AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782213665849
320 pages
Fayard (05/10/2011)
4.62/5   13 notes
Résumé :
Interrogée lors d’une émission de télévision québécoise sur ses reportages hors normes dans des guerres où il ne fait pas bon être journaliste, Anne Nivat séduit si bien son auditoire que, le lendemain, elle est invitée par un officier canadien, sur le point de partir en mission de combat en Afghanistan, à venir parler à ses hommes. Non seulement elle accepte, mais elle obtient de le rejoindre sur le théâtre d’opérations dans la très hostile zone de Kandahar, ex-cap... >Voir plus
Que lire après Les brouillards de la guerre : Dernière mission en AfghanistanVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Dans ce livre Anne Nivat nous offre des témoignages croisés d'Afghanistan. L'originalité de son reportage est qu'elle a suivi un contingent canadien d'une part, et s'est également mêlée à la population afghane. Ses conclusions sur la faillite de l'intervention des occidentaux rejoignent celles de Jean-Pierre Perrin dans "Kaboul : L'humiliante défaite". Jean-Pierre Perrin insiste sur l'influence néfaste du voisin pakistanais, mais ceci mis à part leurs constats se ressemblent.

Les Américains sont intervenus en Afghanistan sans avoir jamais compris quoi que ce soit à la mentalité afghane. A leur décharge le challenge était énorme, tant la société afghane est difficile à appréhender par un esprit occidental. Les Afghans ont des loyautés tribales plus que nationales, et les étrangers ne sont pas les bienvenus car ils perturbent l'ordre établi. Ils ne sont vus que comme des pompes à fric dont les Afghans se servent autant que possible, d'autant que la quasi totalité des officiels sont complètement corrompus et ne s'intéressent guère au bien être de leurs administrés. "C'est clair, les causes du bourbier afghan sont d'origine financière : tous les acteurs locaux, que ce soit sur la scène économique, politique ou militaire, sont corrompus, mus par l'appât du gain".

Quant à la place de la femme, elle génère aussi des incompréhensions. Quand une patrouille américaine fouille une maison la nuit pour chercher des armes, ce n'est pas le fait qu'ils rudoient les hommes qui choque, c'est le fait qu'ils peuvent voir leurs femmes. Et lorsque ces mêmes Américains installent un poste d'observation sur une colline qui domine les environs, la crainte des Afghans est qu'ils l'utilisent pour regarder par dessus les murs des maisons et qu'ils aperçoivent les femmes. Ça m'étonnerait qu'on enseigne ce genre de considérations à l'académie militaire de West Point.

Par ailleurs les bavures commises sur les civils afghans ont généré une détestation des Occidentaux par la population qui supporte les dégâts de la guerre s'ils sont commis par leurs concitoyens mais pas lorsque c'est le fait des étrangers. Pour limiter les pertes, les Occidentaux ont édicté des règles d'engagement qui rendent l'action militaire totalement inefficace. "Ces règles révèlent aux insurgés l'évident point faible des Occidentaux. Ils savent parfaitement comment se comporter pour qu'on ne leur tire pas dessus, l'exemple le plus commun étant celui, maintes fois rapporté par les soldats, du tireur isolé qui, après avoir envoyé sa rafale, pose son arme à terre. Théoriquement, les coalisés n'ont pas le droit de faire feu sur un homme non armé".

Le problème ethnique est très important également pour comprendre les Afghans. Les talibans sont majoritairement pachtounes, comme les pakistanais qui les ont soutenus), et l'armée afghane est dirigée essentiellement par des Tadjiks, une récompense pour ceux qui à l'époque ont le mieux résisté aux taliban. La conséquence est que "La plupart des chefs des tribus pachtounes considèrent l'ANA (Armée Nationale Afghane) comme un détachement d'envahisseurs, au même titre que les troupes étrangères".

