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Matilde Urrutia de Neruda (Éditeur scientifique)Miguel Otero Silva (Éditeur scientifique)Claude Couffon (Traducteur)
EAN : 9782070378227
540 pages
Gallimard (10/04/1987)
4.04/5   247 notes
Résumé :
"Peut-être n'ai-je pas vécu en mon propre corps: peut-être ai-je vécu la vie des autres", écrit Pablo Neruda pour présenter ces souvenirs qui s'achèvent quelques jours avant sa mort par un hommage posthume à son ami Salvador Allende.
Les portraits d'hommes célèbres - Aragon, Breton, Eluard, García Lorca, Picasso - côtoient les pages admirables consacrées à l'homme de la rue, au paysan anonyme, à la femme d'une nuit.
À travers eux se dessine la personna... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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« Ma vie est une vie faite de toutes les vies : les vies du poète. », écrit Pablo Neruda pour présenter ces souvenirs qui s'achèvent quelques jours avant sa mort par un hommage posthume à son ami Salvador Allende, Président du Chili, trahi... assassiné... Que de pages admirables où se dessine la personnalité de Neruda, un homme passionné, attentif, curieux de tout et de tous, le poète de la terre et de l'amour qui se révèle être aussi un merveilleux conteur.
Pablo Neruda, (de son vrai nom Neftali Reyes) raconte ses souvenirs d'enfance, évoque les gens célèbres qu'il a connu – Aragon, Breton, Eluard, García Lorca, Picasso – et bien d'autres. Une oeuvre admirable avec des pages précieuses, d'une poésie éblouissante, dont la traduction ne semble pas amoindrir la beauté. Résumer ce livre immense, à l'image de la démesure de l'homme, me paraît peu raisonnable. Résume-t-on en quelques lignes Picasso ?

Ces mémoires incluent bien des poèmes en proses, ainsi quand il décrit les chevaux, « Les volcans auraient eu cette allure s'ils avaient pu trotter... ». C'est le poids du passé qui apparaît à travers les statues de Bouddha et statues de Christs, « sourire de pierre, pieds de dieux gisants »...

Formidable récit d'exil à travers la montagne andine en 1946. Neruda vit caché pendant un an et demi pour ne pas être arrêté par la police du dictateur Gonzalez Videla, acrobate d'assemblée, comme il le définit si bien. Il compose alors le Chant Général – Canto General – qui sera mis en musique par Mikis Theodorakis, rencontré en Europe où Neruda a réussi à se réfugier .

Sa rencontre avec Che Guevara représente bien l'ambiguïté de toute action, toujours incertaine. Neruda homme d'action et de doute, terriblement humain.

Rares sont les écrivains qui ont su allier à ce point leur travail littéraire, leur engagement et leur participation à des hautes fonctions au niveau de l'Etat (consul, sénateur, ambassadeur...). Et rares aussi les écrivains qui ont su aussi bien expliquer leur choix pour des convictions communistes lui valant encore aujourd'hui bien des inimitiés calomnieuses. Choix du courage dans la lucidité.

La rédaction de ces mémoires a été interrompue par la mort du poète le 23 septembre 1973, 12 jours après le coup d'Etat de Pinochet. En octobre 2017, un groupe de seize experts internationaux mandaté par la justice chilienne a conclu que la mort de Pablo Neruda n'est pas due à un cancer comme l'indiquait le certificat de décès. L'assassinat reste une hypothèse sérieuse, largement documentée maintenant par les témoignages et recoupements ; les coups spéciaux, les coups pour eux, largement utilisés en Amérique, en Afrique... Où on croise l'empoisonneur de Pinochet, Eugenio Berrios et les services secrets de Nixon.

