AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782842285074
272 pages
Le Pré aux Clercs (12/09/2013)
3.28/5   71 notes
Résumé :
Un roman de Steam Fantasy, inspiré par le meilleur du manga (Fullmetal Alchemist) aussi bien que par les chefs-d’œuvre classiques (Metropolis), où l'action et la poésie font la part belle à l'angoisse...Des robots traqués, jadis fidèles serviteurs. Des machines brisées, un mausolée de fer dans ce qui était auparavant la cité du ciel. Et partout flotte l'odeur de chair pétrifiés, car un tueur mécanique écorche les vivants pour voler leur peau. Dresde est une automate... >Voir plus
Que lire après Coeurs de rouilleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
3,28

sur 71 notes
« Tu sais, on se ment. le meilleur souvenir, c'est demain qu'on se le construit. »
Quelle belle histoire ! Dans un univers de ruines, dans une maison remplie de pièces détachées issues des restes de pantins désarticulés, on rencontre un jeune adolescent, Saxe, qui s'est enfui à la recherche d'un rêve de liberté. Dans ce monde où ne subsiste plus d'air frais, plus d'humanité, il va rencontrer Dresde, une Golem. Un être de porcelaine et de métal, ayant la force herculéenne d'un robot et faite de souvenirs conçus par un homme disparu à jamais qu'elle attendait en vain, son Maître. Ces deux êtres vont partir au travers de cette cité mortifère pour trouver une porte sur la liberté. Pourchassés par un autre Golem qui ne survit quant à lui que grâce à la force détenue par d'autres robots, dont il s'empare par la force. Au travers de leur périple ils vont apprendre à se comprendre, à s'aimer, à s'entraider tout en découvrant que cette cité n'est qu'un ruine construite sur des cités passées, un empilement de cités abandonnées au fil des âges, dont seuls quelques survivances ont passé les temps, maintenant les différences de castes entre les hommes. Saxe, gamin exploité depuis son enfance, empli de fantasmes issus d'histoires imaginaires qu'on raconte souvent aux enfants le soir, croit possible de trouver la porte de la liberté, celle qui a été fondue depuis la nuit des temps pour que personne ne s'échappe, que les hommes restent prisonniers de ce monde, que les Golem et leurs sous-genre lobotomisés, demeurent à jamais prisonniers ici. En descendant dans les tréfonds des cités, les personnages vont découvrir une histoire, leur histoire.
C'est un très beau roman, la plume de Justine Niogret berce le lecteur et l'immerge dans son univers mâtiné de steampunk et de poésie. Elle donne force à des êtres rouillés, des êtres ébréchés dans leur porcelaine blanche, parce que l'humanité qui transparaît dans ses mots porte l'espoir dans sa résistance la plus farouche.
Commenter  J’apprécie          370
Livre lu dans le cadre du challenge ABC 2014-2015.

J'ai découvert Justine Niogret par le biais de critiques élogieuses sur son premier roman, « Chien du Heaume ». Je me suis néanmoins laissée tenter par ce roman de la défunte collection Pandore du Pré aux Clercs. La couverture en est très belle et le résumé assez énigmatique. Et finalement, après une lecture rapide, cette histoire reste un mystère pour moi. Que je vous explique pourquoi !

En premier lieu, l'histoire. On suit Saxe, un jeune adolescent, et Dresde, un automate intelligent, dans les méandres d'une cité pour en trouver la sortie et voir le vrai soleil. Expliquer de cette façon, ça ne ressemble en rien au résumé, et pour cause. Celui-ci dévoile des informations qu'on n'apprend qu'à la fin de ce roman. le résumé parle également de choses qui n'apparaissent pas dans l'histoire... Heureusement que quand je lis un roman, je ne me souviens pas du résumé car pour le coup, ça aurait faussé la donne et la découverte. L'histoire aurait pu être assez linéaire mais l'auteur a une telle imagination qu'on ne s'attend pas aux différents rebondissements qu'elle sème sur la route de nos 2 personnages. Nous allons donc de surprises en surprises et Saxe également si l'on puisse dire.

