que je peux savoir – et que je devrais vérifier ou approfondir un jour – De Rudyard Kipling, de son colonialisme et orientalisme, je ne peux modérer mon fervent enthousiasme littéraire pour son roman Kim ainsi que pour certains de ses poèmes.
Après la lecture, il y a quelques années, de deux romans de l'auteure pluri-migrante iranienne Bahiyyih Nakhjavani, qui m'ont procuré des plaisirs inégaux, je suis venu à son premier roman, que voici, et au fil des pages, j'ai ressenti de plus en plus fort l'écho et les émotions suscités par Kim.
L'histoire se situe au milieu du XIXe siècle, le long du parcours d'une caravane qui traverse le désert d'Arabie entre Djeddah et Médine, se fait surprendre par une tempête de sable et attaquer par une bande de brigands. Mais celui qui s'y attarderait passerait à côté de l'essentiel. Il s'agit en effet d'un roman essentiellement mystique, sans doute d'une transposition romanesque de la foi baha'ie que l'auteure professe ; ce qui compte, c'est un symbole et surtout la manière dont les neuf personnages dont la narration se succède l'appréhendent, se l'approprient pendant un instant éphémère, et en sont gratifiés de manière à ce que leur problématique existentielle se résolve instantanément, souvent in extremis. le symbole, c'est une sacoche remplie de rouleaux de parchemin, des fragments prophétiques soigneusement enveloppés dans de la soie et enrubannés, magnifiquement calligraphiés, dont nous apprenons et comprenons très peu de choses, contradictoires parfois, peut-être étant nous-mêmes invités à devenir personnages et à en faire notre fétiche salvifique. Les personnages, il est important de le préciser, appartiennent tous à des religions différentes : les problématiques existentielles qu'il se posent reflètent leurs croyances ou incroyances ; ce qui est le plus séduisant dans la prose, c'est que chaque personnage est décrit de façon tout à fait apte à faire comprendre, même à un lecteur ignare en matière de religions orientales, qu'il est structuré par les écritures sacrées qui lui sont propres. À noter aussi que presque tous les personnages dissimulent leur identité, notamment religieuse.
Les voici :
« Le voleur ». C'est un Bédouin, il représente un courant de l'islam « nihiliste » quant à l'éthique et critique envers les rites ; sa problématique est la quête de la liberté absolue. C'est lui qui, par son vol de la sacoche, enclenche l'action dramatique.
« La fiancée ». Iranienne parsie, elle conserve en secret sa foi zoroastrienne, tout comme sa famille, et elle est sujette à des visions confondues avec des crises d'épilepsie, dont le contenu est fondamentalement millénariste.
« Le chef [des brigands] ». Un sunnite traditionnel, opposé au wahhabisme qui s'impose auprès des tribus saoudites, sa problématique est la quête de la puissance absolue. La proximité de la sacoche, dont il n'arrive à aucun moment à s'emparer, ainsi que la « vengeance d'Amanih », qui fait référence au lieu où elle lui échappe, est pour lui l'emblème de sa définitive impuissance.
« Le changeur ». le personnage le plus romanesque : originaire de l'Inde, devenu eunuque à Constantinople, il ne vit que de subterfuges, de dissimulations, d'escroqueries et se prétend fervent musulman, chiite ou sunnite selon les contextes. Sa « reconversion » hindoue s'opère par le truchement d'un « saint homme », qui lui présente aussi un certain millénarisme – l'âge de Kali Yuga en passe d'être remplacé par celui de Krta Yuga. Cependant, sa propre problématique, naturellement, c'est de se libérer du « samsâra », le cycle de ses renaissances.
« L'esclave ». Une juive d'Abyssinie, capturée, violée et déportée sur l'autre rive du Golfe, puis vendue à la famille zoroastrienne de « la fiancée », pour laquelle elle aura des soins et un amour plus que maternels. le personnage le plus tragique. Sa problématique : quel est l'immense péché qui lui a valu une vie si atroce : est-ce d'avoir douté de l'existence de Dieu ? A-t-elle péché d'idolâtrie ?
« Le pèlerin ». Un très vieil Ouïgour, converti de façade à l'islam, mais en vérité pétri de shamanisme, de confucianisme et de bouddhisme, de façon syncrétique. Aspirant moine dans sa jeunesse, devenu père de neuf fils, il cherche, depuis le deuil de sa femme, à contrecarrer une prophétie mortifère pour son peuple, en traversant les déserts : au-delà les mystères du sable, il essaie de percer le mystère des mutations.
« Le religieux ». Un jeune fanatique chiite d'Irak. Un personnage qui de prime abord n'est que repoussant. Et, également en première lecture, on croit comprendre que sa problématique ne concerne que ses rapports maladifs avec les femmes. Mais la référence répétée au Livre Mère, ainsi que l'épisode d'une théologienne peut-être hérétique rencontrée pendant ses études me laissent supposer qu'il s'agit peut-être d'une problématique différente, peut-être en relation avec le bahaïsme.
« Le derviche ». le personnage le plus kiplinguien. Il s'agit d'un Anglais de bonne famille, diplomate qui se veut espion sous son déguisement de « great game », qui brille par sa lâcheté, sa veulerie, son imbécillité. Dernier possesseur de la sacoche, c'est le seul qui ne semble pas en être affecté, car il n'en aperçoit aucune signification, qu'il ne sait pas lire en elle le fétiche, peut-être simplement parce qu'il ne possède aucune spiritualité, pas même le « minimum syndical » requis par le protestantisme anglican ! Pourtant, si sa problématique est d'occulter sa propre médiocrité, l'on peut se demander si la sacoche ne lui vient pas quand même en aide...
« Le cadavre ». le personnage le plus mystérieux. Il s'agit d'un riche marchand qui meurt autour de la Ka'ba et n'apparaît ensuite que comme cadavre fétide. Son chapitre, j'avoue, me paraît assez obscure. La problématique, posthume, semble avoir été la loyauté en particulier dans le commerce. D'autre part, on peut supposer, au vu de sa fonction dans le déroulement de la trame, que si « le derviche » représente l'athée, ou celui qui est dépourvu de spiritualité, « le cadavre » représente en revanche l'hypocrite, moralement abjecte, celui qui sous le faux-semblant du hadj, du pèlerinage à la Mecque, ne se soucie en réalité que de sa cargaison de marchandises. Toutefois, pour lui aussi la sacoche peut être un instrument de salut de son âme.