Pablo Neruda, 1904-1973, prix Nobel de littérature 1971 – prix décerné à un auteur « ayant fait preuve d'un puissant idéal » –, est de ces grands destins qui ont allié littérature, poésie, solidarité, carrière diplomatique et politique. le film « le facteur » de Michael Radford (1994) avec un Philippe Noiret époustouflant interprétant Pablo Neruda, est une bonne entrée pour découvrir l'auteur. Dire qu'il est un grand de la littérature mondiale me semble évident. Raison de plus pour le lire et ne pas trahir sa mémoire avec des controverses surtout destinées à l'ensevelir une bonne fois pour toutes dans L Histoire telle qu'elle est rédigée par les vainqueurs.
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Chronique complète sur Bibliofeel, avec documents et illustrations...

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Dans J'avoue que j'ai vécu, le poète Pablo Neruda avoue avoir commis un viol sur la personne d'une pauvre femme tamoul, de la caste des parias, qui chaque jour venait pour lui vider les latrines.
"Un matin, décidé à tout, je l'attrapai avec force par le poignet et la regardait droit dans les yeux. Je ne disposais d'aucune langue pour lui parler. Elle se laissa entraîner sans un sourire et fut bientôt nue dans mon lit. Notre rencontre fut celle d'un homme et d'une statue . Elle resta tout le temps les yeux ouverts, impassible. Elle avait raison de me mépriser."

Cet "aveu" ternit certainement un peu l'éclat du grand poète socialiste solidaire de la lutte des peuples et des malheurs de l'humanité. Et aussi le déroutant silence - qui en dit long - sur le destin de son unique fille, Malva Marina, atteinte d'hydrocéphalie, née à Madrid en 1934, de son mariage avec Marika Hagenaar.

En 2019, l'écrivaine néerlandaise Hagar Peeters a choisi de donner voix, dans un roman, En het vergeten zo lang (Es tan largo el olvido), à Malva, cette fille oubliée, délaissée de son père.

Dans une lettre à son amie Sara Ternú, Neruda s'appitoie sur son propre sort. Il lui décrit sa fille comme un "être parfaitement ridicule, une sorte de point-virgule [en raison de la disproportion de la tête provoquée par l'hydrocéphalie] une vampiresse de trois kilos".

En 2004, le chilien Antonio Reynaldos a fait des recherches et s'est entretenu avec des témoins, dont le frère adoptif de la petite, qui lui a permis de découvrir dans un vieux cimetière de Gouda dans les Pays-Bas, la tombe de Malva Marina, décédée à l'âge de huit ans. Ses photos, publiées pour la première fois, nous troublent par leur confondante ressemblance au poète. L'enquête de Reynaldos nous apprend aussi les vicissitudes de sa mère, Maryka, pour subvenir aux besoins de sa fille et aux soins que requérait sa grave maladie. Sans ressources et sans soutiens, elle finit par devoir la confier à la charité d'une famille d'adoption, la famille Julsing, qui s'est occupée de l'enfant jusqu'à sa mort. le "grand homme", "l'immense poète" n'avait rien à foutre.


