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Anne Rabinovitch (Traducteur)
EAN : 9782848930862
400 pages
Les Deux Terres (23/02/2011)
3.82/5   51 notes
Résumé :
Un capitaine de police blanc ayant été abattu dans une ville de la province sud-africaine au cours des années cinquante, l’inspecteur Cooper arrive de Johannesburg pour mener l’enquête. Il doit se frayer un chemin dans le labyrinthe des clivages raciaux et sociaux qui divisent la communauté. L’éminente et très respectable famille de la victime l’observe d’un œil soupçonneux, et l’enquête est rapidement récupérée par la Security Branch.

Cooper poursuit... >Voir plus
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Challenge plumes féminines 2021 – n°12

J'avais acheté ce roman à l'époque d'un challenge ABC mais au final, je ne l'ai jamais lu. Il aura fallu l'aide de la pioche de Décembre pour qu'il sorte enfin de ma pal. Ça sera ma première lecture de cette auteure et une totale découverte car j'espère qu'à l'époque de mon choix, le résumé m'avait intrigué.

Finalement, il s'avère que c'est le premier tome d'une série assez dépaysante, l'enquête se déroule en Afrique du Sud. L'histoire se déroule en 1952 en plein coeur de l'apartheid où un inspecteur-chef doit résoudre le meurtre d'un capitaine de police. Comme dit l'auteure : « Le crime n'avait pas de couleur ». L'entrée en matière est rapide : un appel semble être un canular mais on envoie quand même quelqu'un au cas où. Il y a bien eu un meurtre et l'enquête se lance en suivant. Au fur et à mesure de celle-ci, on apprend à connaître le personnage principal et les moeurs de l'époque. Dépaysement assuré, dans tous les sens du terme. L'enquête est longue et délicate car tout est nimbé de secrets et de la différence entre les « races » (blanc, noir et métis). Malgré tout, le style de l'auteure est agréable et se lit plutôt bien même si elle l'agrémente de termes zoulous ou afrikaans qui ne sont pas traduits. C'est assez long et lent à lire mais l'atmosphère est suffisamment atypique pour maintenir mon attention sur l'histoire. Certains passages sont malgré tout assez rudes à lire, il m'a fallu m'y reprendre à plusieurs fois mais les 100 dernières pages ont été lues bien plus vite que les précédentes tant il me tardait de connaître la fin de cette enquête très complexe en bien des points…

Comme vous l'aurez compris, ce premier tome a été une excellente découverte. Même s'il a été long à lire, j'ai apprécié découvrir cette région du monde en plein apartheid où les règles étaient bien différentes suivant les « races » et les circonstances. J'ai longtemps cru que l'inspecteur Cooper était « noir » du fait du comportement des autres vis-à-vis de lui. Malla Nunn a écrit 4 romans avec l'inspecteur Cooper mais seulement deux ont été traduits en français. C'est dommage car ça nous permet de voir une réalité non décrite dans les livres d'histoire. Je remercie Pat0212 de m'avoir aidé à le sortir de ma pal, il n'aurait pas dû y rester autant de temps. Je conseille donc aux amateurs de romans policiers dépaysants de découvrir cette auteure et sa série en plein coeur de l'apartheid. Pour ma part, je me procure le tome 2 dès que possible et je pisterai si la suite sera traduite, bien que cela m'étonnerait, le tome 1 a quasi 10 ans.

Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Roman de Malla Nunn. Premier tome d'une trilogie.

Septembre 1952 à Jacob's Rest. le capitaine de police Willem Pretorius est retrouvé mort sur la rive du fleuve qui sépare l'Afrique du Sud du Mozambique. La famille Pretorius incarne les valeurs du National Party et des Afrikaners et observe strictement un mode de vie fondé sur la religion et le ségrégationnisme. "Huit ans après les plages de Normandie et les ruines de Berlin, on parlait encore d'esprit afrikaners et de pureté de la race dans les plaines africaines." (p. 12) L'inspecteur-chef Emmanuel Cooper, de Johannesburg, est "envoyé en solo sur le meurtre [de ce] capitaine de police blanc." (p. 11) D'emblée, il comprend que son enquête sera semée d'embûches : les cinq fils Pretorius ne laissent rien entacher la mémoire de leur père et la Security Branch s'empare de l'affaire sous prétexte de déjouer un complot communiste. Emmanuel Cooper est rapidement écarté de l'affaire mais il est convaincu que "l'assassinat du capitaine [est] indissociable des secrets et mensonges de la petite ville et [n'a] rien à voir avec un complot communiste élaborer pour faire dérailler le National Party." (p. 287) Jacob's Rest est un bourg perdu qui vit au rythme de la famille Pretorius et qui palpite de secrets qui ne le restent pas longtemps. le capitaine Pretorius a développé un attrait pour la culture cafre et zoulou bien difficile à conciler avec les prétentions de pureté affichées par son clan. La ligne de couleur a été franchie. Au-delà d'une histoire de moeurs et de sordide trafic, l'enquête révèle les noirceurs de la nature humaine et échoue à déterminer le prix d'une vie.