En second lieu, les personnages. Ceux-ci sont un brin atypique, un jeune garçon et une automate. Non, ce n'est pas une erreur de ma part pour « une automate » car pour Saxe, notre narrateur, Dresde, le robot qui l'accompagne, est de sexe féminin mais s'il est asexué, donc « une » automate. Quand Saxe se retrouve tout seul, on se rend compte que c'est finalement Dresde qui mène l'expédition (même si on s'en doutait un peu) car il ne sait plus où aller ni comment faire. Peut-être, est-ce dû à son jeune âge... Nous avons également un 3ème personnage par lequel cette histoire commence, que j'ai d'ailleurs failli abandonner tellement il me déplaisait par sa cruauté et sa logique tordue. Heureusement, on ne le croise pas souvent. Par contre, un petit détail m'a un peu gêné vers la fin. Leur périple semble durer quelques jours mais on ne les voit pas souvent se reposer ou se restaurer, ne serait-ce que pour Saxe.

Et en troisième lieu, l'écriture et l'univers de l'auteur. Son style est assez particulier mais se lit très facilement et avec plaisir malgré quelques passages durs par leur violence quasi gratuite. Par contre, l'univers de l'auteur m'a un peu dérouté. Je lisais le périple de Saxe et de Dresde tout en me demandant qu'elle était cette curieuse cité, ce sentiment m'est resté jusqu'à la fin. Cette cité, par ses différents niveaux, me faisait penser à une métaphore sur les siècles passant sur une ville et les modifications qu'elle a suivant ses habitants. Comme si au lieu de détruire l'ancien pour construire du neuf, on ferme l'ancien et on construit au-dessus. Une métaphore sur l'évolution des civilisations donc. Mais je ne comprenais pas le fait d'être enfermé entre 4 « murs » et 1 « étage » alors qu'il s'agit d'une ville entière. du coup, il n'y a plus de vrais arbres, le soleil est artificiel et la pluie automatique. Curieux monde dont la réponse nous est donnée en fin de volume même si on ne connaît pas la raison de tout ceci. Ce roman reste donc un mystère pour moi. A-t-il une suite ou est-ce un one shoot aux tenants et aux aboutissants inconnus ? Curieuse lecture donc.

Comme vous l'aurez compris, mon avis est plutôt mitigé pour ce roman, l'écriture et l'imagination de l'auteur sont très agréables car sortant de l'ordinaire et on ne s'attend pas du tout aux différents rebondissements rencontrés par Saxe et Dresde. Par contre, l'histoire en elle-même est une énigme pour moi et je ne saurais vous l'expliquer mieux. Petit plus de cet auteur, ses titres sont toujours curieux et remplis de mystères. Pour ce roman, je vous conseille donc de le lire pour vous en faire votre propre avis, tellement il est singulier. Pour ma part, dès que ma PAL aura un peu diminuée, je lirais un autre roman de cet auteur car son style est vraiment très particulier, mais agréable à lire.

Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
Commenter  J’apprécie          1911
Saxe, est un artiste. Il répare des agolems, automates peu intelligents, destinés à exécuter les tâches que les humains n'accomplissent plus eux-mêmes (les courses, le ménage, ...)
Dans la cité où il vit, tout est factice, les arbres, les oiseaux, la pluie, le vent, ... Il décide de tout quitter et se met en quête du monde réel. En chemin, Saxe rencontre Dresde, une golem, automate intelligente, douée d'une force extraordinaire, tout en rouages et porcelaine. Dresde, abandonnée par son maître attend là depuis de nombreuses années, sans but ... Ils vont s'unir et tenter de fuir ce monde moribond, mais Pue-La-Viande, un golem devenu fou, va se lancer à leur poursuite. Dresde et lui sont les derniers golems en état de fonctionnement et Pue-La-Viande a besoin de sa perle ...