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Magnifique et poétique autobiographie de Pablo Neruda qui nous livre les souvenirs colorés de son enfance et de sa vie d'étudiant au Chili et lève ainsi le voile sur le genèse de ses amours pour la nature, la poésie et l'engagement politique.
Au fil des paysages et des rencontres se dessine la personnalité de Pablo Neruda, homme passionné, attentif, curieux de tout et de tous, le poète qui se révèle être aussi un merveilleux conteur.
Je conseille ce livre à tous ceux qui aiment la poésie, la culture latino-américaine et l'homme politique engagé Pablo Neruda.
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De Pablo Neruda, je ne connaissait que vaguement un poème appris sur les bancs de l'école, un poème qui dans ma mémoire dégoulinait du sang des incas. Récemment, un ami m'avait parlé du poète qu'il est, mais le souvenir du sang indien m'a détourné de ses vers, et j'ai préféré entamer son autobiographie.
Et là, j'ai pris une petite baffe. Ce livre a été une très agréable surprise.
Il y a des gens qui écrivent comme d'autres respirent. C'est l'impression que m'a donné le style de Néruda : quelque chose de profondément naturel - et encore, j'imagine que son style doit être un peu amoindri par la traduction. Bref c'est de la poésie en prose
Du coup, son récit est d'une légèreté étonnante, il coule de source. Enfin à vrai dire, il s'assèche un peu sur la fin. Il est comme plus formel, plus officiel. J'ai un peu peiné à finir le texte, mais cette faiblesse finale n'est rien par rapport au bonheur de l'avoir écouté me conter sa vie.
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Pablo Neruda, de son vrai nom Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto, est avant tout un poète, puis écrivain et diplomate de son pays le Chili qu'il adore. Né en 1904 à Parral, à environ 150 km au nord-est de Concepción, dans la région du Maule.
Donc jeunesse dans la région du Maule. C'est dans cette région qu'a eu lieu le dernier gros tremblement de terre du Chili en 10. La région n'est pas franchement accueillante, et plus on va vers le sud, moins elle l'est. C'est pourtant là que grandit « le jeune provincial » comme il se nomme dans « J'avoue que j'ai vécu », son livre de mémoires en prose. « Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés / Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. C'est la découverte du monde du vent et du feuillage. ». Son père conduit les trains qui vont empierrer les voies.
La première fois que je suis allé au Chili, c'était précisément dans cette région en avion jusqu'à Tumaco et ensuite en bus vers Pucon un peu plus au sud, au pied du volcan Villarica. Long transport dans une région qui sera affectée un peu plus tard par un tremblement de terre, suivi d'un tsunami, comme si les volcans ne suffisaient pas. Il faut dire que les tremblements de terre sont nombreux dans la région et souvent dévastateurs. Et Pablo Neruda en sait quelque chose. « Je me suis réveillé au moment où le sol des rêves a manqué sous mon lit. / Une colonne de cendre aveugle titubait au milieu de la nuit, / je te demande: Suis-je mort ? ». Mais, qu'à cela ne tienne. La région est aussi l'endroit de cures thermales liées au volcanisme et les chiliens s'y rendent pendant leurs vacances d'hiver, lors de l'été austral. Je me souviens avoir été aux thermes de San Luis avec des japonais enchantés de retrouver les bains chauds, malgré une piscine relativement délabrée. de retour à Pucon, le volcan Villarica, toujours très actif, faisait rougeoyer le ciel. Il a eu une crise plus importante il y a un an ou deux qui a nécessité l'évacuation de quelques 3000 personnes, sous la menace essentiellement d'inondations subites dues à la fonte des neiges qui couvrent le volcan et sur lesquelles on peut skier.