Le passé de l'inspecteur Cooper s'esquisse subtilement dans ce premier tome. le souvenir d'un sergent-major le hante et l'aide à progresser dans ses réflexions. Ce souvenir ravive également des pans de passé enfouis sous le remords et la douleur : on aperçoit une épouse, Angela, des images de la seconde guerre mondiale, des cauchemars, des origines incertaines et de nombreux secrets. Si Cooper est tout d'abord un personnage solitaire voire esseulé, il renoue avec le genre humain à mesure que l'enquête progresse. Il fait fi des préjugés raciaux et forme un trio bigarré avec le policier zoulou Shabalala et le docteur juif allemand Zweigmann. Emmanuel Cooper est une nouvelle figure de policier. Principalement désigné par son prénom, il est plus humain et plus accessible que certains personnages archétypaux des récits policiers qui me hérissent d'ordinaire le poil ! Sous la carapace affichée se dessinent des failles que le second tome - j'espère - contribuera à faire éclater pour révéler davantage le personnage et son passé.

Le roman de Malla Nunn est intéressant à plus d'un titre. D'une part, l'intrigue est finement menée, suffisamment complexe pour faire travailler les méninges à plein régime mais parfaitement maîtrisée et sans incohérence. Les coupables - puisqu'il y a plusieurs affaires mais je n'en dirai pas davantage - s'ils sont démasqués, courent toujours. Et la chute du roman n'est en rien une porte qui se ferme. On reste clairement sur sa faim dans l'attente du second tome (à paraître en 2012) dont les alléchantes premières pages sont offertes en conclusion.

D'autre part, le roman dépeint autre chose de l'Afrique du Sud que ses paysages paradisiaques. le titre français est éloquent, le titre original davantage encore : A Beautiful Place to Die. Les lieux sont superbes, certes. La nature est à la fois poétiquement sauvage et magnifiquement indomptable mais la nature humaine n'est que laideur ou vilenie sous le coup des lois d'immoralité publiées par le National Party, lois qui verrouillent la société. Les relations entre noirs et blancs sont encodées de telle façon que tout acte devient suspect et condamnable. "Les nouvelles lois ségrégationnistes officialisaient l'idée que la tribu noire et la tribu blanche avaient été créées par Dieu pour vivre séparées et se développer parallèlement. Chacune avait sa propre sphère naturelle." (p. 187) Les comportements extrêmistes s'érigent en rempart contre une prétendue contamination de la race : "Les leaders de la tribu afrikaners faisaient grand cas des liens du sang. Leur organisation la plus secrète, le Broederbond, signifiait 'Les Frères de sang'. Que se passait-il quand le lien franchissait la ligne de couleur et rattachait le noir au blanc?" (p. 140) L'auteure présente l'apartheid sud-africain sous toutes ses couleurs : les Afrikaners, les Indiens, les métis, les Bantous, les Cafres, les Zoulous, les hommes, les femmes. La conclusion est simple : personne n'est blanc comme neige ni noir comme diable.

Je termine avec une phrase qui m'a saisie à la lecture. Il me semble que, au-delà du pays où se déroule l'intrigue et sans précision d'origine, cette situation s'applique encore trop souvent."En Afrique du Sud, les Noirs avaient besoin de si peu. Un peu moins chaque jour, c'était la règle générale." (p. 18) Ce premier tome est une réussite qui me réconcilie avec le genre.

Un grand merci à Pierre K. de Babelio et à Nina Salter des éditions Des Deux Terres pour m'avoir permis de lire ce premier tome très alléchant !
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Merci à Babélio et à la jeune Maison d'Edition Des Deux Terres (2003) de m'avoir donné l'opportunité de découvrir la première enquête de l'inspecteur Cooper dû à la plume de Malla Nunn.