Le style du roman, tout en se modelant si parfaitement à chaque personnage, comme si la narration était à la première personne, conserve une unité et une élégance remarquables : c'est sans doute là, plus que dans tel ou tel autre personnage que j'ai pensé à Kipling : une prose très XIXe siècle, très orientaliste, ce qui, en littérature, mais en littérature seulement, peut être non une insulte mais un compliment !
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Un bédouin vole une sacoche remplie de manuscrits à un riche marchand faisant ses ablutions,sur la route de la Mecque.La sacoche passera entre les mains de neufs différents personnages,et chaque chapitre est sur un des personnages ,et raconte le contexte du personnage et son parcours à la sacoche.Un livre intéressant,mais je pense qu'il faut un minimum de connaissance sur les zoroastriens,les parsis,les chiites et de la mentalité du moyen orient pour vraiment apprécier le livre.La fin est à mon avis est laissée à l'nterprétation du lecteur,C'est un conte sur la vie,les faiblesses des hommes,sur la religion...très riche et très agréable à lire.
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"La Sacoche"* de l'auteur iranienne B. Nakhjavani se déroule dans le désert entre la Mecque et Médine. Neuf personnages vont se croiser et auront chacun à son tour la sacoche entre les mains.

Nakhjavani réunit des personnages venant d'horizons religieux différents et nous donne un aperçu de leur croyance et leurs rituels.
Chacun des chapitres est consacré à l'un d'eux et l'on apprend ainsi ce qu'était leur vie avant leur rencontre.
La traversée du désert s'avère un chemin de croix pour ce petit monde, et en même temps l'occasion pour les croyants parmi eux de se questionner sur leur spiritualité et le fondement de leur foi.

Ce n'était pas facile pour moi d'aller au bout de cette lecture, je me suis lassée pour diverses raisons.
Tout d'abord, le texte est truffé de phrases alambiquées qui, même lues et relues, ne me dévoilaient pas leur essence. Ceci s'apparentait plus à un cumul d'idées "flottantes" qui ne réussissent pas à prendre racine. Est-ce que c'est dû à une mauvaise traduction? Je m'en doute parce que j'ai toujours admiré la bonne qualité de traduction chez Babel.
Ensuite, il manquait ce petit quelque chose qui donne envie de vite reprendre sa lecture.
Quant à l'"illumination" et au "mysticisme" évoqués en quatrième de couverture, et dont il est bien question dans le roman, la lourdeur syntaxique a réussi à les noyer.

