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EAN : 9782757854808
288 pages
Points (03/09/2015)
3.88/5   52 notes
Résumé :
L’été suédois 196... promet d’être beau et chaud. Dans un cadre idyllique ? une bicoque familiale au bord d’un lac, à l’orée d’une forêt ?, Erik, quatorze ans, entame ses vacances avec son ami Edmund et son grand frère Henry. Pour les deux adolescents, qui goûtent pour la première fois à l’ivresse de la liberté, ce sera l’été de toutes les découvertes. Ce sera aussi l’été de tous les fantasmes. Un soir, Henry revient accompagné d’une femme, qui n’est autre que leur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Même s'il faut patienter la moitié du livre avant qu'un crime ne soit commis, Håkan Nesser a, pour la neuvième fois, réussi à me séduire avec cette fois-ci son récit du jeune Erik Wassman dans "Un été avec Kim Novak". Cette séduction provient du charme qu'inspire son jeune héros, qui donne à l'ensemble du livre un air de mélancolie attachante.

En 1962, Erik a 14 ans et sa vie n'est guère folichonne : sa mère réside à l'hôpital où elle est en train de mourir d'un cancer, son père est un geôlier qui cuisine mal en remplaçant son Ellen aux fourneaux, et son frère, Henry, 8 ans plus âgé que lui et son héros, est la plupart du temps absent. À l'école ce n'est pas non plus la joie. du moins, jusqu'à l'arrivée d'une enseignante remplaçante d'une telle beauté qu'Erik et ses potes la comparent à l'égérie d'Alfred Hitchcock, la belle blonde Kim Novak. L'actrice d'origine tchèque, née en 1933 à Chicago, restera immortelle pour sa performance dans "Sueurs froides" ("Vertigo") de sir Alfred de 1958, d'après le roman de Boileau-Narcejac, initialement paru sous le titre "D'entre les morts", et à côté du brillant James Stewart.
Quoi qu'il en soit, l'arrivée de cette Ewa Kaludis bouleverse les us et coutumes à la petite école provinciale, surtout ceux des galopins, les 2 derniers mois avant les vacances d'été. Lorsque Kim-Ewa frôle (par mégarde ?) l'épaule d'Éric avec un sein, celui-ci se croit au paradis !

Finalement les grandes vacances arrivent et pour Erik c'est le départ pour Gennesaret, près d'Åsbro à 200 km ouest de la capitale Stockholm, à bord de la Volkswagen, surnommée "Killer" (tueur) de son frère, et en compagnie d'Edmund. Ce garçon de son âge est le fils d'un maton, collègue de son père, et dont la mère est alcoolique. La situation familiale des 2 gamins les rapproche évidemment, bien qu' Edmund soit un peu étrange et s'exprime d'une façon encore plus étrange : en proverbes d'origine laponne, en phrases du cinéma noir américain et formules de sagesse digne d'un grand-père. Les échanges de vues entre les 2 garnements sont particulièrement réussis et font énormément pour le charme de ce roman.

En fait, à l'arrivée à la cabane primitive près du lac à Gennesaret (un nom biblique), il ne manque bizarrement qu'une autre beauté : la fiancée, Emmy, d'Henry.
Sur place, c'est Henry, qui a décidé d'y écrire un bouquin très sérieux, qui distribue rôle et tâches à chacun pour faire les courses, préparer la cuisine etc. Lui occupe le rez-de-chaussée, les gosses se partagent une chambre au premier. Beaucoup de courses sont effectuées au magasin Laxman, où la fille du propriétaire, Britt, de 16 ans, émerveille les 2 chenapans, malheureusement ils ne l'impressionnent point.

Au cours d'une sortie à un festival, Erik et Edmund rencontrent Kim-Ewa Novak-Kaludis en compagnie de son fiancé, le terrible champion de handball, Berra Allertsson, surnommé Canon-Berra pour sa vitesse et force dans le stade sportif. Un peu plus tard, ils observent Canon-Berra administrer une raclée mémorable à un gros rustre qui a osé le narguer pour la Novak locale.

Peu de temps après, les gosses, au lieu d'entendre Henry tapoter sur sa machine à écrire, assistent cachés aux ébats amoureux d'Henry avec....Kim-Ewa ! Edmund résume la situation inquiétante à sa façon habituelle et laconique, en remarquant à Erik que l'été sera dur !
Et il a raison, car quelques jours après le corps de Canon-Berra est trouvé sur un parking près de leur cabane. Ce meurtre violent signifie pour moi, bien entendu, la fin de mon synopsis.