Histoire d'une belle amitié dans une atmosphère glauque. Lecture rapide, plutôt agréable.
La plume de l'auteure est assez particulière, à la fois brute et poétique. J'aurais apprécié plus de descriptions au niveau de l'environnement, du décor et aussi aimé en apprendre plus sur le développement de la cité et de ses étages. Je reste un peu sur ma faim.

Challenge multi-auteures SFFF 2020
Commenter  J’apprécie          240
Mitigée. Positive tout de même, mais pas plus emballée que ça.

Attention les yeux, première chronique de 2014 !!!

Cette chronique ne va pas être simple. J'avais pas mal entendu parler de ce roman, avec des avis toujours très tranchés, dans un sens ou dans l'autre. Quasiment jamais de chronique mitigée, ou au milieu. Les blogueurs ont adoré, ou alors vraiment detesté. En général c'est le style de l'auteure qui a été mis en cause (du moins dans les chroniques que j'ai lues) et qui justifiait les coups de coeur ou les avis franchement négatifs.

Du coup, lorsque j'ai vu qu'il était proposé en masse critique chez Babelio, je me suis sentie très curieuse de me faire mon propre avis.

Première impression de lecture : La plume de Justine Niogret ne me dérange absolument pas. Ok c'est un peu oral, un peu direct, pas forcément très raffiné ou travaillé, mais ça va relativement bien avec le fond de trame. Un peu comme pour Insaisissable de Tahereh Mafi, cette plume va droit au but, toujours dans l'urgence, et donne un sentiment de fuite, d'oppression, pour un peu, on se sentirait presque parano en même temps que nos deux personnages principaux : Dresde la golem, un robot (presque) dernière représentante de son espèce, et Saxe, un jeune garçon humain.

Du coup, j'étais plutôt contente, à priori, si la plume ne posait pas de problème, normalement, j'allais faire partie de ceux qui ont adoré ce livre.

En fait, finalement pas tant que ça. D'ailleurs jusqu'au deux premiers tiers, je me suis même plutôt ennuyée. Si la forme me convenait, le fond ne m'a pas franchement transportée. C'est un genre de huis clos mais sur un très grand espace. Pour diverses raisons, Saxe et Dresde sont les deux seuls personnages de l'histoire, coincés dans une cité à étage, fermée par une porte scellée et infranchissable. Les autres intervenants ne sont pas à proprement parler des persos, mais des créatures diverses, avec ou sans conscience propre. Pas d'autres humains. Alors ok, cela contribue à rendre le sentiment d'oppresion omniprésent et bien profond, mais je ne me suis pas éclatée. On tournait un peu en rond, et malgré le talent de Justine pour nous faire visualiser le décor, et le malaise que tout cela représentait, j'en ai eu un peu marre. Jusqu'au dernier tiers, je pensais lui donner 2 coeurs, pas plus.
Heureusement, la dernière partie m'a davantage convaincue. Un peu plus prenante, la course poursuite prend de l'ampleur, de la vitesse et de la force, et nos deux héros se fracassent d'autant plus contre leur ennemi, puissant et assoiffé de vengeance, le golem Pue-La-Viande.

Hop, cette troisième partie a donc fait gagner un coeur de plus pour ma chronique. A vrai dire, on aurait peut-être même pu passer à 4, mais la fin m'a déçue. Je n'ai pas été agréablement surprise, voire, pas surprise du tout en fait. Et moi, ben... J'aime être surprise par les fins.
Du coup, pour la globalité, je pense que 3 coeurs représentent bien mon impression générale.

Entrons maintenant dans le détail :

- La couverture : Alors là, rien à redire, elle m'a plu dès que je l'ai apperçue sur la toile. J'ai adoré les couleurs, l'ambiance qu'elle dégage, la beauté du robot représenté, le rendu général de l'illustration. Je suis tombée très vite love dessus. Cette couverture est une réussite.

