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EAN : 9782266238427
160 pages
Pocket (11/09/2014)
3.75/5   169 notes
Résumé :
Lisa, jeune professeur d'italien, se rend chaque jour au collège comme on va à la guerre, avec, en guise d'armée ennemie, les élèves. Au fond de la classe, les garçons se disputent le rôle de commandant en chef en rivalisant d'insultes et de menaces. Du côté des filles, ce n'est guère plus apaisé : comment faire comprendre à une gamine de douze ans qu'elle ne doit pas se prostituer, même pour se payer des vêtements de marque ? Seule solution pour survivre sur ce cha... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (69) Voir plus Ajouter une critique
3,75

sur 169 notes
J'ai rencontré Marie Neuser lors de la dernière édition de " Vins Noirs " à Limoges , un remarquable salon rassemblant judicieusement des auteurs de polars et romans noirs et des viticulteurs . Je tiens à dire que ce salon a désormais acquis ses lettres de noblesse et jouit d'une grande estime populaire . Donc , chaque année, des auteurs reconnus sont présents et très accessibles , dans une ambiance bon - enfant .
J'ai donc échangé quelque peu avec madame Neuser , professeur de lycée après un passage en collège. Prof de collège, je l'ai été toute ma vie dans quatre établissements du Limousin , vous comprendrez donc mon intérêt pour la lecture de ce roman .Oui mais voilà, si j'étais un prof heureux en Limousin , je ne suis pas certain du tout que j'aurais pu supporter l'ambiance d'un collège d'un quartier pauvre dans une ville déshéritée , y exercer avec enthousiasme un métier qui , n'en déplaise à certains , n'a pas pour intérêt les " chères vacances " mais avant tout l'envie de transmettre , l'envie d'aider des ados à grandir , l'envie de partager.( bien que , les vacances , dans un tel contexte , elles ne sont pas volées , non?)
Je n'ai pas connu , donc , l'univers décrit par Marie , mais je ne doute absolument pas de sa sincérité , si j'en prends pour preuve l'actualité qui nous dit aujourd'hui que des parents d'élèves font " une chaine humaine " pour protéger leurs enfants de la présence de dealers devant l'école ....incroyable , mais vrai .
Du reste combien de " leaders " dans cette classe de 3 eme2 ? L'auteure le dit ,leur absence lui permet de travailler....
Je trouve que la tension dans la classe est palpable tout au long de ce roman vraiment noir car bien proche d' une réalité qui risque de se propager si on continue à nier l'évidence , à fermer les yeux , à dire que , vraiment ,on exagère.
J'ai adoré la description de la solitude des profs , des profs qui " n'ont pas de problèmes " car ceux qui en ont sont FORCEMENT responsables , l'absence d'aide de la part de l'Administration , de la part des amis , ceux qui disent ," moi, tu verrais comme ils fileraient les gamins ! "( Chiche ! Et tant mieux si ça marche , mon ami....) Quant à l'inspecteur.....Et surtout , surtout , pas plus d'un conseil de discipline , hein , sinon ça la fout mal...Ah , les vagues , pas bon ça , les vagues , surtout , pas de vagues....
Je dis BRAVO à madame Neuser et je suis heureux que l'héroïne ait eu auprès d'elle un mari aimant et à l'écoute, seul hàvre de paix dans un monde effrayant , et une volonté de fer pour continuer à exercer une profession pour laquelle elle avait ( et a sans doute encore , ailleurs maintenant ) tant de motivation et sans aucun doute , de compétences. Dommage pour elle et ...pour ces enfants
Une anecdote si vous permettez: dans le collège où j'enseignais , nous avions des stagiaires , motivés , souvent brillants.....Une première nomination en zone difficile avait souvent raison de leur amour du métier , provoquant parfois un départ vers une profession plus épanouissante et ...remunératrice...
Dommage , encore.
A ce " copain" qui me disait un jour : " t'es toujours en vacances ..." j'ai répondu
" pour bénéficier des mêmes avantages , il te suffit de passer le concours"...
Lorsqu'il m'a rétorqué : " je n'aime pas les gamins ,ils me fatiguent " , j'ai changé de sujet . Comme disait une défunte amie enseignante , " on ne discute pas avec une brouette , on la pousse "
J'ai adoré ce bouquin , je l'ai " dévoré "et j'espère avoir le plaisir de rencontrer à nouveau Marie Neuser pour le lui dire , car , en plus , c'est très bien , mais très bien écrit, très bien écrit pour " Un Cri " .Ecoutera qui voudra .Merci .
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Alors que retentit la sonnerie stridente, mes élèves de troisième B se lèvent d'un seul geste, se dirigeant vers la sortie dans un innommable brouhaha.
Je n'insiste pas sur les règles d'accord que je tentais ( vainement ) de leur inculquer et j'ai juste le temps de leur crier :
- N'oubliez pas de lire le roman de Marie Neuser pour la rentrée !
J'entends quelques grognements, un vague "va te faire foutre, enculé" et ils sont partis.
Ce sont les vacances de Pâques qui commencent, et il était temps pour moi aussi.

