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Citations sur Un petit bourgeois (12)

Accomplir des gestes d'homme dans les lieux qui vous ont vu enfant, confère à tout ce que l'on entreprend un aspect irréel, l'air d’une comédie dont on serait seul à discerner le bluff.
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Ce que je nomme désert est une vie à quoi manquait le goût du bonheur.
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Le petit bourgeois, contemplant sa voiture neuve, croit avoir souscrit une assurance contre le temps. Son trésor est fait d'acier, de tôle, de laque, matières dures qui revêtent l'apparence et le brillant de la dureté. Rien sur ses surfaces ne paraît pouvoir marquer. Mais à peine le véhicule est-il en route que le supplice commence : la boue qui gicle s'attaque au mécanisme de la voiture, la fumée de la gauloise absorbe le parfum de la virginité plastique ou animale des sièges, les cahots, chocs, trottoirs, cailloux mettent en cause le fonctionnement même des organes. Commence alors pour l'automobiliste une période de terreur nerveuse et de désespoir. (p. 250)
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Ce siècle m'assomme. Je veux bien qu'il invente de belles machines, et que ce soit même là sa noblesse, ce par quoi il marquera probablement dans l'histoire, mais de là à être coiffé de ces avions... Les ingénieurs m'ennuient, qui nourrissent mon œil, excitent peu mes songes et ne m'aident pas à vivre. Je n'appelle pas mieux vivre aller à New York en six heures au lieu de laisser la vieille mer nous secouer les intestins. La sorte de vivacité qui m'intéresse se trouve ailleurs. Morand, homme rapide s'il en fut, et passionné de « moderne », a décrit sombrement la fin de l'homme pressé : cardiaque, terrorisé. Les ivresses de ce temps débouchent sur l'inutilité de tout.

Réhabilitons Duhamel. Il écrivit naguère sur les jouets de notre temps, dont il voyait la fièvre monter, des vérités vieillottes et qui firent ricaner. C'étaient des vérités : on les déteste. Les villes, le cinoche, la bagnole, les médicaments omnibus, tout à la portée de tous et nulle part à la portée de partout : c'est l'enfer. On a pardonné à Valéry de l'avoir remarqué à cause du style noble. Nos malheurs quotidiens ne se déroulent pourtant pas sous le signe des grands genres. La migraine, la tête vidée, les lieux et les personnes interchangeables, notre mort elle-même, autant de sujets de comédie. On voit ce qui rend les Duhamel irrécupérables : ils ne veulent pas sauver le silence pour rêver, mais pour dormir.
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La centralisation française, et plus précisément la centralisation des activités littéraires ou paralittéraires (édition, journalisme, théâtre, radio, etc.), ont presque entièrement cristallisé la vie de la littérature autour d'un milieu parisien. Là se trouvent à la fois les occasions de gagner sa vie (si les livres n'y suffisent pas) et les serrures visibles du succès. Impression à la fois juste et fausse : juste s'agissant des gagne-pain, fausse s'agissant de l'accomplissement d'un destin littéraire. Les seules routes vers cet accomplissement sont jalonnées de bons livres ; la question revient à savoir où s'écrivent le mieux les bons livres. Ainsi posé le problème est presque résolu : Paris brûle et stérilise les talents selon cent méthodes de jour en jour mieux éprouvées. Une génération d'écrivains, ou plus justement une certaine « bande » qui fit parler d'elle entre environ 1949 et 1955, s'est trouvée en moins de dix années réduite au silence. La mort, l'alcool, l'ennui, l'argent, le journalisme, doré et le cinéma ont ainsi englouti une demi-douzaine de jeunes hommes.