- le style : On lit un peu tout et rien sur la plume de Justine Niogret. Personnellement je l'ai trouvée plutôt bien adaptée à l'histoire, et je pense que le message qu'elle voulait faire passer passe plus que bien. La plume est ainsi pour servir une ambiance particulière, et même si elle peut déplaire à ceux qui recherchent plus de densité, plus de raffinement, plus de construction dans l'expression écrite, elle m'a parue bien servir les objectifs de l'auteure (si je ne me trompe pas sur ceux-ci, bien entendu.) C'est une narration dans l'urgence, la panique, représentant la peur, d'être rattrapé, de mourir... de ce point de vue-là, ça marche plutôt bien, je ne reprocherai donc pas ses choix narratifs à l'auteur, je pense qu'elle a fait les bons.

- L'histoire : C'est là que j'ai eu un peu plus de mal. Je ne peux pas dire qu'elle soit totalement inintéressante, mais si Dresde et Saxe ont su me faire courir avec eux sur la fin, ça n'aura pas été suffisant pour moi. Il m'a manqué un peu d'historique, peut-être quelques autres personnages, plus de surprises et de rebondissements, je suis pas mal restée sur ma faim. Cela dit, l'idée est bonne, les décors sont très bien décrits, on s'y croirait. Je condamne plus le "trop peu" qu'une "mauvaise idée". J'ai aimé, mais il m'a manqué trop de choses pour que ça me paraisse vraiment génial. Peut-être que ce livre aurait pu être plus long pour permettre à l'auteure de développer davantage ces aspects.

- Les personnages : J'ai bien aimé Saxe et Dresde, la golem, la relation qu'ils nouent au fil de l'histoire, qui s'intensifie page après page, la confiance qu'ils s'accordent petit à petit, cette forme d'amour sans en être vraiment qui naît doucement... Mais encore une fois, c'est un livre trop court pour qu'on en sache suffisamment pour s'éprendre vraiment d'eux, s'y identifier, s'y attacher. On apprend quelques petites choses sur leur passé, mais pas suffisamment pour leur construire une identité, une histoire. Ca manquait de profondeur aussi, de ce côté-là.

- L'édition : de belle qualité. L'objet-livre est solide, et bien fait. le chapitrage est parfait comme il est, le texte est aéré et agréable à lire. Au niveau de la correction, rien à redire non plus. Une seule faute/coquille m'a sauté aux yeux (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en avait qu'une, juste que JE n'en ai vu qu'une) ce qui me paraît être un plus qu'excellent score. Bref, c'est un ouvrage de qualité :)

Voilà, pour résumer, eh bien... C'est mitigé comme je le disais en tout début de chronique. Mitigé +, mais pas complètement convaincue quoi... Cela m'a donné envie néanmoins de découvrir un autre texte de l'auteure, car les défauts que j'ai pu trouver à Coeurs de rouille sont dûs à l'intrigue, et non à son écriture. Donc, si je trouve autre chose d'elle, je pense que je testerai pour voir.
Pour Coeurs de rouille, je suis désolée de me rendre compte que ce n'est pas ma chronique qui vous décidera, car entre les "j'ai adoré" et les "j'ai detesté" très tranchés, mon "j'ai bien aimé mais avec plein de bémols" ne va pas vous aider beaucoup... :(
Je vous conseille donc de tenter votre chance et de vous faire votre propre avis comme je l'ai fait !

