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EAN : 9782823605303
392 pages
Editions de l'Olivier (18/08/2016)
3.57/5   63 notes
Résumé :
En 1937, Francis Scott Fitzgerald devient scénariste pour la Metro Goldwyn Mayer. C’est l’Âge d’Or d’Hollywood, du jazz et des parties mémorables. Ses collègues se nomment Dorothy Parker, Humphrey Bogart, Ernest Hemingway, Greta Garbo. Or, loin de sa chère Zelda, internée, et de sa fille Scottie, Fitzgerald est perdu. Il tente de préserver sa vie de famille, mais tombe amoureux de la journaliste Sheilah Graham.

Ces trois dernières années sont celles d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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TRISTE EST LE CRÉPUSCULE...

Être et avoir été : ainsi pourrait se résumer, un peu rapidement certes, mais non sans une certaine vérité, l'existence de nombreuses comètes des arts et de la littérature. Dans une très large mesure, ce fut la destinée, presque aussi brève que celle d'une étoile filante, du romancier américain Francis Scott Fitzgerald. Car s'il survécut d'une dizaine d'années à ses années de munificence dispendieuse, auréolée d'une aura sulfureuse de jet-setteur impénitent, de fêtard céleste - pour détourner la formule de Jack Kerouac, autre future météore de la littérature d'outre-Atlantique -, d'alcoolique mondain des soirées parisiennes, d'habitué des grands hôtels de la Riviera française ou des stations alpines en vogue. Dix ans pour se faire un nom dans le monde des lettres et briller au firmament des "stars", dix autres pour décliner, se faire presque oublier et mourir : tel fut le destin tragique de l'auteur considéré comme le chef de file de la "Lost Generation" - la Génération perdue, en bon français - parmi laquelle on retrouve Ernest Hemingway (dont Scott contribua assez largement à lancer la carrière), Gertrude Stein (à qui l'on doit cette appellation), John Dos Passos, John Steinbeck, Ezra Pound ou encore T.S. Eliot, dont les oeuvres, pour dissemblables qu'elles soient, ont pour point commun de s'être croisés à Paris, avec l'éditrice Sylvia Beach comme principal point de ralliement, mais, plus encore, de conter un certain désenchantement de la société américaine dans ce que nous nommons aujourd'hui "l'entre-deux guerres" mais qui a vu s'effondrer, aux USA comme chez nous, une certaine manière de concevoir le monde, une vision transcendantale de l'existence - celle, par exemple, à laquelle s'attachera encore un Jack London jusqu'à sa mort en 1916, persuadé, à travers le filtre de ses lectures d'un Spencer ou d'un Nietzsche qu'un avenir humain meilleur était possible, même si très lointain -. Alors qu'un John Steinbeck ira se frotter au monde pauvre du prolétariat américain, qu'un Ernest Hemingway lorgnera du côté de la fin de l'Europe comme source des valeur humanistes (avec "Pour qui sonne le glas ", son roman le plus célèbre) après s'être intéressé à une jeunesse sans repère suite à l'implication étasunienne dans la Grande Boucherie de 14-18 ("L'Adieu aux armes"); quant à Fitzgerald, s'il se penche sur le monde des très riches, c'est pour mieux en montrer le vide, la fatuité, l'absurdité de leurs rêves de grandeur et de faste dans un monde dont les valeurs s'écroulent tout autour d'eux (en cela, l'oeuvre de Fitzgerald peut être lue comme un lointain écho américain à celle de Marcel Proust).

Cependant, au-delà de cette célébrité de papier (qu'il n'obtint d'ailleurs définitivement qu'après sa mort), Francis Scott Fitzgerald ne serait pas lui-même sans son égérie fatale, sa muse maudite, cette jeune fille de dix-huit ans, née dans une famille aisée et notable de Montgomery en Alabama, cette jeune femme belle et indomptable, enthousiaste et cruelle que Scott surnommera "la première garçonne américaine" ! le couple, qui se mariera vite, fera dès lors les gros titres de la presse à scandale et les beaux jours de la chronique mondaine de ces années dites "folles", dans l'effervescence de ces années jazz, de la vague du Charleston, du champagne qui peut enfin couler à nouveau à grands flots, d'une certaine insouciance désaxée qui mènera Zelda à la Schizophrénie et Fitzgerald à la ruine... Mais n'anticipons pas.