Ce thriller, qui est plus qu'une simple histoire à suspense, appartient probablement aux meilleurs romans de cet écrivain suédois prolifique.
À mon avis, par son évocation superbe du monde et expériences du petit Erik, "Un été avec Kim Novak", si situe au même niveau que "Homme sans chien" et "Le vingt et unième cas" d'Håkan Nesser, sinon même au-dessus.

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Sweet Little Sixteen, comme chantait le très regretté Chuck Berry ! Epoque bénie où, l'été venu, les « Suédoises libérées » attiraient, y compris dans la France du Grand Charles, des regards aussi étonnés que ravis suivis parfois de remarques acerbes voire furibondes. Où les cinémas mettaient à l'affiche Sueurs Froides (en anglais Vertigo) d'Alfred Hitchcock avec la sublime Kim Novak. A ce sujet, saviez-vous que Marylin Novak, son vrai nom, n'entendait pas en changer, même pour faire plaisir à Harry Cohn le patron de la Columbia. Elle bouda, il la mit en demeure et elle accepta seulement de troquer Marylin pour Kim qu'elle choisit elle-même. Il faut dire qu'il lui expliqua qu'il y avait déjà une Marylin qui faisait, elle aussi, une petite carrière. Je m'égare un peu ? Vous avez raison, mais c'est pour faire comprendre aux gamins d'aujourd'hui qui me liraient qui était Kim Novak et comment Erik, quatorze ans et toutes ses facultés, n'en croit pas ses yeux lorsque… Je lui laisse la parole, bien qu'il n'en abuse pas :
« J'étais sûr que c'était moi qui l'avait vue en premier mais Benny et Enok étaient tout aussi sûrs que c'était eux et, dans le fond, ça n'avait pas d'importance. Seule sa présence comptait.
_ Bordel de merde ! s'est exclamé Benny, la bouche grande ouverte comme s'il était chez le dentiste et qu'il attendait la fraise.
_ Oh, putain ! a dit Enok au Gros Cul. C'est Kim Novak ou quoi !?
Moi je n'ai rien dit. D'une part parce que je ne parlais jamais pour ne rien dire, d'autre part parce que j'étais abasourdi. On se serait cru au cinéma. Mais en mieux. La nana sur la mobylette qui fonçait droit dans la cour de l'école avait vraiment la tête de Kim Novak.
_ Quelle beauté, nom de Dieu ! s'est écrié Balthazar Lindblom.
_ C'est une Puch, a constaté Enok au Gros Cul. Oh, putain ! Kim Novak débarque dans notre école en Puch. Je rêve !
Sur quoi Enok au Gros Cul s'est évanoui. Il était épileptique et il lui arrivait de tourner de l'oeil. J'aurais d'ailleurs trouvé étonnant qu'il résiste à cette scène.
Kim Novak a arrêté sa Puch. Elle est restée un instant assise sur la selle, un sourire aux lèvres et les pieds dans le gravier, à regarder les cent huit personnes pétrifiées dans la cour. Puis...d'un pas rapide, elle s'est frayé un chemin à travers l'attroupement de personnages en cire.
Je l'ai regardée disparaître derrière les portes puis j'ai tourné la tête et j'ai découvert Edmund tout près de moi. Epaule contre épaule. Enfin, si on peut dire, étant donné la différence de taille.
_ Alors là, a-t-il dit d'une voix épaisse, voilà ce que j'appelle une femme mûre !
J'ai acquiescé en pensant aux pin-up des revues de son père. C'était forcément un connaisseur. »
Le ton est donné, pour un roman policier décalé qui sort vraiment de l'ordinaire, prenez le vraiment pour un compliment. On est en Suède et on se moque de savoir si l'inspecteur s'entend ou pas avec sa femme, est dépressif ou pas, aime l'opéra ou pas. Tout est centré sur les deux gamins et c'est parfait. le narrateur a donc quatorze ans, son père est gardien de prison et passe l'essentiel de ses loisirs à l'hôpital au chevet de sa femme qui va bientôt mourir d'un cancer. On comprend que ce narrateur soit un taciturne qui a appris à se taire. de plus, son grand frère Henry dit Rick parce qu'il est aussi beau gosse que Ricky Nelson (n'oubliez surtout pas, en commençant la lecture, de vous préparer une bande son fabuleuse tirée des morceaux qui ponctuent l'été des adolescents avec Ricky donc, les Drifters, Eddie Cochran et des « standards » comme Cotton Fields, Twilight Time, Long Hot Summer, The House of the Rising Sun (les portes du pénitencier)), s'avère vite être le principal suspect. Il a un mobile et pas d'alibi. Chut !
Le ton est surprenant, les dialogues sont savoureux, les gamins livrés à eux-mêmes dans une cabane au fond des bois vont profiter au jour le jour de leur liberté : « la vie doit être pour nous comme un jour d'été pour un papillon », avec toutes les audaces : « Eva, j'ai dit. Tant pis si je n'ai que quatorze ans. Tu es la plus belle femme de la terre et je t'aime. »
Des vacances somme toute réussies : « Edmund s'est assis. Ils vont venir nous chercher, tu ne penses pas ? Si. A mon avis, ils ne vont pas tarder. Un dernier tour en bateau, a-t-il dit. C'est trop triste. Il a été vachement bien cet été. Un été du tonnerre ! »
Un auteur inconnu, un roman acheté sur une impulsion sans rien en attendre de particulier (Kim Novak, bien sûr !) et une très, très bonne surprise. Un roman du tonnerre !
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Un été avec Kim Novak est un livre que je voulais lire depuis plusieurs années et je suis contente de mettre lancée en ce long week-end prolongé. C'était aussi ma première rencontre avec Håkan Nesser que je suis contente d'avoir découvert.