Toutes ces considérations font que les Afghans veulent voir les troupes étrangères quitter leur pays, même s'ils apportent de l'argent. L'auteur nous dit "Les autochtones ne souhaitent pas forcément un retour au pouvoir des taliban, mais ils ont l'impression que les Occidentaux veulent leur imposer un régime dit « démocratique » auquel ils ne comprennent rien".
Ce livre a été publié en 2011, aujourd'hui les étrangers ont quitté l'Afghanistan et les taliban sont revenus au pouvoir, ce qui n'est pas une surprise après avoir lu Les brouillards de la guerre.
Commenter  J’apprécie          00
Alors qu'elle participe à une émission télévisée à Montréal, la journaliste de guerre Anne Nivat, a l'occasion de rencontrer le major canadien Pruneau qui propose de l' « embarquer » dans leur dernière mission en Afghanistan. Il espère que l'expérience journalistique de la guerre de la reporter puisse communiquer une vision différente à ses jeunes recrues militaires.

Participer à ce genre d'expédition est enrichissant à plusieurs niveaux pour la journaliste française, qui n'en n'est pas à son coup d'essai dans un pays en conflit. D'abord le système militaire canadien est assez éloigné de celui français, ou même encore américain.

Anne Nivat a traversé différents camps, de 2008 à 2011. Des FOB américaines, immenses camps dans le désert afghan, où les gardes des soldats sont entrecoupées de pauses fast food et salles de sports…Des FOB plus discrètes, plus exposées, où chaque sortie est rythmée sous la crainte de sauter sur un IED, ces engins explosifs bricolés à partir de téléphones portables déclenchables à distance.

Mais d'une base à une autre, l'impression qui demeure est une insurmontable incompréhension entre monde militaire et monde afghan. Malgré les tentatives diverses pour créer une coalition, le fossé demeure.

L'ANA, l'armée afghane, formée et entraînée par les armées occidentales, est un sujet qui continue de diviser. Pas assez efficace, infiltrée ou non par des terroristes talibans, difficilement intégrée aux villages dont elle doit assurer la sécurité, tous semblent émettre des doutes sur un avenir sécurisé en Afghanistan .

Et pourtant, avec un départ annoncé des forces occidentales du sol afghan, la dernière mission d'Anne Nivat est des plus compliquée.

Pour commencer, ce choix du titre, « brouillards de guerre », pour une situation des plus floues, où chacun continue de se méfier des ombres que peuvent dissimuler à tout moment la poussière du pays.

D'un chapitre à l'autre, la journaliste passe du costume traditionnel des femmes afghanes, à la tenue militaire, allant jusqu'à enlever son gilet pare-balle pour se glisser sous l'épais « châdri » afghan.

D'un côté à l'autre du « miroir », comme elle le dit, elle-même, Anne Nivat collecte des rencontres, certaines attendues, d'autre moins. Elle rencontre au fil des années, des missions, et des régions, ces hommes et ces femmes, qui habitent ces villages énigmatiques d'Afghanistan.

Les militaires lui confient leurs surprises : eux ne voient presque jamais de femmes, ou juste des ombres fugitives de tissus qui se dissimulent à leur regard.

Intrépide, Anne Nivat a tissé des contacts au fil des années, qui lui ont permis de rencontrer des politiciens, des hommes d'affaires, des villageois. D'étonnantes rencontres, des femmes qui essaient de faire changer les mentalités, des religieux intégristes…

D'un camp à l'autre, chacun essaie de tirer parti de la situation en plein bouleversement du pays.

Les talibans restent une crainte, un sujet ambivalent. Après une domination soviétique violente et répressive dans le pays, les talibans s'étaient imposés, comme le symbole du retour à l'autonomie du pays, que paradoxalement ils représentent toujours avec la menace de l'ingérence étrangère. A la fois protecteurs et menace, ils sont l'alternative à une présence militaire imposante, mais également enrichissante. Nombre de familles ont pu profiter des contrats de reconstruction du pays avec des états étrangers. Cet entrelacement entre conflits et intérêts crée une situation complexe et floue.

