« La femme que j'ai le plus aimée n'est pas celle-ci, mais, au moment de mourir, je regretterai ce qui nous unit plus que je n'ai regretté la passion. La passion semble un don de Dieu "trop beau pour être vrai". On sent qu'Il vous la prête seulement pour un temps, mais ceci est bien à nous... acquis avec peine, lentement amassé, distillé comme un miel. Et, un jour, il faudra abandonner ça aussi. Quel dommage... »
Que la plume est belle ! Second livre d'
Irène Nemirovsky et je suis encore une fois sous le charme. C'est beau et si profond. Une plongée dans les têtes des protagonistes avec une aisance dans la description des âmes, je suis encore bluffée. C'est fin et juste. Tout est mesurée, calibré avec précision. En refermant ce roman, j'ai eu l'impression que la boucle était bouclée. D'une part, d'adolescents frivoles et dévorés de désir, ils sont devenus ce qu'ils ne comprenaient pas de l'attitude de leurs parents. D'autre part, le couple principal traverse toutes les strates d'un amour juvénile, anxieux, insouciant, mature, dépossédé de de désir jusqu'à leur équilibre. Ils sont passés de
deux à un, jusqu'à trouver la paix de l'âme.
« Marianne se tut brusquement, songeant que l'amour conjugal pouvait croître non seulement sans l'aide des époux, mais malgré eux, malgré les querelles, les déceptions et les trahisons, croître par sa propre vertu, comme un enfant. »
J'étais très intriguée par Antoine, l'un des personnages principaux. Tout s'enroule autour de lui. Antoine voit le monde comme il a vu la guerre, désenchanté. Pour autant, tout ne se désagrège pas à ce moment là. Dernier d'une fratrie, il s'émeut d'avoir été moins aimé par sa mère. Seul à n'avoir pas terminé ses études pour partir au front, il est comme abîmé dès l'origine. Revenu il reste accroché à l'idée que rien ne dure, que la mort rôde, qu'il n'est donc pas judicieux de construire, qu'il faut profiter. Et puis, avec son ami Dominique, il y a la rencontre avec Marianne, avec Evelyne, avec l'âge et la conséquence inéluctable du vieillissement des parents, des histoires de familles, de la naissance de ses enfants, de la maturité qui vous apprend, en tant que chef de famille, à faire face à des obligations matérielles... Il grandit mais garde ses blessures tout en apprenant à apprécier les choses simples. Je parle d'Antoine, mais Marianne est également très détaillée dans le roman. L'auteur nous plonge dans des familles et on comprend très bien les relations nouées entre les uns et les autres. Un grand coup de coeur !