Souvenirs heureux de Pablo Neruda, qui découvre ainsi la forêt et ses habitants, via les spécimens que les ouvriers du train de son père lui ramènent (dans les premiers chapitres de « J'avoue que j'ai vécu »). Il découvre aussi les indiens araucans, ou mapuches. A l'époque, début des années 1900-1920, il y en avait encore. C'est important ce point, je pense, cela enracine une vie. Mais comme il le raconte, on les a beaucoup chassé en utilisant « le tir à la carabine, l'incendie des chaumières et plus tard […] l'alcool », comme souvent ou toujours.
Puis une vie diplomatique, avec des postes à Rangoon, Colombo, Batavia et Calcutta. Arrive la Guerre d'Espagne et la rencontre avec Federico Garcia Lorca, juste avant de commencer son « Canto General ». Il parle beaucoup de cette période dans ses mémoires sous le titre de « L'Espagne au coeur ». C'est aussi le titre d'un ouvrage qu'il fit en Espagne, où « les soldats du front apprirent à manier les caractères d'imprimerie ». Cette période espagnole est riche pour lui « Non, l'homme ne vit pas seulement d'étoiles… ». Il y rencontre nombre de gens qui vont être ses amis, Federico Garcia Lorca, bien sûr, mais aussi Jorge Guillén et surtout Rafael Alberti et Maria Teresa Leon qui vont influencer sa façon d'écrire. «Je déclare ici que personne n'est passé près de moi qui ne m'ait partagé. J'ai brassé jusqu'au coude et rebrassé dans une adversité qui n'était pas faite pour moi dans le malheur des autres.». Retour au Chili, puis ambassadeur du Chili en France et prix Nobel en 71. Hélas, le président Allende est renversé et assassiné en septembre 73. Pablo Neruda meurt quelques jours plus tard, officiellement d'un cancer de la prostate, mais le gouvernement de Pinochet ne peut éviter les soupçons d'empoisonnement par un biochimiste chilien. Sa maison à Valparaiso est incendiée et ses livres brulés. Quand on ne peut détruire la pensée, on la brûle.
le Chili est au coeur de ses écrits. « Cordillères / enneigées, / Andes / blanches, / parois / de ma patrie, / que de / silence / tout autour / de la volonté, des luttes / de mon peuple. / Là-haut les montagnes / argentées, / là en bas le tonnerre vert / de l'océan. / Cependant / ce peuple / creuse les solitudes / hérissées, / sillonne / les vagues verticales, et dans la soirée prend / sa guitare, / et chante tout en marchant ». Il faut reconnaître que le Chili, c'est un grand pays 5500 km du nord au sud et de 200 à 300 km d'ouest en est, de la mer à la montagne. de plus, dans le nord, là où le Chili est le plus large, la cordillère côtière baigne presque dans la mer, mais est séparée de celle des Andes par une vaste région désertique, dont le célèbre désert d'Atacama. Ce qui est magnifique, que ce soit vu depuis Santiago, ou mieux vu d'avion quand on va vers le nord, est cette cordillère qui culmine aux environs de 5000 m, et comme posé par-dessus, il y a l'Aconcagua, qui frôle les 7000 m. Une montagne posée sur les montagnes, grandiose. « L'hiver / les Andes / se recouvrent / de leur nappe infinie, / l'Aconcagua / a cristallisé les crins / de sa tête blanche, / elles dorment / les grandes cordillères, / les sommets / sous / le même immense drap, les fleuves / durcissent, / sur la planète tombe / la neige / comme un frisson multiplié ». C'est à ces moments que l'homme redevient, ou devrait redevenir, un objet modeste dans la nature. L'autre coté du pays, c'est la mer. L'océan Pacifique, froid à cause du courant de Humbold qui remonte depuis l'Antarctique, on s'y baigne en vitesse. Par contre les plages, quand il y en a sont désertes, sauf quelques otaries qui viennent s'y reposer, repues après avoir suivi les bancs d'anchois. Un plaisir de marcher le long de ces plages désertes, mais qui sont envahies par les voitures