Pour ne rien arranger, Anne Nivat souligne la difficulté de la situation des soldats eux-mêmes, qui, envoyés souvent sans réellement comprendre le contexte et les enjeux de la situation, ne sont pas soutenu par l'opinion populaire de leur pays (particulièrement en France).

Que l'on soit donc favorable ou non à l'intervention militaire, force est de constater que la confusion de la situation n'est pas prête de s'éclaircir.

Face à des puissances occidentales constituées en Etat-Nation depuis des siècles, la situation tribale de l'Afghanistan appartient à un autre paradigme culturel.

Est-ce qu'entre les deux côtés du miroir le passage est définitivement impossible ?

La réponse n'est pas aisée.

Non, si l'on regarde les échecs et la difficulté de la situation militaire. Après de nombreuses pertes humaines, scandales et incertitudes, même la meilleure des volontés, celle du major Pruneau par exemple, qui déploie trésor d'ingéniosité pour créer des liens de confiance avec la population, semble insuffisante à créer un vrai rapport honnête entre les deux camps. Les deux armées, l'ANA et les armées occidentales, demeurent aussi distantes et opaques l'une à l'autre, que le serait deux armées rivales.

Oui, si l'on suit le parcours d'Anne Nivat, qui, pourfendant la difficulté de sa condition féminine dans un pays bien loin de l'équité des sexes, parvient à nouer des rapports de confiance et d'amitié avec une population désireuse de vivre en paix et d'être respectée pour ce qu'elle est.

Reste le sentiment persistant des ces « brouillards de guerre », ou l'impossible confrontation des cultures dès lors que l'enjeu des conflits militaires et politiques nuisent à une réelle construction du tissu social.

Lien : http://madamedub.com/WordPre..
Commenter  J’apprécie          60
Afghanistan 2010, vu du terrain sans tabous et sans arrangements, par une immense journaliste de guerre et d'immersion.

Anne Nivat fait partie de ces rares authentiques journalistes de terrain qui, loin des circuits organisés en minibus et en 4 x 4, ont une passion pour l'envers du décor, et pour la réalité des choses une fois que le cirque médiatique passager s'est éloigné.

Dans ce nouveau récit, en croisant ses méthodes déjà éprouvées en Asie Centrale ("Par les monts et les plaines", 2006), en Tchétchénie ("Chienne de guerre", 2000, et "La guerre qui n'aura pas eu lieu", 2004), en Irak ("Lendemains de guerre", 2004, et "Bagdad Zone Rouge", 2008), et en Afghanistan une première fois ("Lendemains de guerre", 2004), elle revient sur place, alors qu'on parle moins de ce conflit afghan qui dure depuis déjà dix ans, et nous fait partager ses propres allers-retours, accompagnant tantôt une unité canadienne en opérations, et rencontrant le reste du temps ses propres contacts indépendants, noués au fil des années, pour obtenir ce qui nous manque le plus en général : la manière dont les personnes ordinaires voient les choses, au-delà des occasionnels micro-trottoirs à grand spectacle et des interviews arrangées par les gouvernements, les intelligentsias ou les mafias diverses...

"C'est justement ce que j'ai voulu essayer de mesurer en Afghanistan en passant d'un monde à l'autre, afin de l'offrir à un public qui n'a certes plus vraiment envie d'entendre quoi que ce soit sur cette longue guerre, mais qui, pourvu qu'on trouve les mots et les images adéquats, peut se sentir à nouveau concerné. Pour jauger le degré de confusion qui y règne, le réel état des choses qui y prévaut, encore faut-il avoir passé du temps sur place, tissé sa toile de contacts, ne pas avoir hésité à troquer son gilet pare-balles pour un châdri bleu en nylon."

Récit passionnant de bout en bout, par la journaliste de guerre probablement la plus fine et la plus courageuse à travailler aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          10
Journaliste, Anne Nivat, rapporte des témoignages de soldats canadiens et d'Afghans.
Les premiers pensent avoir apporté leur aide : construction de routes, de bâtiments, d'écoles, formation de policiers..
Les seconds se demandent ce que des étrangers sont venus faire dans leur pays.
Leurs cultures sont très éloignées et l'incompréhension règne des deux côtés.