1937. Francis Scott Fitzgerald n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut une petite décennie plus tôt. Il ne lui reste presque plus un dollar, il a contracté des dettes auprès de son principal agent tandis que ses nouvelles se vendent bon an, mal an dans les revues. Zelda est dans une institution spécialisée, très onéreuse, malgré les dénégations de la belle-famille à vouoir la récupérer et la volonté, a priori sincère, de son épouse de s'en sortir. Mais la schizophrénie est une maladie avec laquelle on ne compose pas. Quant à Scottie, leur seule fille, sa pension n'est pas des plus abordables, seulement Francis souhaite le mieux pour elle, bien qu'il s'en veuille quotidiennement d'être un père à distance. C'est ainsi que, malgré des expériences antérieures assez décevantes sauf en compagnie du producteur Irvin Thalberg malheureusement trop tôt décédé, Francis Scott se retrouve une nouvelle fois à Hollywood en qualité de scénariste. C'est à peu près dans ces conditions que nous le retrouvons dans ce roman biographique, Derniers feux sur Sunset, de Stewart O'Nan.
On comprend très vite qu'avant toute autre chose, Scott a besoin de gagner sa croûte. Sa fascination, modérée, pour Hollywood est morte avec le décès de son modèle en matière de production cinématographique et s'il apprécie croiser certaines stars de son époque, c'est peu de dire que ce boulot n'est, pour lui, qu'un moyen de régler ses dettes et de permettre à sa famille de s'en sortir. Consciencieux malgré tout, il va se jeter dans son job à corps perdu, oubliant même, dans un premier temps, de boire - ce vice dont rien ne semble pouvoir le détacher et pour lequel il traîne une réputation assez désastreuse -. Chassez le naturel, il revient au galop : retrouvant de vieux amis qui vont lui dégoter un modeste logement dans une propriété construite par une vedette déchue du cinéma muet, il va croiser la faune interlope de cette période dorée du cinéma hollywoodien (malgré les bruits de botte, les mises en garde d'un Ernest Hemingway engagé mais hautain), Humphrey Bogart, Bogie pour les intimes, et sa futur (troisième) épouse, Mayo Methot, parmi d'autres. Mais c'est la rencontre avec une "gossip girl", une échotière, de dix ans plus jeune que lui mais qui se fait passer pour plus jeune encore, qui va transformer, subjuguer les trois dernières années de la vie de l'écrivain. Malgré la culpabilité à l'égard d'une épouse qu'il n'aime pourtant plus, mais qui importa tant.

Il se trouve de beaux et captivants moments dans la proposition romancée mais très documentée que Stewart O'Nan nous fait de cette fin sans relief d'un auteur essoufflé, exsangue, revenu de tout. On pense même tenir un réel petit chef d'oeuvre dans les quelques cent premières pages de l'ouvrage : tout y est juste, des rapports difficiles et inextricables avec Zelda, imprévisiblement malade, des rapports compliqués avec une fille unique qu'il aime mais qui lui devient peu à peu étrangère, de la chute sans fin d'une notoriété déjà oubliée par la plupart, se concrétisant par une recherche permanente de liquidités, une fierté constamment ravalée - malgré l'orgueil d'avoir été et de n'être plus - auprès des grandes maisons de production de cinéma où il n'est guère qu'un nom parmi d'autres, et même sans doute moins (l'exemple d'Aldous Huxley est régulièrement mis en avant, qui gagne bien mieux sa vie que lui à Hollywood pour le même travail). Pour preuve ces scénarios sur lesquels on le projette pour quelques semaines et pour lesquels il ne travaille que quelques paires de jours, la plupart du temps avant qu'ils soient purement et simplement abandonnés, ou encore remplacé sans explication. Ainsi de celui d'Autant en emporte le vent, l'un des plus grands chef d'oeuvres de l'époque, pour lequel il ne sera qu'un parmi la grosse dizaine de scénaristes non crédités au générique.