Erik, notre narrateur, nous raconte un été qui a changé le cours de sa vie, l'été de ses quatorze ans. Sa mère mourante d'un cancer, il est envoyé avec son frère et un copain dans leur résidence secondaire pour se changer les idées. le frère ainé à huit ans de plus, s'essaie à l'écriture d'un roman et multiplie les conquetes dont Eva Kaludis, dont tout le monde est amoureux. Seulement, la jeune femme est fiancée à Berra. Quand on retrouve le corps de Berra, la police se tourne vite sur nos trois jeunes hommes et sur Eva.

Qui a bien pu tuer Berra ? C'est seulement dans les dernières pages qu'on l'apprend et je ne m'attendais absolument pas à ce dénouement. Cette fin m'a complètement scotchée. J'avais trouvé la première partie, ou l'intrigue s'installe, un peu longue mais la seconde et la troisième partie m'ont captivé et j'ai dû finir le roman d'une traite car je ne pouvais pas lâcher le livre sans connaitre le dénouement. Erik m'a bien plu, adolescent maladroit, je m'y suis attachée. Edmund par contre avait un je ne sais quoi, qui m'a moins plu. Henry et Eva sont des personnages secondaires et j'aurais bien aimé en découvrir un peu plus sur leur compte mais après tout on découvre cet été sous les yeux d'Erik et donc il est normal qu'on n'en apprenne pas davantage. Aux lecteurs de se faire sa propre opinion. J'ai passé un très bon moment et je lirais très vite un autre de romans de l'auteur en espérant qu'ils soient tous à la hauteur de celui-ci.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Quelle heureuse découverte que ce roman ! Je suis tombée dessus par hasard à la bibliothèque. Attirée par le titre, le beau chignon doré de la couverture et une quatrième qui évoquait l'histoire de deux adolescents et un «roman d'apprentissage», il n'en fallait pas plus pour que le glisse dans ma besace !

En deux soirées, son compte était réglé - à mon grand dam, car j'aurais bien passé un peu plus de temps en compagnie d'Erik et Edmund..

Hakan Nesser, que je ne connaissais pas, nous emmène le temps d'un été dans le monde si particulier de l'adolescence, ce moment charnière où l'on quitte l'enfance pour entrer dans celui des adultes : l'éveil à la sexualité, bien sûr, la délicieuse expérience de l'autonomie, la découverte aussi des relations parfois violentes entre les individus, le caractère manipulateur des uns, la vulnérabilité des autres et la sincérité qui existe également.
Au sein d'un environnement fort dépaysant, où l'on peut être renversé par un élan, où l'on déguste des harengs et où l'on se baigne au bord d'un lac, à l'orée d'une forêt, Erik et Edmund, copains de classe, vont partager d'heureux jours en compagnie d'Henry, le frère aîné d'Erik. Si les parents sont absents, c'est qu'ils sont accaparés par leurs difficultés: une mère alcoolique en cure de désintoxication pour Edmund, tandis que celle d'Erik et Henry est hospitalisée, étant atteinte d'un cancer : tout n'est pas rose pour ces jeunes garçons, loin s'en faut. En dépit des revers de l'existence dont ils ont déjà une lourde expérience et dont on découvre peu à peu la profondeur, ils conservent cependant une certaine candeur et une soif de profiter de ce que la vie peut aussi apporter d'exaltant.
Nesser excelle à traduire la coexistence entre des attitudes encore très puériles et des velléités de se conduire en adulte. Il parvient à restituer les interrogations qui sont le propre de ce moment de mue et qui provoque à plus d'une reprise un touchant sourire chez le lecteur, voire un franc éclat de rire.