Je n'en peux plus de cette classe. Ni des autres d'ailleurs. Mis à part quelques bons élèves qui se comptent sur les doigts d'une main, les collégiens sont médiocres et ne feront probablement pas grand chose de leur vie. Et puis il y a la bande des quatre tarés qui ont un avenir de délinquant tout tracé. Et que je ne parviens pas à maîtriser. Je soupçonne leurs parents d'avoir eux aussi baissé les bras depuis longtemps. Et ça serait à moi d'assurer, en plus de mes cours de français, les notions de politesse et de respect ?

En refermant la porte de la classe, je remarque en tournant la poignée que ma main est mouillée. le crachat d'un élève laisse ma main enduite d'un filament baveux. Probablement une basse vengeance de Mourad que j'ai collé la semaine dernière. Quand je lui ai remis sa copie avec un zéro pointé, il a mimé une masturbation pour bien me montrer à quel point "il s'en branlait" et cette fois je n'ai pas laissé passer.
Je me nettoie les mains dans les toilettes couvertes de graffitis. J'admire l'imagination débordante des collégiens : Rien mis à part des organes génitaux sommairement dessinés ou des insultes... "Sale Putte" côtoie "Nicke ta mère" dans une orgie de couleurs vives.
En arrivant à ma voiture, je constate avec soulagement qu'aucun de mes pneus n'est crevé. Seul un gigantesque pénis en érection est tagué sur mon pare-brise : Je m'en tire à bon compte.
Et pourtant, je me surprends encore à avoir des envies de meurtre.

J'ai décidé de faire lire à mes collégiens Je tue les enfants français dans les jardins pour plusieurs raisons. D'une part j'ai pu constater leur manque d'intérêt pour Molière, Jacques Prévert ou encore Maurice Genevoix. Alors un petit roman noir de cent-cinquante pages avec un titre comme celui-là, voilà qui devrait les intriguer ! En plus il est très bien écrit et les adolescents pourront aussi trouver quelques exemples du langage vulgaire qui leur est si familier quand ils rigolent en cour de récréation. Ils ne seront pas dépaysés.
Et surtout, j'espère qu'ils réaliseront à quel point leur attitude, leur insolence, est inappropriée. Qu'ils prendront conscience de l'importance du travail de l'enseignant pour leur propre avenir.
Et que ça ne leur donnera pas, à l'inverse, de nouvelles idées de bêtises à commettre dans l'enceinte de l'établissement.
Sinon je ferai comme ma collègue Madame Marquis, qui à défaut de pouvoir inculquer des notions de calculs durant ses cours de mathématiques, leur distribue des dessins à colorier. Il paraît qu'ils sont très calmes, appliqués à ne pas dépasser, et qu'elle a la paix pendant une heure.
Mais personnellement, ça n'est pas pour ça que j'ai obtenu le Capes de lettres modernes, que j'ai passé autant d'heures plongé dans mes cours et mes livres pour obtenir ce diplôme. Etre professeur de français était une vocation pour moi, et même si je suis parfois tenté d'abandonner je suis encore tenté de croire que la majorité de mes élèves saura un jour coordonner l'auxiliaire être avec son participe passé.