Excellent reportage sur la guerre en Afghanistan, sur le déploiement des troupes alliées, sur l'engagement des uns et des autres, sur les évènements vus par les antagonistes.

Au final, une question demeure : pourquoi tout ça ?
Commenter  J’apprécie          30
Magnifique récit de son retour en Afghanistan toujours en guerre. D'un côté, Anne Nivat décrit la vie des militaires, parfois de bonne volonté, mais si perdus devant les us et coutumes locales, et de l'autre elle nous emène chez les Afghans dans l région du sud, la plus dangereuse. Son analyse politique est tellement juste. Cette guerre, cette présence de soldats étrangers, ne sert pas à grand chose pour aider ce magnifique pays à se reconstruire.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Dans le chapitre « Éléments du pouvoir. Comment évaluer l’influence ? », le capitaine dresse une liste des moyens potentiels pour faire changer de bord un chef de village soupçonné d’être de mèche avec les insurgés ; avant de le « retourner », il estime capital de répondre à ces questions : « Ce taliban a-t-il mis ses fils dans des madrasas de l’autre côté de la frontière au Pakistan ? À qui ses filles sont-elles mariées ? A-t-il des problèmes sexuels avec sa femme ? Peut-être peut-on lui faire passer discrètement quelques pilules de Viagra pour qu’il change d’avis ? »

Rendue perplexe à cette lecture, j’ai cherché à vérifier l’existence de la méthode côté taliban : elle m’a été confirmée.
Commenter  J’apprécie          00
Pour eux, ces militaires restent avant tout des gens d’ailleurs, représentant d’autres civilisations, qui n’ont pas vraiment témoigné de respect pour la leur. S’ils ne saisissent pas leurs motivations, leur prospérité, elle, est évidente. Les Afghans estiment avoir droit à cette manne, ne serait-ce que pour compenser les dommages matériels et psychologiques que subit la population depuis l’arrivée et l’installation de militaires étrangers sur leur sol.
Commenter  J’apprécie          00
La hantise du recteur reste le départ des forces militaires étrangères : « S’il est seul aux commandes, notre gouvernement ne tiendra pas un mois », prédit l’universitaire. L’Afghanistan semble enferré dans un insurmontable paradoxe : dans le cas d’un départ des forces armées d’« occupation », on redoute le pire, mais, concomitamment, les mêmes critiquent la présence étrangère confortant un système pourri par la corruption, le népotisme et la gabegie.
Commenter  J’apprécie          00
Sur l’un des murs de la terrasse – celui surplombant la rue –, un trou de la largeur d’un gros doigt a été creusé à même la brique : en se collant à la paroi brûlante, on peut tranquillement observer l’extérieur sans être vue. J’écris « vue » au féminin, car ce sont avant tout les femmes qui se glissent devant cette anfractuosité pour regarder l’extérieur ; les hommes, eux, n’en ont nul besoin, ils entrent et sortent à leur guise.
Commenter  J’apprécie          00
La création de cette Commission des droits de l’homme, imposée lors de la conférence de Bonn en 2001, est une flagrante illustration de ce qu’Américains et Occidentaux dans leur ensemble croient être adapté à ce pays, alors qu’eux-mêmes se sont décrédibilisés en montrant au monde extérieur à quel point ils peuvent se jouer des droits de l’homme, quotidiennement bafoués en Irak, à Guantanamo ou sur la base afghane de Bagram.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Anne Nivat (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Nivat
Anne Nivat vous présente son ouvrage "La haine et le déni : avec les Ukrainiens et les Russes dans la guerre" aux éditions Flammarion. Entretien avec Aude Ferbos.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3034668/anne-nivat-la-haine-et-le-deni-avec-les-ukrainiens-et-les-russes-dans-la-guerre
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : afghanistanVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (33) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3175 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}