l'été, les sud-américains aimant avoir leur objet de consommation principal près d'eux. Fruits de mer délicats, des oursins, surtout dont les tests se retrouvent en tas au bord des plages rocheuses, et dont seul le corail est vendu sur les marchés, dont celui d'Antofagasta, où je m'en suis quasiment gavé. Un régal, avec une bière fraiche un peu corsée par le jus de un ou deux limons. Toujours sur la plage, les oiseaux, des frégates par bancs entiers, des mouettes aux pattes rouges qui s'envolent en criant. « Je dis bonjour au ciel. / Plus de terre. Elle s'est détachée / hier cette nuit du navire. / Derrière est resté le Chili / et seuls quelques oiseaux sauvages / continuent à voler levant / le nom obscur et froid de ma patrie. »
Entre la mer et la montagne, la cote, souvent déserte, ou avec des villages perdus. Seule consolation, dans la courte étendue plate au pied de la cordillère, une fois par an, vers aout-septembre, un peu de pluie, ou plutôt de la condensation sur les pentes qui vient arroser les quelques plantes. Et alors durant une petite semaine la magie du « desierto florido », le désert fleuri, du violet-parme, jaune et rouge à perte de vue. A y voir de plus près, il s'agirait plutôt de touffes éparses qui sont posées de ci de là. Mais c'est si rare… la contrepartie, c'est aussi que de l'autre coté de la cordillère, à où tout est nu et désertique, il se forme des bancs de brouillard le matin. Comme c'est aussi l'endroit où passe la route goudronnée, toute droite sur des kilomètres, c'est toujours une surprise que de rouler à 120-130 km/h dans le brouillard, et d'apercevoir soudain la masse d'un camion, tous feux éteints bien sûr, qui lui se traine à 40-50 km/h. Magie du désert, mais pourtant désert très différent des déserts de sables comme le Sahara. Désert de pierre, comme au sud d'Atacama ou plutôt d'herbe rase comme sur la côte « Intolérable voix, sel / disséminé, cendre / substituée, thyrse noir / avec sa perle extrême où la lune apparaît / aveugle, en des couloirs de cuivre en deuil. / Quel matériel, quel cygne creux enfonce dans le sable son nu moribond et durcit sa clarté liquide et lente ? / Quel dur rayon brise son émeraude / entre des pierres indomptables, / cristallisant le sel perdu ? » Magie du désert minéral. Et pourtant cela reste très beau, avec de rares traces de vie, peu d'oiseaux, plutôt des lézards et des petits rongeurs. Désert minéral qui change de couleur dans la journée. Froid, voire même glacial la nuit. Chaud et sec le jour. Oh ces couleurs qui changent avec l'inclinaison du soleil au sud de l'Atacama. Seules les ocres des peintures rupestres de Peine au sud du Salar, restaient telles qu'elles étaient et qu'elles seront, malgré la non-préservation du site. Mais avant d'aller voir les peintures, il a fallu passer deux nuits à Peine, avec un confort très relatif, je ne crois pas m'être rasé, et si peu lavé, pendant ce temps.
Et puis le Chili c'est aussi la culture, la chanson et une certaine liberté, quelque peu malmenée pendant la période Pinochet. Toujours une anecdote à propos d'Atacama, et son désert où il existe des terrains interdits. Non pas qu'ils soient accidentés ou zones à protéger. Non, simplement car ils formaient la bordure de camps de prisonniers sous le régime de la junte, et qu'ils sont minés pour prévenir toute évasion. Hélas, les mines en terrain sablonneux ont tendance à se promener. Pablo Neruda n'a pas eu à voir cette époque, mais il la pressentait. « du Nord au Sud, où l'on broya / ou incinéra les cadavres, / leurs os furent enterrés dans les ténèbres / ou brûlés en silence dans la nuit, / entassés dans un trou de mine / ou crachés à la mer : / nul ne peut dire où ils se trouvent, / ils n'ont de tombe, ils sont épars / aux racines de la patrie, / les doigts martyrisés : / les coeurs des fusillés : / le sourire de nos Chiliens, / des valeureux de la pampa, / des capitaines du silence. // Nul ne sait où les assassins / ont enterré ces corps, / mais ils surgiront de la terre / et reprendront le sang versé / le jour de la résurrection du peuple. »