Devenu une vedette possible (Prix, magazines, télévision, etc.) et le sachant, l'écrivain subit aujourd'hui plus que jamais la tentation d'être connu. Une confusion s'aggrave ainsi entre notoriété littéraire et « vedettariat ». Au pauvre homme de lettres de naguère le siècle tend une perche : sait-il s'en saisir, il deviendra un personnage parisien. Comblé d'échos, d'anecdotes, d'interviews, de cruautés flatteuses, il installera sa vie dans un faux-semblant si bruyant qu'il deviendra sourd à tout conseil raisonnable. S'il reste à portée de téléphone de sa drogue il est perdu. Il dînera, boira, sortira, deviendra renommé pour sa méchanceté, sera peut-être reçu dans le monde, répondra en quinze lignes à des enquêtes, participera à des « tables rondes », aimera des dames ou des messieurs, engraissera ou se fanera selon que sa nature prend trop bien ou mal les excès nocturnes, se fera des amis et des ennemis selon cette loi banale qu'on ne se brouille jamais qu'avec la moitié de la terre ; bientôt il portera des lunettes énormes, ou des chapeaux minuscules, ou des cravates pittoresques, essayant pathétiquement de tenter la caricature ; il connaîtra peut-être des succès, peut-être des échecs, aura peut-être de l'argent et peut-être pas (ce ne sont que des détails) et il pourra de cette façon, dans ce style, à la condition de céder assez souplement à la mode et de n'être pas balayé par quelque nettoyage politique, il pourra même durer, durer longtemps, offrant au public cette image de mort-vivant qu'un certain nombre de nos écrivains prennent pour la mauvaise mais indispensable mine de la gloire.
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L'automobile occupe une place de choix dans cette sensibilisation des hommes d'aujourd'hui à la précarité des objets. Une voiture neuve, c'est l'équilibre miraculeux entre la consommation (qui dévore) et la propriété (qui voudrait s'enraciner dans l'éternel). Le petit bourgeois, contemplant sa voiture neuve, croit avoir souscrit une assurance contre le temps. Son trésor est fait d'acier, de tôle, de laque, matières dures ou qui revêtent l'apparence et le brillant de la dureté. Rien sur ces surfaces ne paraît pouvoir marquer. Mais à peine le véhicule est-il en route que le supplice commence : la boue qui gicle s'attaque au cœur mécanique de la voiture, la fumée de la gauloise absorbe le parfum de virginité plastique ou animale des sièges, les cahots, chocs, trottoirs, cailloux mettent en cause le fonctionnement même des organes. Commence alors pour l'automobiliste une période de terreur nerveuse et de désespoir. Il pilote son véhicule à travers une jungle ; tous les périls le guettent et les mufleries, les maladresses, les agressions imprévues de la ville, du climat, sans parler de cette unique et multiforme agression du temps, qui les résume toutes et qui très vite, presque dès la première minute, par estafilades, trépidations, bruits, points de rouille, à commencé de fabriquer minutieusement la mort du bel objet symbolique.

Il m'est arrivé, en de certains moments où l'angoisse — ou plutôt cette façon de percevoir dans mon propre corps les blessures métalliques que cuisinaient et raffinaient les heures — devenait trop forte, d'arrêter ma voiture au bord de la route et là, les yeux fermés dans ce silence fait de soupirs et de borborygmes des véhicules brusquement au repos, d'attendre que s'apaisât en moi cette rumeur maladive du temps, qui était le vrai malaise contre quoi j'avais à me débattre.
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La mode depuis quelques années est à l'innocence des enfants, à la culpabilité vague et générale des parents. On a beau en rire, on prend insensiblement la couleur de son temps.
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BÉBÊTE

LES mères baptisent toujours le sexe de leurs fils. Adultes, ceux-ci s'en souviennent-ils ? Féminisé, le mien s'appelait Bébête. Et mon oreille ne l'entendait pas comme « petit animal », mais comme « petite idiote ». De fait, aujourd'hui encore, le sexe de l'homme me paraît facilement sot, et niaises ses manifestations ; le mien surtout, surtout les siennes.

J'éprouve un peu plus de considération pour ce qui gît d'honneur dans le pantalon d'autrui : maçons italiens, bruns à cheveux crépus. (La blondeur, toujours, m'a paru ajouter à la fatale imbécillité du sexe.) Et pourtant, cocasserie des injures, des vantardises, des mises en demeure fondées sur cette arithmétique. Civilisations méditerranéennes, civilisations de la queue, et leur idiote terreur des hommes d'offrir le dos à autrui. De face ou les reins au mur : morale de bistrot. Je ne sais pourquoi, un homme qui vante sa virilité cesse immédiatement, à mes yeux, d'exister. Il se volatilise. La mésaventure m'arriva avec un écrivain célèbre, excellent, et que j'admirais. Il célébra — alors que notre vague sympathie n'autorisait en rien ces confidences — sa force conservée. « Mon cher, j'ai soixante-dix ans. Eh bien, je puis vous le dire : je suis intact. Vous m'entendez bien : intact... » Le doigt précis, le visage courant après son ascétisme, il me fit soudain horreur.
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Le remords organise plus de tumulte dans une tête que des enfants ne font de bruit dans un appartement.
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De la guérilla, du voyage au bout de l'ennui nous fîmes, Marie-Anne et moi, le style de notre vie.
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