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Critique de raton-liseur


J'ai découvert Nuala O'Faolain par une lecture de The Story of Chicago May, un livre dont le sujet autant que son traitement m'avaient beaucoup plus, mais la belle langue dépassant mon niveau d'anglais m'a incitée à continuer ma découverte de cette auteure en français. J'ai enfin ouvert Best love Rosie, qui était dans ma bibliothèque depuis bien longtemps, peu attirée par le résumé, mais curieuse d'enfin me frotter de nouveau à cette plume.
Et je dois dire d'emblée que j'ai beaucoup aimé ce livre. Peut-être parce qu'il vient à un moment où la vie me fait réfléchir sur les sujets qu'il aborde, peut-être parce que je me suis retrouvée dans le personnage de Rosie la vagabonde plus que je ne m'y attendais, un peu de tout cela et d'autres choses encore plus personnelles je suppose. Il est question dans ce livre du temps qui passe, de la vieillesse, de la transmission familiale, du sentiment d'appartenance, de racines. Beaucoup de thèmes qui trouvent un écho en moi, moi qui ait papillonné souvent au gré de mon travail, moi qui voit les générations avant moi vieillir et emporter une partie de notre histoire familiale, moi qui voit la génération suivante s'emparer de ce matériau pour en faire sa propre vie et sa propre histoire. Je me retrouve dans les interrogations de Rosie bien que mes choix amoureux et familiaux n'aient pas été les siens, et ce livre m'a fait partir loin à l'intérieur de moi, même si ces tâches brunes que l'on appelle avec cynisme ou poésie, c'est selon, les « fleurs de cimetière » ne fleurissent pas encore sur mes mains.

Pour arrêter cette introspection trop personnelle et revenir au livre, Nuala O'Faolain offre au lecteur le portrait de deux femmes. Rosie d'abord, la narratrice, partie très jeune d'Irlande pour vivre une vie conforme à ses rêves de féministe convaincue. A cinquante ans passés et après une vie riche de plaisirs intellectuels, une belle carrière et de nombreux amants, elle revient dans la maison de son enfance pour prendre soin de la tante qui l'a élevée. Min, la deuxième donc, est cette tante qui a aujourd'hui soixante-dix ans et qui a oublié sa propre vie pour prendre soin du mari et de l'enfant, qui s'est pliée aux traditions et y a noyé ses rêves, comme elle se noie maintenant dans la dépression et l'alcool. Les retrouvailles ne se passent pas comme Rosie les avait imaginées, et dans ce livre où la place est faite à l'introspection et aux petits instants de la vie, chaque femme évoluera à sa manière, trouvant au hasard de la vie ce qu'il lui manquait pour que cette vie soit un peu plus complète, des racines pour celle qui s'était un peu perdue en route, de l'aventure pour celle qui n'osait plus rêver.
Avec le portrait de Rosie en premier plan et celui de Min un peu plus en retrait car elle est vue à travers les yeux de Rosie justement, je ne voudrais pas oublier de mentionner toute la bande d'amis qui gravite autour de Rosie, des amis d'enfance qui eux aussi doivent accepter de se voir vieillir. Il y a bien quelques hommes aussi dans cette histoire, mais ils n'occupent jamais le centre de la scène et n'ont d'autre existence narrative que la relation qu'ils ont avec Rosie ou d'autres femmes, que dans l'archétype qu'ils illustrent, que ce soit l'amour de jeunesse, l'ancien amant ou bien l'ami de toujours. Et bien sûr, en toile de fond, une Irlande merveilleusement belle, tellement belle qu'elle semble plus le port d'attache rêvé au cours d'une vie d'errance qu'un lieu tangible.

Si c'est un livre de réflexion d'une femme qui doit trouver de nouveaux repères pour une nouvelle étape de sa vie, qui doit accepter le renoncement mais aussi trouver un nouveau souffle, j'y vois avant tout un livre plein d'un optimisme serein.
Même si certains ressorts de l'histoire m'ont semblé un peu artificiels, comme l'écriture d'un livre de développement personnel pour femmes de la cinquantaine, j'ai aimé la prose de Nuala O'Faolain, pleine de délicatesse, capable d'exprimer les non-dits d'une société peu encline è exprimer ses sentiments.
Dernier livre de l'auteur, publié après sa mort, il reste assez ouvert pour que chacun puisse imaginer la Rosie qui sera, et celle que chacun de nous devra devenir aussi. J'espère que Nuala O'Faolain avait trouvé sa propre voie, avait fait la paix avec ce temps qui passe pour en faire ce dont elle avait besoin ou rêvait à cette étape de sa vie. Un très bel exercice littéraire, une très belle lecture, et l'envie de continuer à lire à petite dose les trop rares livres de cette auteure qui dit si bien la complexité de nos vies toutes simples.
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