Il y a de cela des années, j'avais lu qu'un poète japonnais disait du suicide que c'était "une mort silencieuse dans un monde sans fin".
C'était le coté dramatique qui me troublait. La règle de base de la survie est d'attendre que les choses se décantent. Cette règle, Jim était trop jeune pour l'avoir apprise. Avec presque vingt ans de plus que lui, je savais que les grandes émotions - amour, peur, espoir, terreur- se fondent dans le chaos des broutilles quotidiennes et finissent par en faire partie. Il y avait pour la justice un symbole plus adéquat que la déesse aux yeux bandés: c'était une pendule.
-Est-ce pour avoir de tels désirs que Dieu nous donne la vie? poursuivit-il comme s'il n'avait rien entendu. Cela parait cruel.
- D'aimer quelqu'un?
- De tomber amoureux d'une photo dans un journal, et de se retourner dans son lit comme un collégien, incapable de dormir à cause d'elle.
- Tout le monde l'a abandonné, Henry. Ses parents et maintenant son avocate. Il faut que quelqu'un intervienne…
- J'en conviens, c'est une triste situation. Mais pourquoi moi, Larry ? Je pourrais te donner les noms d'une demi-douzaine d'excellents avocats pénaux à L.A.
- Tu en connais un qui soit gay ?
- A ce stade, ce n'est pas le plus important, tout de même.
- On ne peut pas espérer qu'un avocat hétéro comprenne. Etre dans le placard est tellement effroyable qu'on peut en arriver à tuer.
De l'autre côté de l'allée, sur le même rang que la mère de Brian, était assis un jeune homme en costume bleu, chaussé de lunettes à monture d'écaille. Mon regard croisa le sien un moment, puis il se détourna.
- C'est Josh Mandel, indiqua Sharon.
- Ah, fis-je en jetant de nouveau un coup d’œil vers lui.
- Vous le connaissez ?
- Non répondis-je.
Cependant, son visage me disait vaguement quelque chose.