Comme dans tout roman d'apprentissage qui se respecte, un événement va venir précipiter ce phénomène de mutation et projeter les jeunes gens plus rapidement que prévu dans l'âge adulte, mettant un terme à cet été de rêve, qui restera à jamais gravé en eux.

Même si j'ai pu regretter une fin peut-être un peu expéditive, j'ai vraiment apprécié la saveur subtile de ce livre et l'atmosphère que l'auteur a su créer avec brio. Un excellent moment au coeur de la touffeur de l'été que nous traversons.

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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"L'été sera rude" avait promis le père d'Erik qui, à quatorze ans voit sa mère mourir doucement d'un cancer. Alors son père, friand comme son fils de formules toutes faites pour faire face aux difficultés, propose à son fils de séjourner durant les vacances dans leur maison d'été, au bord d'un lac. Il y aura le grand frère d'Erik, Henry; à 22 ans il a déjà parcouru le monde et travaille comme journaliste mais veut profiter de cet été pour écrire un livre, sa devise "la vie doit être pour nous comme un jour d'été pour un papillon". Il y aura aussi Edmund un camarade de classe qu'Erik connaît peu - leurs pères travaillent ensemble comme gardiens de prison - mais dont il vient très vite proche : les deux adolescents vivent une situation difficile, la mère d'Edmund est une alcoolique hospitalisée pour une cure, son père biologique les battait avant de disparaître… Il y a peu de paroles, peu de confidences, il y a surtout la liberté, les plongeons dans le lac, les longues soirées d'été suédois, les promenades à vélo, les bonbons volés au distributeur, les virées lors de la St-Jean… et puis Henry revient un soir accompagnée d'Eva, la plus belle de toutes les femmes, celle que les élèves appelaient Kim Novak quand ils l'ont vue arriver sur sa mobylette quelques semaines avant la fin de l'année scolaire pour faire un remplacement. Eric et Edmund sont tous les deux secrètement amoureux de leur ancienne prof mais ils savent qu'elle est la petite amie de Berra, un sportif prétentieux et violent comme le prouvent les traces de coup qu'Erik voit un jour sur le corps de la femme de leurs fantasmes. Ils sentent arriver la Catastrophe, ils savent que l'été de rêve sera bientôt celui va les marquer à jamais… effectivement le corps de Berra est retrouvé près de leur maison hors du temps.
30 ans après "cet été du tonnerre" Erik raconte comment il a vécu les évènements de 196..., il raconte que le meurtrier n'a jamais été retrouvé malgré les interrogatoires et les soupçons de la police (peut-être pas sur les bonnes personnes).
La description de l'adolescente, des sentiments qui ne se disent pas, des bonheurs tout simples est particulièrement réussie. S'agit-il d'un roman policier ? Finalement, le meurtre et l'enquête policière ne sont pas au premier plan, l'accent est mis sur la narration des semaines qui ont précédé la "Catastrophe" avec, et ceci est assez rare, un style et des mots qui pourraient vraiment être ceux d'Erik revenu à ses quatorze ans.