Cali
Lien : http://calidoscope.canalblog..
Commenter  J’apprécie          53
Peut-on toujours vivre ses rêves ? Saxe,jeune réparateur d'agolem sait qu'il ne vit pas dans le vrai monde, mais dans une pâle copie qu dégénère. Il veut sentir le vrai vent, entendre les vrais oiseaux. Mais la cité ne se laisse pas quitté aussi aisément...
Voyage initiatique, découverte de l'altérité, de la violence gratuite, de la peur... C'est tout ça, pourtant il m'a manqué un petit quelque chose ; une petite prise de risque peut-être. J'avais beaucoup aimé Chien du Heaume et sa suite pour cette rage et le plaisir dans l'écriture. Ici c'est plus sage et je crois que ce décalage me laisse un goût d'inachevé... Cela dit, j'ai passé une bonne lecture pas prise de tête et j'ai beaucoup aimé la fin.
Commenter  J’apprécie          180


critiques presse (1)
Elbakin.net
16 mai 2014
C’est sur ce dernier point que le livre devient vraiment convaincant, et sa référence majeure, finalement, c’est un autre texte de Justine Niogret elle-même : la très recommandable nouvelle Les rivages extrêmes de la mer intérieure. (Elle est parue dans l’anthologie Utopiales 2010, chez ActuSF, et est disponible en solo en numérique.) Les deux textes se répondent et se complètent admirablement.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
La douleur réveilla Saxe. Terrible, brutale, la sensation du goût du venin des serpents, aiguë et brûlante derrière le nez, dans les sinus. Il poussa un hurlement de surprise et ouvrit les yeux en se relevant, une sorte de bond qui le propulsa en avant, assis sur son matelas de plume.
Il s’écrasa le visage sur une surface dure et glacée, et son nez éclata encore ; il sentit une grosse bulle de sang remonter et asperger son menton, commencer à envahir le devant de sa chemise de lin.
Le garçon voulut porter les mains à sa face, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas bouger ; on le tenait fort, on lui emprisonnait les poignets. Un poids le figeait dans la mollesse des plumes, lui serrait la chair assez pour lui faire mal, et peur. Il ne voyait rien. Ses lorgnons étaient posés sur sa table de chevet, le monde était un brouillard, de grosses taches de couleur noyées les unes dans les autres. Son nez, là où il avait été frappé, lui faisait mal.
Il se débattit tout en clignant des paupières pour tenter de comprendre ce qui se passait. Dans la pénombre du petit matin, des premières heures encore grises, un hasard de rayon de soleil froid lui fit apercevoir une boule blanche couleur de dent, de savon trop passé à l’eau. C’était gros comme les deux mains en coupe, comme un ballon d’enfant. À quelques paumes de lui.
La chose était suspendue là comme une lune à portée de main, descendue de sa propre nuit. Saxe s’immobilisa. Il ne comprenait pas ce qu’il dévisageait.
Il devina que la chose avait des mains, que c’étaient elles qui le retenaient prisonnier. Elle ne bougeait pas, elle se contentait de maintenir Saxe dans cette position étrange, à moitié couché et presque assis, tremblant, les muscles douloureux, le nez gonflé par le choc et la chemise se barbouillant de cramoisi.
La lune blanche se pencha sur lui, lentement, sans se faire plus nette ou plus détaillée. Le mouvement était lourd ; celui d’un boeuf nerveux, d’une pierre à construire les cathédrales au bout d’une corde, tenue par des dizaines d’hommes, prête à chuter. Cette lenteur-là démontrait le danger sans même un mot prononcé.
Un des pieds du lit cassa brutalement, et Saxe se demanda avec terreur quel était le poids de la créature sur lui. Le meuble était un navire de guerre ; un de ces agencements de bois très haut qui survivait aux générations. Si le garçon s’était tenu debout à côté du matelas, il l’aurait frôlé de sa hanche. Cela s’était brisé comme un rien.
Saxe ne discernait toujours pas ce qui lui pesait sur la poitrine, et il regretta ses lorgnons posés à son chevet, impossibles à atteindre. Il ne voyait toujours que la tache pâle ; pourtant, alors qu’elle s’approchait encore, le garçon finit par comprendre la ligne ombrée d’un sourcil. Et un nez, ainsi que la courbe d’un menton pointu.