Mais très vite O'Nan se laisse envahir par la folie, la fascination Hollywood et, à force de détails, de noms, d'exemples, de technicité, il fini par proposer un résumé assez plat et répétitif de cette vie certes guère passionnante des coulisses peu reluisantes d'Hollywood, capable et coupable des pires compromissions - "money is money" - avec l'hitlérisme triomphant des années trente. Tout cela est sans nul doute très proche d'une certaine réalité, mais n'intéressera probablement que les passionnés du genre et de la spécialité. L'ennui c'est qu'il passe alors à travers son sujet - la fin décourageante et mélancolique d'un grand de la littérature américaine, tellement en phase, malgré lui, avec ce qu'il avait pu décrire et prévoir de ce monde en perdition de l'après "Der des Der". Ou bien il eut fallu n'avoir qu'un sujet au lieu de deux, Hollywood et Fitzgerald, difficiles pour ne pas dire impossibles à mener de front sans que les deux s'annihilent progressivement. On lit ainsi, sans difficulté particulière mais sans grand enthousiasme, une grosse moitié de l'ouvrage. Peut-être l'auteur s'ennuie-t-il aussi à raconter une histoire d'amour - celle entre Scott et Sheilah - qui ne l'intéresse pas tant que cela malgré l'importance qu'il s'acharne à lui donner ? Il est vrai que, par delà les idées que l'on peut se faire de la haute société d'alors, ou de celle du spectacle, ces gens-là sont bien convenables, pudibonds parfois, bourgeois dans le sens le plus restrictif, au-delà des apparences mondaines et des soirées alcoolisées.
Et puis, petit miracle, il suffit que Fitzgerald se retrouve en compagnie d'un jeunot, fils du PDG de la Paramount, que ces deux là fassent les quatre cents coups sur un temps pourtant bref, pour que le roman reprenne vigueur, souffle et corps. A partir de là, et jusqu'à la fin tragiquement triste, pathétique de Fitzgerald, de ce monstre sacré, qu'on aime ou pas son oeuvre, l'auteur de "Nos plus beaux souvenirs" et de "Emily" accroche son lecteur, lui montre des êtres au bord de la rupture, du drame (qui se noue sans que rien semble pouvoir être fait pour l'empêcher), d'un écrivain, presque vieillard de quarante-quatre ans qui retrouve, vraiment, le goût d'écrire, même si l'on avait senti, au fil des plates pages précédentes, que cette urgence ne l'a jamais vraiment quittée, même après l'échec commercial et critique retentissant de son "Tendre est la nuit". Cela s'était seulement perdu au fil d'un texte alors devenu atone, quasi documentaire. Dès lors, O'Nan joue de toutes ses qualités d'écrivain rusé, intelligent, passionné qui connait son sujet sur le bout de ses ongles mais qui parvient, enfin, à s'en détacher ; qui comprend, mieux que quiconque comment cette fin tragiquement médiocre d'un être ayant porté quelque chose de sublime en lui, quelques années auparavant, aurait pu se terminer autrement, non en bête happy-end hollywoodien bien sûr, mais en dernier acte à la dimension shakespearienne, sublime et poignante. Il n'en fût rien, hélas pour la littérature comme pour l'homme, ce que Stewart O'Nan indique, à la manière d'un début de piste en introduction de son roman, reprenant cette phrase de Scott : «Il n'y a pas de deuxième acte dans les vies américaines.»

Peut s'en faut, et c'est réellement dommage, que cet ouvrage donne une direction quasi faustienne à son projet, qu'il dépasse l'anecdotique pour entrer dans le vif de son sujet, lequel déborde dans une certaine mesure la simple existence d'un écrivain à bout de souffle, de ces dernières relents de légèreté d'avant la monstruosité nazie. C'est un peu comme si, submergé par l'immensité de la tâche, et de sa très probable sincère admiration pour l'auteur autant que pour les ouvrages de celui-ci, il s'était freiné, empêché de sublimer ce destin, au risque, peut-être, de le trahir, de le transgresser d'un strict point de vue biographique mais pour en faire quelque chose d'approchant bien mieux d'une vérité que les dates et les faits bruts ne savent que bien rarement transmettre. Un bon livre, sans doute, mais qui décevra parce qu'il ne parvient pas à aller au-delà de la vraisemblance.
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Roman flirtant avec la biographie, Stuart O'Nan retrace les dernières années de Scott Fitzgerald, sa carrière laborieuse de scénariste à Hollywood, le lent délitement de son mariage avec Zelda en proie à la maladie mentale et sa dernière histoire d'amour avec Sheila Graham. Les années folles comme si vous y étiez...