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Citations et extraits (94) Voir plus Ajouter une citation
.....Je veux vivre dans un monde où les êtres seront seulement humains, sans autres titres que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette...........................
.....Je veux que l'immense majorité, la seule majorité : tout le monde puisse parler, lire , écouter, s'épanouir. Je n'ai jamais compris la lutte autrement que comme un moyen d'en finir avec la lutte. Je n'ai jamais compris la rigueur autrement que comme un moyen d'en finir avec la rigueur.
J'ai pris un chemin car je crois que ce chemin nous conduit tous à cette aménité permanente. Je combats pour cette bonté générale, multipliée, inépuisable.
........Il me reste malgré tout une foi absolue dans le destin de l'homme, la conviction chaque jour plus consciente que nous approchons de la grande tendresse. (p344)
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LES MOTS
...Tout ce que vous voudrez, oui, monsieur, mais ce sont les mots qui chantent, les mots qui montent et qui descendent... Je me prosterne devant eux... Je les aime, je m'y colle, je les traque, je les mords, je les dilapide.. J'aime tant les mots... Les mots inattendus... Ceux que gloutonnement on attend, on guette, jusqu'à ce qu'ils tombent soudain... Termes aimés. Ils brillent comme des pierres de couleurs, ils sautent comme des poissons de platine, ils sont écume, fil, métal, rosée... Il est des mots que je poursuis... Ils sont si beaux que je veux les mettre tous dans mon poème... Je les attrape au vol, quand ils bourdonnent, et je les retiens, je les nettoie, je les décortique, je me prépare devant l'assiette, je les sens cristallins. vibrants, éburnéens, végétaux, huileux, comme des fruits, comme des algues, comme des agates, comme des olives. Et alors je les retourne, je les agite, je les bois, je les avale, je les triture, je les mets sur leur trente et un, je les libère. Je les laisse comme des stalactites dans mon poème, comme des bouts de bois poli, comme du charbon. comme des épaves de naufrage, des présents de la vague... Tout est dans le mot... Une idée entière se modifie parce qu'un mot a changé de place ou parce qu'un autre mot s'est assis comme un petit roi dans une phrase qui ne l'attendait pas et lui a obéi... Ils ont l'ombre, la transparence, le poids, les plumes, le poil, ils ont tout ce qui s'est ajouté à eux à force de rouler dans la rivière, de changer de patrie, d'être des racines.
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De la même façon qu'il en coûterait beaucoup aux gens raisonnables d'être poète, il en coûte beaucoup peut-être aux poètes d'être raisonnables. Cependant la raison gagne la partie et c'est la raison, base de la justice, qui doit gouverner le monde.
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.....Je regarde les vagues légères d'un nouveau jour sur l'Atlantique.
Le bateau laisse de chaque côté de sa proue une déchirure blanche, bleue et sulfurique d'eau, d'écume et d'abîmes remués.
Ce sont les portes de l'océan qui tremblent.
Au dessus passent les minuscules poissons volants, faits d'argent transparent.
Je reviens de l'exil.
Je regarde longuement ces eaux sur lesquelles je navigue vers d'autres eaux : les vagues tourmentées de ma patrie.
le ciel d'une longue journée couvre tout l'océan.
Puis la nuit viendra qui cachera de son ombre une fois encore le grand palais vert du mystère. (p332)
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Les mots