Nous sommes loin des brumes londoniennes de Holmes et Watson, loin du high-tea des policiers victoriens, loin du boulevard Richard Lenoir où flotte toujours l'ombre de Maigret, nous sommes bien dans "d'autres terres". Et c'est ce qui rend ce policier particulier, intéressant et interpellant. Car au-delà d'une simple enquête policière exaltante, c'est l'Histoire d'un pays, d'une nature, d'habitudes, de moeurs, de morale, de catégories sociales qui nous claquent au visage.

1952, Afrique du Sud, le veldt, un corps, pas n'importe lequel : celui du capitaine Pretorius, un blanc, un afrikaner. C'est toute l'horreur de la ségrégation sociale qui s'élève au faîte de la violence la plus vile. Les blancs (opposition entre anglais et hollandais), les métis (à qui la partie de sang noir empêche pleinement leur reconnaissance...) et les noirs (qui, selon les lois de l'apartheid, spirituellement ne sont pas des êtres humains à part entière), tout ce monde se côtoie, s'évite, se méprise, se hait. La vie n'a pas le même prix selon que l'on soit blanc, sang mêlé ou zoulou.

Un inspecteur-chef de Jo'burg, Emmanuel Cooper, chargé de l'enquête, devra tirer "prudemment" tous ces fils, comprendre les non-dits, dominer ses répulsions pour arriver à démêler l'écheveau. Par le cafre, on le suit d'une communauté à l'autre, on comprend son respect et sa méfiance. le plus terrible est encore cette loi sur l'immoralité (qui transforme la réelle immoralité en quelque chose d'inexistant), la chasse au communiste, la rivalité et la cruauté de la "Security Branch" qui pourrit le pays au nom d'une société sans morale : l'homme dans toute sa splendeur bestiale... Chez les Boers, la religion offre une fois de plus une dimension proche de l'exaltation démente qui fait perdre leurs repères aux faibles d'esprit (la mère - le jeune fils Pretorius). Tous les actes répréhensibles commis viennent des interdits : victimes (le père - le fils - l'anglais King) et Victimes (Davida...). Les personnages qui entourent l'inspecteur sont aussi marqués par ce lien de dépendance que représentent leur attachement au maître et le cheminement qu'ils devront accomplir pour accepter les faits. L'ombre des années de guerre 1940-1945 sont continuellement présentes dans les "maux de tête" de l'inspecteur revenu au pays qu'il aime : d'une souffrance à une autre. La présence de Zweigman (le docteur juif à l'épouse apeurée) reste mystérieuse mais évocatrice d'autres maux.

Le livre emmène de page en page dans un univers étouffant, violent, d'une densité psychologique qui remue, d'une réalité sociologique effarante (tenter de s'en sortir par des études pour une métisse est impossible, se faire passer pour blanc et renoncer à son identité...). le souffle qui entraîne ne laisse aucun répit à la flânerie, il assène les vérités que nous "digérons" mal mais c'est ainsi, on ne peut réécrire L Histoire. Nous faire comprendre ce pays est une gageure réussie. Plus que l'écriture d'un policier, l'auteur campe une Afrique du Sud de 1952 dans tout ce qu'elle avait de... je cite une de ses phrases : "le sommet de la pyramide du mal". L'extrême fin du roman laisse une porte ouverte à un certain espoir qui pourrait ne pas être utopique... L'enquête policière est tout à fait crédible, on la suit et on commence à deviner qui est le coupable lorsque Cooper lui-même y parvient.

Malla Nunn est "aussi cinéaste et a trois films à son actif", cela se ressent : l' écriture alerte racontant lieux, personnages et dialogues rendent la lecture très visuelle.

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Emmanuel Cooper, inspecteur de police, débarqué de Johannesburg, est envoyé sur le terrain où le cadavre du capitaine de police local vient d'être découvert. Assez vite, il va se rendre compte que l'affaire est bien plus compliquée qu'il n'y paraît. le fait que la Security Branch s'impose dans l'enquête ne fait que renforcer son malaise...

J'ai beaucoup aimé ce roman policier qui nous plonge dans le veldt sud-africain, à la frontière avec le Mozambique, en plein Apartheid. le personnage d'Emmanuel Cooper est très intéressant et n'est pas facile à apprivoiser. Comme un deuxième roman de l'autrice swatinienne a été traduit en français, je vais m'empresser de l'acquérir pour poursuivre ma découverte de cet inspecteur pas comme les autres.