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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Elle était trop belle, tout simplement. On aurait dit une déesse, ou une Kim Novak. Tous ceux qui l'ont vue ce soir-là se sont rendu compte qu'il ne faut pas voler trop près du soleil. L'obscurité avait commencé à prendre possession des coins que la lumière des lampadaires n'atteignait pas et Eva Kaludis se trouvait justement dans un de ces endroits sombres. Mais, malgré cela, elle était nimbée de lumière comme un ange ou comme si on l'avait peinte avec une de ces peintures fluorescentes qu'utilisait Jonsson dans la vitrine de son magasin de jouets à Noël pour mettre les bonhommes de neige en valeur. On s'est arrêtés net, Edmund et moi.
_ Oups, a fait Edmund.
Moi, je n'ai rien dit. J'ai fermé les yeux, puis j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis approché d'elle. Ca ne m'a demandé que quelques secondes, mais elles m'ont semblé longues comme l'éternité et en arrivant devant elle je me suis senti beaucoup plus vieux.
_ Bonjour, Eva, j'ai dit.
J'étais plus courageux que le colonel Darkin et Youri Gagarine réunis.
Son visage s'est illuminé.
_ Tiens, salut. Vous êtes là ? a-t-elle répondu sur un ton joyeux. Ca fait plaisir de vous voir.
Sa réaction chaleureuse m'a rendu muet, mais Edmund à deux pas derrière moi, a volé à mon secours.
_ Bien sûr que nous sommes là, a-t-il dit. Vous êtes seule et abandonnée, mademoiselle ?
J'ai ressenti une pointe de jalousie de ne pas avoir su trouver une réplique aussi géniale, à la fois protectrice et effrontée.
Elle a laissé entendre un petit rire puis elle a tiré sur sa cigarette.
_ J'attends mon fiancé.
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_ Comment va ta maman ? m'a-t-elle demandé.
_ L'été sera rude, j'ai répondu.
Elle a hoché la tête puis elle s'est mouchée dans un mouchoir qu'elle a sorti de la poche de son tablier.
_ C'est mon père qui dit ça, j'ai ajouté.
_ Eh oui ! Qui vivra verra, a-t-elle fait.
C'est à cette époque que j'ai commencé à comprendre que c'était la manière dont les adultes s'exprimaient. Mon père n'était pas le seul. Il fallait utiliser ce genre de formules pour montrer qu'on avait acquis une certaine maturité. Depuis que la maladie de ma mère s'était aggravée et qu'elle était hospitalisée, je m'efforçais de retenir les dictons les plus utilisés pour les avoir à ma disposition en cas de besoin.
"C'est comme ça."
"Un ennui n'arrive jamais seul."
"Ca aurait pu être pire."
"On sait si peu de choses."
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L’histoire que je vais vous raconter est celle de la Catastrophe. Mais pas seulement. Si l’été 196… est ancré dans ma mémoire plus solidement qu’aucun autre de mon adolescence, c’est à cause de la Catastrophe, qui a jeté son ombre sinistre sur un grand nombre de personnes et de choses : sur Edmund et moi, sur mes pauvres parents et mon frère, sur la période qui a suivi, sur la ville dans la plaine avec ses habitants, ses événements et sa vie qui ne seraient sans doute jamais remontés du puits de l’oubli s’il n’y avait pas eu ce drame.
Par où commencer ? Comment trouver le fil à suivre pour dévider l’écheveau de mes souvenirs ? Quel est le point de départ idéal pour raconter cet été maintenant si lointain ? Toutes ces questions m’ont beaucoup préoccupé et les variantes possibles sont nombreuses. Finalement lassé de chercher le point de départ idéal, j’ai décidé de commencer par une scène ordinaire dans notre cuisine d’Idrottsgatan. C’était une douce soirée de mai en 196… et il n’y avait que mon père et moi.
Chose dite, chose faite.
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En revanche, une question a soudain creusé un abîme d'angoisse en moi. Comment allais-je réussir à vivre sans Eva Kaludis ? Ses seins étaient, d'une certaine manière, restés collés contre mon épaule.
Eva est venue dans notre salle de classe le dernier jour d'école.
"Je tiens à vous remercier pour les semaines que nous avons passées ensemble, j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous. Bonnes vacances à vous tous !"
Jamais auparavant, jamais au cours de mes quatorze ans de vie, je n'avais entendu de discours plus spirituel. D'un mouvement de hanches, Eva Kaludis est sortie de la salle et une main glaciale a serré mon coeur.
Merde ! je me suis dit. C'est comme ça qu'elle me quitte ?
J'étais pétrifié. Là, devant ma table, j'ai soudain compris ce que ça signifiait de perdre quelqu'un d'irremplaçable. D'indispensable. J'ai compris ce que l'on devait ressentir cinq minutes avant de se jeter sous un train. Mais aucun train n'a traversé la salle de classe. Heureusement.
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Il était prévu que mon frère Henry fasse des études pour s'élever d'un cran ou deux dans l'échelle sociale. Or les choses ne se sont pas déroulées exactement selon les plans. Il avait pourtant été admis au lycée de la capitale régionale, une institution prestigieuse... Au bout d'un peu plus d'un an, Henry a cependant pris la poudre d'escampette, et environ un an encore plus tard, il est venu frapper à notre porte d'Idrottsgatan, un sac de marin et un régime de bananes sur le dos ainsi qu'une rose tatouée sur le bras. Il avait fait le tour du monde, nous a-t-il expliqué, et avait passé du temps surtout à Hambourg et à Rotterdam. Nous avons tous compris qu'il ne tenait plus trop à s'élever dans l'échelle sociale. Ni d'un cran ni de deux.
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