...Tout ce que vous voudrez, oui, monsieur, mais ce sont les mots qui chantent, les mots qui montent et qui descendent... Je me prosterne devant eux... Je les aime, je m'y colle, je les traque, je les mords, je les dilapide... J'aime tant les mots... Les mots inattendus... Ceux que gloutonnement on attend, on guette, jusqu'à ce qu'ils tombent soudain... Termes aimés... Ils brillent comme des pierres de couleurs, ils sautent comme des poissons de platine, ils sont écume, fil, métal, rosée... Il est des mots que je poursuis... Ils sont si beaux que je veux les mettre tous dans mon poème... Je les attrape au vol, quand ils bourdonnent, et je les retiens, je les nettoie, je les décortique, je me prépare devant l'assiette, je les sens cristallins, vibrants, éburnéens, végétaux, huileux, comme des fruits, comme des algues, comme des agates, comme des olives... Et alors je les retourne, je les agite, je les bois, je les avale, je les triture, je les mets sur leur tente et un, je les libère... Je les laisse comme des stalactites dans mon poème, comme des bouts de bois poli, comme du charbon, comme des épaves de naufrage, des présents de la vague... Tout est dans le mot... Une idée entière se modifie parce qu'un mot a changé de place ou parce qu'un autre mot s'est assis comme un petit roi dans une phrase qui ne l'attendait pas et lui a obéi... Ils ont l'ombre, la transparence, le poids, les plumes, le poil, ils ont tout ce qui s'est ajouté à eux à force de rouler dans la rivière, de changer de patrie, d'être des racines... Ils sont à la fois très anciens et très nouveaux... Ils vivent dans le cercueil caché et dans la fleur à peine née... Oh ! Qu'elle est belle, ma langue, oh !
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Vidéo de Pablo Neruda
« […] « La poésie est parole dans le temps », Machado (1875-1939) n'a pas cessé de l'affirmer. Encore fallait-il que le temps ne se résumât pas à la pression immobile du passé sur la circonstance, ni la parole au simple ressassement de l'irrémédiable. Certes Machado […] a éprouvé une manière d'attirance étrange devant la négativité et la noirceur du destin de l'Espagne. Il ne s'y est point abandonné. Ou plutôt, avec une véhémence souvent proche du désespoir, une tendresse mêlée de répulsion et de haine, il a tenté, longuement, d'en sonder les abîmes. […] La poésie - Machado, seul de sa génération, s'en persuade - n'a plus pour tâche de répertorier pieusement les ruines ; elle se doit d'inventer le futur, cette dimension héroïque de la durée que les Espagnols ont désappris dans leur coeur, dans leur chair, dans leur langue depuis les siècles révolus de la Reconquête. […] […] Nostalgique de l'Inaltérable, à la poursuite du mouvant… Par son inachèvement même, dans son échec à s'identifier à l'Autre, la poésie d'Antonio Machado atteste, et plus fortement que certaines oeuvres mieux accomplies, la permanence et la précarité d'un chemin. Hantée par le néant, elle se refuse au constat de l'accord impossible. Prisonnière du doute et de la dispersion, elle prononce les mots d'une reconnaissance. Elle déclare la tâche indéfinie de l'homme, la même soif à partager. » (Claude Esteban.)
« […] “À combien estimez-vous ce que vous offrez en échange de notre sympathie et de nos éloges ? » Je répondrai brièvement. En valeur absolue, mon oeuvre doit en avoir bien peu, en admettant qu'elle en ait ; mais je crois - et c'est en cela que consiste sa valeur relative - avoir contribué avec elle, et en même temps que d'autres poètes de ma génération, à l'émondage de branches superflues dans l'arbre de la lyrique espagnole, et avoir travaillé avec un amour sincère pour de futurs et plus robustes printemps. » (Antonio Machado, Pour « Pages choisies », Baeza, 20 avril 1917.)
« Mystérieux, silencieux, sans cesse il allait et venait. Son regard était si profond qu'on le pouvait à peine voir. Quand il parlait, il avait un accent timide et hautain. Et l'on voyait presque toujours brûler le feu de ses pensées. Il était lumineux, profond, car il était de bonne foi. Il aurait pu être berger de mille lions et d'agneaux à la fois. Il eût gouverné les tempêtes ou porté un rayon de miel. Il chantait en des vers profonds, dont il possédait le secret, les merveilles de la vie ou de l'amour ou du plaisir. Monté sur un Pégase étrange il partit un jour en quête d'impossible. Je prie mes dieux pour Antonio, qu'ils le gardent toujours. Amen. » (Rubén Darío, Oraison pour Antonio Machado)
0:00 - Titre 0:06 - Solitudes, VI 3:52 - du chemin, XXII 4:38 - Chanson, XLI 5:39 - Humour, fantaisies, notes, LIX 7:06 - Galeries, LXXVIII 7:54 - Varia, XCV, Couplets mondains 9:38 - Champs de Castille, CXXXVI, Proverbes et chansons, XXIX 10:14 - Champs de Castille, idem, XLIII 10:29 - Prologues. Art poétique. Pour « Champs de Castille » 12:17 - Générique
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