L'intrigue en elle-même tient la route jusqu'au bout et la fin du roman est assez étonnante. J'ai beaucoup aimé le contexte historique dans lequel Malla Nunn a placé son récit. Si j'avais déjà une bonne idée de la complexité des relations politiques dans la police avec les romans de Deon Meyer, ici, ce sont d'autres facettes qui nous sont livrées. En effet, à l'inverse de son homologue masculin, l'autrice a choisi le début des années 50 comme toile de fond et pas le 21e siècle. A cette époque, l'Apartheid est en place depuis moins de 5 ans et les relations entre les différentes communautés sont strictement réglementées et le climat politico-judiciaire très tendu. En mêlant blancs, noirs et métis, Afrikaners, juifs et zoulous, l'autrice dresse un portrait saisissant et sans concession de la complexité des relations entre les sud-africains de cette époque.

L'équilibre entre récit historique et polar est parfaitement atteint dans ce premier tome et devrait ravir les amateurs des deux genres.
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Ce livre nous avait été proposé dans le cadre de l'opération Masse Critique par l'équipe de Babelio et les éditions des Deux Terres.
On a bien entendu saisi au vol (d'avion) l'occasion de retourner en Afrique du Sud après y avoir déjà été invités par Henning Mankell ou Deon Meyer.
Cette fois le voyage se fera en compagnie de Malla Nunn : elle est originaire du Swaziland et vit désormais en Australie.
Très agréable découverte que cette première (mais pas dernière) enquête de l'inspecteur Cooper.
Même si on peut regretter le titre français(1) passe partout, un peu racoleur, un peu hall de gare, sachant tout de même que le titre en VO ne valait guère mieux : A beautiful place to die.
Nous voici donc au début des années 50 dans un trou perdu du veldt, tout près de la frontière avec le Mozambique. À cette époque la doctrine de l'apartheid est en plein essor et fleurit sur les cendres du nazisme. le Nasionale Party (tiens, y'a encore de l'écho ?) et les Afrikaaners sont au mieux de leur forme. Sur fond de guerre froide, la Security Branch fait régner la terreur blanche, pourchassant tout ce qui est rouge ou noir.
Et puis ce jour-là ... dans ce trou perdu de la brousse, on découvre un cadavre au bord du fleuve.
Un cadavre de blanc. Un cadavre de flic. Un flic blanc qui descendait d'une noble lignée de Boers purs et durs.
Alors la Security Branch dépêche sa meilleure escouade de gros bras, avides d'épingler, que dis-je, de pendre un pauvre black à tendance rouge.On trouvera sûrement tout ce qu'il faut sur place : le bonhomme, les aveux et la corde.
Tandis que la police de Johannesburg envoie l'un de ses meilleurs inspecteurs, du genre qui veut attraper le vrai coupable. Pfff !
Le volet polar est sans reproche : une enquête difficile, des luttes de pouvoir, de lourds secrets qui devront remonter à la surface, de sombres histoires de famille et de village, ... tout y est.
Mais l'intérêt de ce bouquin est ailleurs : dans la description de cette Afrique qui n'arrive pas à dépasser (et il lui faudra encore de nombreuses années ...) les clivages entre l'arrogance des blancs arrogants d'un côté, la fierté des noirs de l'autre, et la peur des métis perdus au milieu.
On a déjà évoqué plus haut les cendres du nazisme : l'inspecteur Cooper a été traumatisé par on ne sait trop quels événements de la guerre et on retrouve même au centre de cette intrigue policière, un ancien toubib juif qui a subi on ne sait trop quelles horreurs. le décor est planté et ne laisse planer aucun doute sur la filiation de la doctrine du Nasionale Party qui tente d'éradiquer toute relation “inter-raciale”.
Mais voilà ... on est en Afrique. Paysages grandioses, chaleur moite, vigueur animale, tout cela exacerbe les désirs de pouvoir, de violence et de sexe.
Manifestement, selon Malla Nunn, la suprématie blanche n'avait aucune chance de résister bien longtemps à la pression contenue. La marmite bouillonne, quelque soit la couleur des légumes qui y mijotent.
Et l'on découvrira au fil de l'enquête que tout n'est pas noir ou blanc. Qu'il y a beaucoup, beaucoup de gris, de quelque côté que l'on se tourne : la place faite aux métis dans cette histoire est très instructive et dévoile tout un pan méconnu de cette Afrique du Sud dont avait seulement une photo en noir et blanc.
Vivement la prochaine enquête de l'inspecteur Cooper.
_________
Pour celles et ceux qui aiment l'Afrique. Noire, blanche ou chocolat.
Les éditions des Deux Terres éditent ces 390 pages qui datent de 2008 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Anne Rabinovitch.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Shabalala indiqua une rangée de boutiques serrées les unes contre les autres sous des plaques de tôle ondulée rouillée. Un sentier défoncé ajoutait à l ‘apparence délabrée des magasins, dont les portes s’ouvraient directement sur la rue. Le bazar de Khan embaumait les épices. A côté se trouvait un « dépôt de spiritueux » tenu par deux garçons métis qui jouaient aux cartes dehors. Puis l’épicerie-mercerie Poppies, qui menaçait de glisser de ses fondations en bois et de s’effondrer dans le terrain vague voisin.
De l’autre côté de la route, il y avait un garage incendié avec une pompe à essence carbonisée et des piles de pneus crevés. Un homme dégingandé couleur de noix se frayait patiemment un chemin dans les décombres, ramassant des briques et des bouts de métal tordus qu’il jetait dans une brouette.
Une femme noire passa tranquillement, un bébé attaché dans le dos, suivie d’un garçon métis qui poussait une petite voiture en fil de fer dans le sentier. Ni anglais, ni afrikaners. Ils avaient quitté l‘Afrique blanche.