L’énigme du visage résolue, la suivante faisait déjà son apparition. C’était une agolem, une de ces créatures frêles qui servaient dans les maisons, qui cuisinaient et nettoyaient, pliaient le linge et portaient les cartes de bon rétablissement aux amis des maîtres. Mais celle-ci était forte, trop. La tache blanche de son corps, que voyait maintenant Saxe, était trop nue. Les agolems portaient leurs petites livrées, leurs petits uniformes aux couleurs de leur métier ; le noir et blanc des serviteurs, le bleu des ouvriers, le vert des aides des marchands. Celle-ci était blafarde, autant qu’un tas de duvet frais arraché d’un édredon éventré. Nue comme un œuf.
Et cette force monstrueuse surtout. Les agolems étaient créées, construites ; carcasse faussement squelettique de robot sous la porcelaine et la céramique ; mais toutes incapables d’immobiliser ou de blesser un humain. Ces choses-là ne leur étaient pas permises, non que leurs créateurs soient méfiants, mais par la simple impossibilité de leur art, presque oublié. Ces créatures étaient tendres et simples ; des poupées de calcaire laissées sous la pluie. Celle-ci sentait la mort et la désespérance, froide comme une lame tombée dans une flaque.
Commenter  J’apprécie          10
(…) les agolems aidant les humains dans leur quotidien, lavant après eux, cuisinant pour eux. Faisant tout pour leur confort égoïste, se salissant les mains pour qu'eux n'aient rien à faire. Sans bruit, sans paroles, des silhouettes anonymes et blanches dans les petites pièces des cuisines, donnant dans la maison de leurs maîtres, tout en haut, dans les greniers et les souillardes, restant debout en attendant que la nuit passe ; éveillées et sans sommeil, bougies blafardes et droites.
Commenter  J’apprécie          150
Saxe avait commencé par voir les golems comme des êtres bien inférieurs, des choses faites, fabriquées, des choses à qui on n'avait pas à donner de nom ; et rien qu'à cet instant, à s'époumoner derrière l'une d'elles, derrière la dernière de son espèce étrange et sans racines, il se sentait faible, raté, un ensemble de choses collées là par une farce d'un destin qu'il était incapable de définir.
Commenter  J’apprécie          130
Il fallait toujours séduire les riches, leur sembler assez bourgeois et détaché pour que justement ils choisissent de payer sans même songer à discuter. (…) Devoir faire l'animal savant devant ces gens lui avait soudain été insupportable. C'étaient eux qui avaient besoin de lui pour petits luxes sans saveur, et pourtant c'était à lui de demander qu'on le paye, comme on réclame une faveur.
Commenter  J’apprécie          120
Il semblait se regarder exister, à l'abri, loin dans son propre corps. Laisser sa chair agir, montrer sa peur, ses désirs déchirants et ses espoirs, alors que lui, le petit Saxe sans viande, l'esprit et ses pensées, s'était réfugié profondément dans toute cette matière, cette armure rose et pâle.
Commenter  J’apprécie          160

Videos de Justine Niogret (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Justine Niogret
Présentation de Quand on eut mangé le dernier chien de Justine Niogret par l'autrice. Parution 24 août 2023. Découverte en littérature ! Un roman tranchant comme une lame dans l'étendue glacée de l'Antarctique. Inspiré par l'expédition Aurora dirigée et rapportée par l'explorateur australien Douglas Mawson en 1911 pour explorer et cartographier les confins de l'Antarctique, ce roman sous tension est une plongée immersive aux côtés de ces aventuriers dans un environnement grandiose et mortel, le froid, le blizzard, la neige et la faim, l'épuisement et l'implacable hostilité de la nature. L'écriture organique, d'une précision sans fard, de cette autrice révélée et suivie en imaginaire, transfigure l'histoire réelle pour restituer, hors du temps, la violence et la dureté des éléments et écrire un inoubliable roman de femme sur le courage de survivre.
+ Lire la suite
autres livres classés : robotsVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus


Lecteurs (135) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4856 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..