"
Par humanité" est un terrible réquisitoire contre la torture qui a été salué par
Amnesty International lors de sa parution. Dans un pays qui n'est pas si utopique que cela et où les attentats se multiplient, la police et les officiers du renseignement sont "sur les dents" et cherchent par tous les moyens à démanteler les réseaux (supposés ou non) de terroristes.
La torture physique, décrite dans ce roman avec un réalisme si saisissant que la lecture demande elle-même un effort, pourrait-elle être remplacée par un procédé moins douloureux, mettant en oeuvre des substances chimiques euphorisantes ?
le jeune médecin héros du récit est confronté à un cas de conscience dramatique. On comprend vite que si l'histoire est fictive, la problématique qu'elle pose est bien réelle, aussi ancienne sans doute que l'humanité et sûrement, hélas, toujours d'actualité. Peut-on risquer de tuer pour sauver des vies ? Jusqu'où peut s'exercer le droit d'interroger des suspects sous la contrainte ? Comment distinguer entre le prisonnier celui qui sait, mais ne veut rien dire, et celui qui ne peut rien dire parce qu'il ne sait pas ?
le responsable des interrogatoires fait penser à un horloger du temps passé qui chercherait le ressort spiral... dans une montre à quartz. le décalage du regard combiné à l'acharnement conduit inexorablement au désastre. L'enquêteur est corrompu par son obsession, aveuglé par sa colère ; il frappe de plus en plus fort et finit par détruire la seule personne qui détient (peut-être) la réponse qu'il cherche à obtenir. Pire : il donne raison aux terroristes en légitimant comme eux le recours à la brutalité.
Jean-Luc Nativelle traite de ce sujet difficile sans tomber dans le voyeurisme et le sadisme, mais sans faire non plus de concessions à la vérité des faits. C'est là un tour de force qui s'appuie sur les ressorts d'un roman policier : qu'a réellement fait le suspect ? comment interpréter un message codé ?
Ce livre qu'aurait apprécié
Pierre Vidal-Naquet, a sa place dans notre bibliothèque sur le même rayon que ceux de
Sylvain Tesson et
Sorj Chalandon.
PS- Lorsqu'en lisant un livre je tombe sur une coquille, j'ai tendance à la corriger au crayon avec un léger signe dans la marge. Cela arrive de moins en moins souvent, car la qualité orthographique des éditions contemporaines est généralement remarquable. C'est pourquoi, en lisant "
Par humanité" quand je suis soudain tombé sur une succession anormale de fautes de frappe, je me suis emparé de mon crayon et ai commencé à remplir la marge de corrections. Cela n'a curieusement concerné que trois pages consécutives. le calme est revenu plus loin dans la lecture.
Si vous lisez ce roman, vous comprendrez pourquoi j'ai dû, peu de temps après, prendre une gomme et supprimer les traces de mes corrections avant de rendre à mes amis l'exemplaire qu'ils m'avaient prêté.