AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le maître des âmes (Les Échelles du Levant) (24)

Son visage était à la fois trop jeune et trop vieux pour son âge; elle avait plus de trente ans. Certains traits- le front, petit et bombé, sans rides, les paupières intactes, le sourire aux dents blanches, régulières, magnifiques, sa seule beauté- étaient d'une jolie fille, presque d'une adolescente, mais des mèches éparses dans ses cheveux crêpelés, mal coiffés, grisonnaient; les yeux bruns étaient tristes, ils avaient versé des larmes, veillé, contemplé la mort sur des visages aimés, attendu avec espoir, regardé avec courage; la bouche, au repos, était lasse, naïve et douloureuse.
Commenter  J’apprécie          190
En voyant Dario, elle demanda :
- C'est bien ici qu'habite un médecin ?
- Oui, c'est moi.
- Pouvez-vous venir tout de suite, docteur ? C'est pour mon patron. C'est très urgent.
- Certes, je vous suis, dit Dario, le cœur plein d'espoir.
Ils firent quelques pas le long de la rue déserte. En marchant, Dario arrangea sa cravate, passa la main dans ses cheveux épais, toucha avec malaise sa joue mal rasée.
Mais la femme s'arrêta brusquement ; elle hésita, s'approcha de Dario et le regarda avec attention.
- Vous êtes bien le docteur Levaillant ?
- Non, fit-il lentement, je suis médecin également, mais...
Elle l'interrompit.
- Vous n'êtes pas le docteur Levaillant ?
- Il habite plus loin, au 32 la même rue ; si vous ne le trouvez pas, dit Dario en saisissant par la manche la femme qui s'éloignait, je suis chez moi toute la soirée. Mon appartement est au-dessus de la pension de famille " Mimosa's House ". Je m'appelle le docteur Asfar.
Mais elle avait disparu déjà. Elle avait traversé la rue en courant. Elle sonnait à une porte qui n'était pas celle de Dario. Il rentra chez lui. S'appeler Levaillant, Massart au Durand, quel rêve ! Qui aurait confiance en lui, Dario Asfar, avec sa figure et son accent de métèque ? Ce docteur Levaillant, son voisin, il le connaissait. Comme il enviait sa barbe grise, son air bonhomme et tranquille, sa petite voiture, sa jolie maison...
Commenter  J’apprécie          142
Oui, vous tous, qui me méprisez, riches Français, heureux français, ce que je voulais, c'était votre culture, votre morale, vos vertus, tout ce qui est plus haut que moi, différent de la boue où je suis né!
Commenter  J’apprécie          140
Je viens de si loin, je monte de si bas. C'est une halte que vous m'offrez aujourd'hui. Je suis né en Crimée, dit-il tout à coup, après un moment de silence: il était poursuivi par le désir de ressusciter devant elle un passé haï, un passé honteux; il lui semblait qu'en l'entendant seulement elle le délivrerait. Pourquoi là et non ailleurs ? Je ne sais pas. Je suis d'une race levantine, obscure, d'un mélange de sang grec et italien, ce que vous appelez un métèque. Vous ne connaissez pas ces familles de vagabonds qui essaiment partout et sont jetés sur des chemins si différents que, dans la même génération , mais en des lieux divers, certains d'entre eux vendent des tapis et des noix au miel sur les plages d'Europe, et les autres, à Londres, à New York, sont riches, instruits, et ils ne se connaissent même pas.
Commenter  J’apprécie          70
Evidemment, ils tiennent à la vie ; elle leur est douce. Et, pour la plupart, leur vie tient bien à eux. Ils mourront tard. Mais si leurs corps sont solides, machines précieuses, huilées, polies chaque jour, leurs âmes sont malades.
Commenter  J’apprécie          50
Elle prit dans ses bras l'enfant qui s'était réveillé en criant. Elle le berça contre elle, l'apaisa et s'assit près de son mari, sur la malle recouverte d'une vieille couverture. Ils se sentaient mal à l'aise dans des fauteuils, raides, céremonieux, destinés aux visites, à une famille inexistante, aux clients. Pour eux, la dure malle qui avait vu toutes les gares de l'Europe était un lieu de repos, un sûr refuge.
Commenter  J’apprécie          30
- Comment voulez-vous que je vive ? s'écria-t-il, personne ne me connaît dans votre ville. Voici quatre mois quej'habite Nice.J'ai fait tous les sacrifices pour venir m'installer ici. A Paris, la fortune était à ma porte. Il ne fallait qu'attendre. (Il mentait. Il désirait la convaincre à tout prix .) Ici, je ne soigne que des Russes. Je ne connais que des émigrés affamés. Pas un Français ne m'appelle. Personne n'a confiance en moi. C'est ma figure, mon accent, je ne sais quoi, dit-il, et, en parlant, il passait la main sur ses cheveux de jais, ses maigres joues brunes, ses paupières aux longs cils de femme qui cachaient à demi des yeux durs et fiévreux.
Commenter  J’apprécie          30
Quand il rentrait chez lui au terme d'une longue journée de travail, avant de retrouver Clara, il lui arrivait d'attendre quelques instants au seuil de sa demeure. C'était la seule minute où il eût l'esprit libre. Chez lui, il trouverait la note du gaz et de l'électricité ; il compterait les vieilles dettes, il verrait les yeux de Clara, rouges et à demi fermés pour avoir trop cousu, la veille sous la lampe ; il se souviendrait que l'enfant avait besoin de souliers et lui-même d'un pardessus neuf. Il s'accordait une seconde de répit dans cette rue bruyante, en face de ce pont de fer ; il ne regardait plus ces pauvres arbres effeuillés, le brouillard de l'automne, les gens maussades et tristes qui se hâtaient ; il cessait d'avoir conscience de cette odeur de maladie et de misère dont il ne pouvait se débarrasser ; elle flottait sans cesse autour de lui et imprégnait ses vêtements. Il ne pensait à rien... Il ramassait ses forces, comme dans une bataille inégale où, si un instant encore la mort vous est épargnée et qu'on ne peut fuir, on serre dans sa main ses armes, on songe à un être chéri, et on se jette en avant, ayant compris enfin dans son coeur que l'on ne ménagerait rien, ayant accepté de perdre son âme s'il faut à ce prix gagner l'existence.
Commenter  J’apprécie          30
Le seul avenir, pour moi, c'est celui de charlatan, qui cultivera les vices et les maladies des riches comme on ensemence un champ, pensa t-il; voici qu'avec tous mes efforts, mes peines et mes rêves, j'en suis une fois de plus à mendier, à m'abaisser, à attendre la charité comme autrefois....
Commenter  J’apprécie          20
Je crois à une fatalité, à une malédiction. Je crois que j'étais destiné à être un vaurien, un charlatan et que je n'y échapperai pas. On n'échappe pas à sa destinée.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (283) Voir plus



    Quiz Voir plus

    La littérature russe

    Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

    Tolstoï
    Pouchkine
    Dostoïevski

    10 questions
    437 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

    {* *}