Après une semaine de vacances, le stress commence à monter. Retrouver les cancres de la troisième B m'angoisse. Combien auront lu le court roman noir de Marie Neuser ? Un tiers ?
Et pendant que j'échangerai avec les rares lecteurs, qu'est-ce que Mourad va encore inventer pour distraire ses camarades ?
Je sors en ville pour me détendre, et dans une librairie je croise un vieux copain perdu de vue qui vient vers moi.
- Eh salut Anty, qu'est-ce que tu deviens ?
- Bonjour Bertrand. Je suis toujours prof de français au collège Tartempion, j'attends les résultats de ma demande de mutation. Et là je profite des vacances pour m'aérer un peu.
- Ah oui c'est vrai t'es prof ! T'as trop de la chance ! Des petites journées et quasiment quatre mois de congés aux frais de la princesse, t'as bien de la chance ! Moi je travaille 24 heures sur 24 dans mon affaire d'import-export, je t'envie tu sais !
- Oui enfin, les élèves sont vraiment pas faciles. Je ne crois pas que tu réalises.
- Tu manque juste d'autorité. Moi ces jeunes je te les mènerais à la baguette !
- Tu veux qu'on échange juste une journée pour voir ?
- Oh, désolé, il se fait tard et j'ai encore plein de trucs à faire. Content de t'avoir revu !