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Emmanuel hocha la tête pour le remercier et s'engagea sur le chemin de terre. La brise faisait bruire les sous-bois et deux bouvreuils s'envolèrent. Il respira l'odeur de la terre humide et de l'herbe écrasée. Il se demanda ce qui l'attendait.

Au bas du sentier il atteignit la rive et regarda de l'autre côté. Le bas veldt scintillait sous un ciel limpide. Dans le lointain, les sommets bleus en dents de scie d'une chaîne de montagne brisaient l'horizon. L'Afrique pure. Comme sur les photos des magazines anglais qui vantaient les bienfaits de la migration.

Emmanuel commença à longer lentement la berge. Au bout de dix pas, il vit le corps.

Tout contre la rive, une homme flottait à plat ventre, les bras ouverts comme un parachutiste en chute libre. Emmanuel vit aussitôt l'uniforme de policier. Un capitaine. Les épaules larges, l'ossature puissante, les cheveux blonds coupés ras. Des petits poissons argentés dansaient autour de ce qui lui parut être une blessure par balle dans la tête et d'une entaille au milieu du dos imposant de l'homme. Un taillis de roseaux retenait le cadavre contre le courant.
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- Je ne le vois pas, répondit le garçon. Peut-être qu'il n'est pas là.

- S'il est en vie, il est ici. Continuez de chercher.

- C'est ce que je fais. Hansie prit un air maussade tandis que la foule se pressait hors de l'enclos paroissial.

Une fille brune bien roulée se fraya un chemin vers la rue.

- C'est Elliott King avec les cheveux châtains et les gros seins ? demanda Emmanuel.

- Non. Le jeune policier eut un hoquet de surprise. M. King est blond.

Emmanuel crut que Hansie plaisantait, mais aucune étincelle ne brillait dans les yeux d'un bleu intense qu'animait seulement un désir adolescent de se rapprocher de la boîte de friandises. Un puissant mélange de tristesse et de nostalgie avait absorbé la dernière parcelle d'énergie d'un cerveau qui ne disposait d'aucun groupe électrogène de secours.
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- Il était quelle heure ? demanda Emmanuel à Shabalala.
- Six heures passées, répondit le policier noir.
- Il leur suffit de regarder le soleil, expliqua obligeamment Hansie. Ils n'ont pas besoin d'horloges comme nous.
En Afrique du Sud, les Noirs avaient besoin de si peu. Un peu moins chaque jour, c'était la règle générale. Le métier d'inspecteur était l'un des rares à ne pas être soumis à la loi interdisant le contact entre les races. Les inspecteurs de police révélaient les faits, présentaient le dossier et fournissait des pièces à conviction au tribunal pour étayer les charges. Commis par un Blanc, un Noir, un métis ou un Indien, le meurtre était un crime capital quelle que fût la race de son auteur.
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... la campagne de défiance n'avait aucune chance de retomber. Le Premier ministre Malan* et le National Party avaient commencé à exécuter leur plan dès qu'ils étaient arrivés au pouvoir. Les nouvelles lois ségrégationnistes divisaient les gens en groupes raciaux, leur disaient où ils pouvaient vivre et où il avaient le droit de travailler. La loi sur l'immoralité allait jusqu'à leur stipuler avec qui ils pouvaient coucher, et qui ils avaient le droit d'aimer.


* Pasteur de l'Église réformée hollandaise, journaliste et homme politique sud-africain, premier ministre de l'Union Sud-africaine de 1948 à 1954, période durant laquelle son gouvernement instaure la politique d'apartheid.
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