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Critique de DOMS


Amélie Nothomb fait une fois de plus très fort. Dans ce roman qui se lit d'une traite tant il est court, mais qui laisse un sentiment de malaise tant il est intense, elle nous raconte d'histoire poussé à l'extrême d'une émission de téléréalité.
Mais pas n'importe laquelle bien-sûr !! Là les participants sont tout simplement enlevés dans les villes, et conduits dans un camp de concentration. Surveillés par des kapos à qui tout est permis surtout la plus grande violence, et sous l'oeil de caméras postées partout dans le camp et qui filment tout et tout le monde 24h sur 24. L'horreur absolue des camps de concentration de la dernière guerre, pour le plaisir des téléspectateurs d'aujourd'hui ?
Les prisonniers sont des hommes et des femmes totalement déshumanisés. Comme dans les camps nazis on leur a simplement tatoué un chiffre sur le bras pour annihiler, en effaçant leur nom, jusqu'à leur personne. Et après tout, ignorer le nom de celui ou celle qui est face à soi permet d'agir avec plus de violence et sans aucune compassion, enlève toute proximité et réalité « humaine » à la personne car « le prénom est la clé de la personne."
Ils sont prisonniers, ils vont subir l'arbitraire des gardiens, la faim, la soif, l'épuisement provoqué par des tâches difficiles, répétitives et parfaitement inutiles. Ils sont soumis au bon vouloir des kapos qui décident chaque matin qui doit mourir. Car de ce camp nul ne s'échappe et la seule issue est la mort. Horrible, filmée elle aussi, pour le plus grand plaisir des téléspectateurs toujours plus nombreux à faire de l'audience.

Nous suivons de près trois personnages en particulier : la kapo Zedna, une jeune femme de 20 qui avant d'être embauchée comme kapo n'avait rien réussi dans sa vie ; Pannonique, étudiante en paléontologie, jeune femme de 20 ans également, si belle et lumineuse qu'elle attire le regard de tous et en particulier celui des caméras et des réalisateurs de l'émission, mais qui n'est plus que CKZ114 dans le camps ; EPJ327, un professeur d'histoire dans la vraie vie, qui est très attiré par CKZ114.
CKZ114 fait figure de résistante, car elle comprend immédiatement qu'il faut être différente et ne pas flancher devant les caméras (même si celles-ci sont vite oubliées). Elle ne pleure pas, se désespère pas, en tout cas pas face aux caméras, au contraire, elle va les utiliser pour essayer de faire bouger les téléspectateurs, les faire réagir et leur demander d'arrêter d'être complices d'une telle horreur.
Des téléspectateurs justement, qui par leur simple présence devant leur écran, font que cette horreur puisse exister. Ils sont passifs, mais du coup terriblement acteurs, et pourtant noyés dans la masse des « transparents », des anonymes, ils n'ont pas l'impression d'avoir une énorme part de responsabilité dans la vie et la mort des prisonniers. La puissance de la masse anonyme, cela fait peur !
La presse va également jouer un rôle, et quel rôle ! Leurs interventions ne servent pas à grand-chose, leurs condamnations sont bien timides, peu actives, et ne vont au contraire qu'avoir un effet contraire à celui souhaité : faire monter l'audimat !

Mais comme toujours, les vraies personnalités, les sentiments nobles et courageux, vont sortir de toute cette horreur, et l'humanité qui est en chacun va s'exprimer là où on ne l'attend plus.
Bien sûr il y a là une véritable satire des extrêmes de la téléréalité, mais peut être aussi est-il question de voir comment on peut facilement retourner vers l'horreur avec tellement de laisser-faire et sans pour autant se sentir ni coupable ni acteur ! comme une alerte, d'ailleurs mise en exergue du roman : « Vint le moment où le souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallu le spectacle ». faisons tout pour ne jamais en arriver là !
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