Arrive le jour J. Celui de la reprise. Je me rends à l'école pour neuf heures, à reculons. Je surprends Nourredine qui se livre à son habituel trafic de cigarettes de contrebande mais j'évite son regard. Je m'installe à mon bureau, mortifié. Qu'est-ce qui va me tomber dessus aujourd'hui ? Je commence avec mes fameux troisièmes B. le troupeau décérébré prend place dans un vacarme infernal, avant que je ne hausse le ton pour pouvoir commencer mon cours.
- Alors, vous avez passé de bonnes vacances ? Qui a lu Je tue les enfants français dans les jardins ?
Ils se regardent, comme si c'était une honte d'avoir lu le roman de Marie Neuser - ou n'importe quoi d'autre à part le dernier Jeux vidéo magazine.
Quand Mourad lève la main, c'est comme un signal pour le reste de la classe. Je vois des dizaines de mains se lever, à l'unique exception de celle de Brandon.
Brandon a vingt-trois ans, a redoublé un nombre incalculable de fois, et je le soupçonne de ne pas pouvoir lire plus compliqué que T'choupi fait du poney, alors je ne l'embête pas et m'émerveille au contraire de constater que j'ai réussi à faire lire à mes collégiens un livre entier. Enfin, un peu d'espoir.
- Alors vous en avez pensé quoi ?
- Trop de la balle ! J'ai vraiment kiffé avoue Djibril, un de mes éléments perturbateurs.
Et je vois les autres troisièmes B acquiescer : Il a parfaitement résumé leur propre opinion.
- Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur l'héroïne, Lisa Genovesi, la prof d'Italien qui raconte son année scolaire ?
- Elle a l'air super bonne. Dommage qu'on n'ait pas des bombes sexuelles comme ça à Tartempion ! propose Mourad avec son habituel sourire vicelard.
- Z'y va bouffon, elle est surtout raciste. Elle tèj Malik, Adrami, Noumein, elle aime pas les Maghrébins c'est une salope.
Ca, c'est l'analyse de Nourredine. Après cet échange de points de vue, tous les deux se lèvent et s'affrontent d'abord du regard pour affirmer leur point de vue, puis ils en viennent aux poings.
- Arrêtez ça tout de suite ! Dehors ! Allez faire un tour dans le couloir, vous reviendrez quand vous serez calmé. Et si j'entends un seul bruit, ça sera direction le bureau du principal !
C'était trop beau pour durer. Mais une fois les deux agitateurs hors circuit, je reprends mon souffle et rebondis sur les mots de Nourredine.
- Il n'y a aucun racisme dans les propos de Lisa ou de l'auteur. D'une part, vous avez bien du remarquer que la plus brillante étudiante du roman se prénommait Samira, une française d'origine marocaine. En outre, il ne s'agit aucunement de stigmatiser la population pauvre des banlieues puisque chaque élève vit près de la mer, probablement à Marseille où la population est particulièrement hétérogène. Et vous noterez aussi qu'aucun élève n'est pauvre, qu'on ne les décrit jamais comme issus d'un milieu défavorisé. C'est juste un fait : Certains établissements scolaires difficiles présentent davantage de mixité, ce qui n'empêche pas d'autres collèges n'ayant pas cette spécificité de l'être tout autant, croyez-moi.
Les troisièmes me regardent avec de gros yeux ronds. Je ne sais pas s'ils ont compris un seul mot de mon long discours.
Kaitlynn lève la main et me demande :
- Et est-ce que c'est vrai que c'est déconseillé de coucher pour de l'argent ? Comment je fais moi alors pour m'acheter des nouvelles fringues ?
D'autres bras se tendent pour m'interroger.
- Monsieur, c'est pas naze quand même de préférer les Nike aux Adidas ?
- Monsieur, c'est quand qu'y a un meurtre ? C'était chiant, à la page trente y avait toujours pas de cadavre. Alors j'ai arrêté.
- Il ne s'agit pas d'un roman policier mais d'un roman noir, il faut laisser la tension monter, s'imprégner de l'ambiance anxiogène, s'intéresser à la psychologie des personnages et se laisser emporter. Bon, personne d'autre n'a de remarques à faire ?
Nambona, mon meilleur élément, prend alors la parole.
- Personnellement j'ai lu ce livre comme une forme de critique sociale, ça m'a fait réfléchir sur le comportement des enseignants et sur celui des élèves.
- Excellent ! C'est exactement ça ! En plus de l'histoire de cette jeune et fragile professeur d'Italien qui doit apprendre à ne pas se laisser déborder et qui laisse peu à peu la peur et la colère l'envahir, on a effectivement un second niveau de lecture. Marie Neuser dénonce tout simplement avec une ironie mordante toute l'hypocrisie qui règne dans l'éducation nationale. L'hypocrisie entre professeurs et personnel administratif, l'hypocrisie du système qui fait passer des collégiens en classe supérieure alors qu'ils n'ont pas le niveau, en minimisant les problèmes et les difficultés des élèves. Le roman évoque aussi toute la désillusion de Lisa qui, au lieu d'enseigner, tient une véritable garderie. Et pourtant, malgré ce contexte, l'auteure parvient à redonner toutes ses lettres de noblesse au difficile métier de professeur, dont les tâches ne se limitent pas à l'enseignement d'une matière et qui, pour certains, vivent un cauchemar quotidien.
J'ai le sourire en voyant les yeux de Nambonna pétiller. J'espère que cette lecture aura porté ses fruits, semé quelques graines dans le cerveau souvent obtus de mes élèves, qu'ils comprendront davantage désormais l'importance du respect et de l'apprentissage.

Le cours est fini, je les laisse rejoindre Madame Marquis pour les deux heures de mathématiques à venir, où ils pourront colorier de tout leur coeur.
Le reste de ma matinée se passe sans anicroches, j'ai enfin retrouvé une forme de motivation.
A midi, je me rend au parking pour rentrer déjeuner. Mon pare-brise est propre comme un sou neuf.
Mourad et Nourredine semblent avoir fait la paix. Ils m'attendent munis d'une batte de base-ball.
Tout compte fait je vais plutôt rentrer à pieds. En courant le plus vite possible.
Ils sont sur mes talons.
Il faudra sérieusement que je pense à me procurer une arme, si du moins je m'en sors en vie.

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- Roman choc.