* The Saddlebag
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
[Le jeune homme] était le dernier-né d'une famille où tous craignaient Dieu et se montraient scrupuleux en ce qui concernait leurs obligations religieuses. Tous ses oncles et ses frères aînés avant lui avaient terminé leurs études de théologie et de jurisprudence à Karbalâ et comptaient en Perse parmi les plus notables mujtahid et érudits chiites. Toutes les femmes de sa famille étaient renommées pour leur vertu impeccable et toutes avaient de longs pedigrees d'une égale distinction. On disait, chez certains envieux de leur ville, que chacune de ces incarnations de la pudeur devait sans aucun doute être pareille à la Vierge Marie qu'adoraient les chrétiens, sinon comment lui eût-il été possible de concevoir le moindre enfant ? Dernier des privilégiés nés d'une union aussi chaste, le religieux était plutôt disgracieux, avec une tendance à l'eczéma prurigineux. Il avait aussi hésité, lui disait-on, du mauvais caractère de sa mère, Dieu ait son âme, laquelle était morte de respectabilité avant qu'il atteignît l'âge de treize ans, le laissant orphelin et entouré de tantes endeuillées. Dès lors, on l'envoya à la medersa de Karbalâ, où il bénéficia de l'enseignement des plus distingués des ulémas de l'époque. Lorsqu'il décida d'entreprendre son pèlerinage à la Mecque, il avait à peine vingt ans et une incurable virginité.
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En fait, il était moins redevable aux pèlerins de sa subsistance que d'une certaine capacité, acquise à leur contact, de distinguer la piété sociale d'une foi sincère.

En toutes ces années où il avait été voleur, il n'avait guère trouvé de pèlerins qui attachaient plus de valeur à leur foi qu'à leur poids financier. La plupart paraissaient s'adresser à un chiffre secret dans lequel il ne pouvait reconnaître l'Unique qui le faisait frémir d'ardeur sur la berge de sables mouvants ou trembler de peur au bord d'un précipice. Leur religion exigeait abondance de gestes extérieurs, et pourtant il n'y voyait guère de signes de cette terreur à laquelle il reconnaissait la présence du Divin. En ayant conclu que le dieu des pèlerins n'était pas son dieu, il n'éprouvait aucun scrupule à voler.
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L'esclave était une juive d'Abyssinie, une Falacha, qu'on avait vendue aux Arabes alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. Elle n'avait ri que deux fois au cours de son existence. La première fois, lorsqu' elle avait perdu sa virginité; la dernière lorsqu'elle avait perdu son bébé. Elevée dans les harems d'un cheikh cruel, elle avait été violée très jeune, avant d'être expédiée sur l'autre rive du Golfe, à peine adolescente, en échange de droit de fret. Le cheikh avait été assassiné peu après. Plus tard, on la vendit à un zoroastrien converti qui habitait dans les provinces orientales de la Perse. Et l'épouse de celui-ci mourut peu après. Peut-être le rire de la jeune fille portait-il malheur.
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[Le pèlerin] avait appris que les souffrances endurées au cours d'un pèlerinage valaient au moins le double des difficultés supportées à tout autre moment et, en outre, procurait l'accréditation dans les rangs des pieux. Il était devenu un calculateur habile dès qu'il s'agissait du système de débit et crédit en religion. Il additionnait tous ses actes méritoires afin de s'assurer que le nombre des actions obligatoires et désirables dépassait celui des indésirables et interdites. Il s'efforçait aussi le nombre de ses actions neutres, car elles représentaient un gaspillage d'énergie spirituelle. Et il ouvrait l'œil, attentif au bonus qu'apporterait la compagnie des justes. Rien n'était aussi efficace, à son avis, que la compagnie et l'exemple des justes devant Dieu, car on pouvait y acquérir un perfectionnement spirituel immédiat à un prix relativement bas.
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Le désert avait été pour lui une mère et un père, un maître, un amant et un guide.

Sans qu'il sut lire, le désert avait fait de lui un érudit. Il avait découvert des traités entiers cachés dans les tempêtes de sable ; il avait lu un millier de poèmes inscrits en travers de l'horizon. Quand il avait l'âme pure, au lever du soleil, il comprenait le langage des sables. À vingt ans, il connaissait les sentiers secrets longeant les failles des falaises et pouvait déchiffrer les énigmes des dunes mouvantes. Il analysait chaque nuage de poussière en fonction de son heure, lisait les messages de la lune en toutes ses saisons et reconnaissait la voix de toutes les étoiles. Le vent était sa religion et la planète Vénus son amour, et il avait trouvé des traces de leur volonté dans les rochers et les vallées désertes.
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