En cet été 1958, Pierre a treize ans. La vie est paisible dans son petit village franc-comtois, et particulièrement chez lui. Ses journées sont ponctuées de révisions imposées par son instituteur de père, et ses sorties sont limitées. L'arrivée de Justin, hébergé dans une famille d'accueil, va perturber tout ce petit monde. Du haut de ses quatorze ans, le gamin ne manque pas d'aplomb. Il multiplie les conneries, les gendarmes sont souvent appelés. Il fait tourner le curé en bourrique - gentiment mais sûrement -, mais il arrive toujours à s'en sortir en amadouant les adultes, malgré leur méfiance. Il entraîne dans ses frasques les garçons un peu plus jeunes, qui, comme Pierre, sont fascinés par son audace.
L'écriture soignée et classique de Jean-Paul Nozière nous immerge parfaitement dans l'ambiance d'une époque, d'un village, de la torpeur estivale. La tension monte peu à peu, on a l'impression qu'un drame va arriver, et en attendant, l'auteur nous englue dans le malaise en laissant entrevoir un tas de mystères autour de Justin, adolescent aussi attachant qu'inquiétant : qui est-il ? d'où vient-il ? quels sont ses rapports avec le couple qui l'héberge ? que va-t-il devenir ?
Je suis restée sur ma faim car je n'ai pas de réponses. C'est d'autant plus décevant que j'ai trouvé ce roman excellent tout au long de ma lecture.
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Je conservai assez de présence d'esprit pour m'approcher en catimini. La voix de Justin me paralysa.
Justin engueulait le Christ :
- T'es pas juste. Pourquoi t'es pas juste ? Qu'est-ce que je fais qui ne te plaît pas ?
J'étais plus immobile que Jeanne [d'Arc] sur son destrier. La voix de Justin vibrait de colère et de rancune. Son cou, ce si long cou dévissé du corps, se tendait vers la croix d'or, au-dessus de l'autel. Justin gardait les mains dans les poches, mais je ne compris qu'après pourquoi il conservait une position si inconfortable. Justin parlait au Christ comme s'il s'adressait à un garçon de notre bande :
- T'as jamais été juste. T'es tranquille, t'es Dieu jusqu'à perpète. Tu fais ce que tu veux, comme tu veux, personne ne t'en empêche ou ne te punit. C'est facile d'être Dieu, à la portée de n'importe quel idiot. Moi aussi je pourrais. J'en ai marre de toi. J'en ai marre que tu me mettes sans arrêt des bâtons dans les roues, que tu ne sois jamais juste avec moi ni avec personne.
Les mains de Justin jaillirent de ses poches. Il serra les poings et les brandit vers la croix.
- Tu les vois, ces deux-là ? Si t'étais un vrai mec, je te les flanquerais sur le pif. C'est tout ce que tu mérites.
(p. 54-55)
Quand le garde-champêtre, pourtant ivre, risqua sa vie en tirant Justin de l'étang dans lequel il se noyait, il le remercia d'un « va te faire voir, sac à vin ». Si nous lui disions sa chance d'en être sorti vivant, Justin clignait ses paupières de chauve-souris et lâchait :
- Le vieux con n'avait qu'à me laisser dans l'eau.
J'étais fils d'instituteurs, au langage estampillé dictionnaire. J'écoutais de telles injures pantelant d'admiration.
(p. 15)
Plusieurs des péchés de Justin étaient des mensonges. Je savais qu'il mentait, pourtant son aplomb m'amenait à douter. Justin était capable de raconter 'La Belle au bois dormant' en vous affirmant que l'histoire s'était déroulée dans la cuisine de la postière, et vous regardiez ensuite la postière avec d'autres yeux.
(p. 49)
Jean Paul Nozière : Bye bye Betty
Depuis le
café le Rostand, à Paris,
Olivier BARROT présente le livre de
Jean-Paul NOZIERE "
Bye-bye betty". Un
roman publié aux éditions Gallimard dans la collection Scripto.Photo de
Jean Paul NOZIERE.