Le titre vous évoque un polar ? Vous n'y êtes pas. Mais on peut parler de roman "noir", oui. Il s'agit du quotidien cauchemardesque d'une jeune professeur d'italien, animée de bonnes résolutions pour devenir une enseignante passionnante et adulée, comme le fut son père, mais finalement malmenée par ses collégiens "au coeur d'un quartier pauvre dans une grande ville pauvre". (p.62)

Lisa Genovesi enseigne depuis le début de l'année scolaire dans ce collège "difficile" (euphémisme). Dès les premières semaines, elle part en cours la peur au ventre, ressasse que personne ne mérite un sort pareil, se demande sans fin comment s'en sortir, en vient à détester à mort tous ces sales gosses (sauf une élève assidue) auxquels elle ne comprend rien.

Un roman-témoignage suintant l'amertume, la colère, le désespoir, la haine - et on ne peut que compatir, bouillir de rage et souffrir avec cette jeune femme de la violence professionnelle qu'elle subit quotidiennement en pleine face et jusque dans son intimité.

La plume est enlevée, impeccable, j'ai dévore ce livre d'une traite avec la chair de poule (malgré les 25° ambiants).

On peut penser à 'Entre les murs' de François Bégaudeau (que de nombreux profs n'ont pas aimé, je le sais), 'Personne' de Jeanne Benameur, et surtout à 'La journée de la jupe', film de Jean-Paul Lilienfeld porté par Isabelle Adjani.
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Un tableau effarant de ce qu'est devenu le métier d'enseignant dans les cas les plus extrêmes.Pour ne rien gâcher, ce livre n'est pas mal écrit du tout. J'aurais mis la note maximale mais l'épilogue me dérange...était-ce une volonté de l'auteure d'enfoncer le clou pour bien nous montrer la profondeur du désespoir de son héroïne ? En tout cas, l'effet qu'il a eu sur moi fut de déconnecter ce livre de la réalité alors qu'il sonnait tellement juste avant.
Une lecture que je recommande malgré tout chaudement !

http://www.youtube.com/watch?v=SG2AFd-DuH8
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Ce livre vous mettra une claque et pourtant vous aurez normalement envie d'applaudir. Le texte ose dire des vérités politiquement et socialement incorrectes. Comme le fait qu'il peut exister des jeunes filles de telle origine qui sont des esclaves sitôt rentrées chez elles, des garçons de la même origine qui pour certains ne savent que cracher et insulter, comme des bêtes et encore. L'administration dans tout ça ? Elle ne fait rien, car tel collège ne doit pas devenir "le mouton noir de l'académie. Mieux vaut occulter les problèmes et prétendre que tout va bien."
Zola avait dépeint les gras et les maigres dans le ventre de Paris. Marie Neuser, dans un style qui est sans doute à ranger au sein des naturalistes, oppose ici la saleté à la propreté. A chacun de choisir le camp qui lui paraît le plus respectable. Mais la lecture des chapitres 46 et 47 (ce dernier ne fait qu'une phrase, qui suffit) doit normalement vous faire pencher dans le camp de la narratrice.
Un livre qu'on a envie de défendre bec et ongles, même si cela doit être source de discorde avec certains, qui préfèrent se cacher derrière leur petit doigt.
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
On me parle du chômage, de la précarité, de l'immigration, de la cité.

La cité, et puis quoi encore. Nous sommes ici en plein centre-ville, à quelques centaines de mètres du Vieux-Port et de ses touristes, et les adresses de mes élèves correspondent toutes à des maisons villageoises, rénovées il y a peu par un plan de réhabilitation des quartiers historiques.
...
La précarité ? un type comme Malik glisse ses pieds chaque matin dans des baskets qui coûtent un SMIC et Adrami a dans son sac un téléphone de ministre. Quant à l'immigration, il suffit que j'entende le mot pour sortir de mes gonds. Je suis petite-fille d'immigrés. J'ai souvenir encore des copines du lycée appartenant au quart-monde rural, avec des parents nés en Italie, en Espagne, au Maroc ou en Pologne et parfois carrément analphabètes. Ça ne les dispensait pas de se comporter en personne civilisées...
J'ai donc cessé de croire à tout ça, tout ce baratin sociologique à tendance marxiste qui tend à transformer les bourreaux en victimes.
...
Je méprise au plus haut point l'angélisme de bon ton qui voudrait nous faire croire que derrière toute cette merde, sous les pelures de la connerie et de l'orgueil, dort un bon fond de bonne petite créature abusée par la Société.
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Je sais ce qui m'attend. J'ai appris à contenir les larmes au fond d'une poitrine qui se soulève sous les coups de boutoir de l'angoisse.
Au bout de l'avenue tristement ouvrière, hostile comme un rond-point, le brouhaha quotidien des élèves qui se pressent à l'entrée du collège. Le bâtiment date du siècle dernier, avec ses fenêtres joliment ornées d'un cadre de brique. Au-dessus de la porte monumentale l'inscription est restée, gravée dans le fronton : ÉCOLE DE JEUNES FILLES. Au-dessous, les gamins hurlent, Pédé enculé nique tes morts sur la Mecque, c'est la bande-son immuable de mes journées, j'ai besoin d'inspirer une dernière goulée d'air encore respirable avant de me résigner à fendre la foule d'un pas décidé, d'adulte inébranlable.
Pardon, pardon. Je me faufile, j'effleure une épaule de la main la plus légère qui soit pour qu'on s'écarte devant moi sans que cela semble un affront, je tente même de sourire. Je reçois en pleine figure le regard moqueur de Malik, il est le chat et moi la souris, même si j'ai vingt-huit ans et lui quinze, il savoure à l'avance l'heure qu'il va passer dans ma classe à essayer par tous les moyens de me déboulonner. Sur sa gueule triomphante se lit la satisfaction chafouine de celui qui rumine un sale coup. Je passe à côté de lui et j'entends qu'il crache par terre, à quelques centimètres de mes talons. La courette devant l'entrée est jonchée de crachats morveux. La semaine dernière c'est la porte de ma salle qui en dégoulinait.
Chaque jour, du lundi au vendredi, le trajet le long de l'avenue grise après la bouche de métro, le bref coup d'oeil désabusé à l'inscription ÉCOLE DE JEUNES FILLES, la traversée de la foule pleine de pédés, d'enculés et de morts que l'on nique.
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Elle me parle souvent des livres qu'elle lit, avec cette petite voix où subsiste l'accent des lointaines montagnes et qui n'oublie jamais le moindre subjonctif. Elle aime Pearl Buck et Daphné du Maurier et me confesse que le soir elle finit ses livres enfouie sous les couvertures, à la lueur d'une lampe de poche. La première fois qu'elle m'avait fait ce récit, j'avais tressailli : tout était revenu d'un coup, mes mécanismes compliqués pour pouvoir, moi aussi, terminer mes livres après l'extinction des feux, la lampe de poche cachée au fond de la table de nuit, le pull roulé en boudin et collé contre la rainure de la porte pour que mes parents ne se doutent de rien. La seule différence entre Samira et moi au même âge, c'est que mes parents m'avaient poussée vers le monde des lettres en m'exhortant à lire sans cesse : la lampe de poche et le boudin étaient une simple question d'horaires de sommeil à respecter. Pour Samira, en revanche, tout était question de transgression. Selon ses parents, une fille ne devait pas lire. Une fille devait s'occuper de la maison jusqu'à l'épuisement et servir les hommes dans le respect de la religion.
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...de toute façon, ils se plaignent de quoi les profs, avec leurs quatre mois de vacances. Ils se plaignent tout simplement d'être constamment en danger - je réponds au beau monsieur -, de partir travailler la matin avec la peur au ventre, de se faire cracher à la gueule toute la journée, de devoir tenter de maîtriser par groupes de trente des gamins que les parents ne parviennent même pas à faire obéir individuellement....
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[une jeune prof en zone sensible]
J'ai dit à mon père, aujourd'hui, au téléphone : on me traite de pute et de salope tous les jours et j'ai l'arcade sourcilière éclatée. Mais c'était un accident. Il est resté muet un long moment puis a dit : Je ne trouve pas de solution. Je cherche, mais je ne trouve pas. (p.79)
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