Une lecture agréable mais pas enthousiasmante
Le danger quand on s'attaque à la vie d'un grand écrivain, c'est qu'on ne peut s'empêcher d'imaginer ce que Fitzgerald aurait fait de cette matière, et comme un écho à ce regret, les passages les plus émouvants sont ceux tirés des lettres de l'auteur...
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Sur le mode de la biographie romancée, Stewart O'Nan revisite ici les trois dernières années de la vie de Francis Scott Fitgzerald, entre 1937 et 1940 cette l'expérience hollywoodienne d'un Francis Scott Fitzgerald ne le sait pas encore mais il vit ses dernières années. où il a tenté d'être scénariste.

O'Nan recrée avec précision et une belle plume l'Hollywood d'avant-guerre ; et nous propose une excellente biographie romancée, hyper-documentée et pourtant d'une lecture fluide et montre avec justesse les états d'âme de Fitzgerald, surtout par rapport à son épouse Zelda, entre deux séjours à l'hôpital et deux crisesn'est plus que l'ombre de la légende qu'elle a été
Pendant près de quatre cents pages, on est plongé dans l'intimité vibrante d'un homme et d'un auteur et se crée devant nos yeux ébahis, la très réussie rencontre entre deux grands auteurs.

Ces beaux et fragiles Derniers Feux sur Sunset est donc un passionnant roman sur le Hollywood de la seconde moitié des années trente dont le personnage principal est un certain Francis Scott Fitzgerald.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Il avait oublié combien le coucher de soleil pouvait s'éterniser sur le Pacifique et comment, dès qu'il disparaissait à l'horizon, la nuit tombait d'un coup, tel un rideau de scène

Roman, roman..... je dirais plutôt biographie romancée, oui c'est cela même si la vie de Francis Scott Fitgerald est un roman, passant de la splendeur aux ténèbres.

Il n'y a pas de deuxième acte dans les vies américaines (F.S. Fitzgerald - Epigraphe du livre)

Splendeur et déchéance..... une vie de paillettes, de bulles de champagne, de riviera, d'hôtels de luxe qui se termine en hôpital psychiatrique, en course au cachet, dans l'alcool et la misère à la veille de la deuxième guerrre mondiale.

Rien n'est impossible, tout ne faisait que commencer (F.S. Fitzgerald- Epigraphe du livre)

L'auteur retrace à travers ce récit les trois dernières années de l'écrivain américain, années de galère car criblé de dettes, Zelda, son grand amour est internée en hôpital psychiatrique car toujours très cyclique, très instable et imprévisible, sa fille Scottie pensionnaire dont il faut assurer les études, les vacances et lui, qui ne parvient plus à écrire un roman et qui se voit contraint de travailler comme scénariste pour Hollywood, pour des films le plus souvent de série B, n'ayant même plus un toit, un refuge. Tout a été dilapidé, consommé même leurs vies.

Il avait tellement l'habitude de poser sur elle un diagnostic, chaque manquement considéré comme un symptôme, qu'il ne pouvait plus s'en empêcher (p141)

Apparences trompeuses de ce monde, glamour de façade, mais qui se révèle manipulateur, broyeur et gangrené par l'argent, le pouvoir et l'alcool. On y côtoie Ernest Hemingway, Greta Garbo, Marlène Dietrich, Humphrey Bogart et sa femme Mayo, Vivien Leigh, Boris Selznick, Mankievicz, Clark Gable et bien d'autres. Attention connaître l'envers du décor peut parfois briser son rêve.

Mais Scott lui se perd, malgré sa rencontre avec Sheilah, jeune chroniqueuse, qui tentera de sauver cette âme déjà perdue avec son amour, sa bienveillance mais qui ne veut pas sombrer avec lui.

Trop à assumer dans sa vie présente, usé par sa vie passée il se battra jusqu'au bout pour Zelda, pour Scottie mais refusera de voir que la flamme de sa vie est déjà vacillante.

Récit assez documenté, détaillé, fidèle à la vie de l'écrivain mondain (j'ai vérifié à différentes reprises certains faits) pratiquement une biographie d'une fin de vie avec en toile de fond l'univers des grands studios cinématographiques, les coulisses des films, le travail d'écriture , de ses "nègres" qui doivent sortir des histoires qui correspondent aux intérêts, aux humeurs et aux égos des grands pontes des studios (grand ponte d'un jour mais pas grand ponte toujours car la chute de chacun peut être brutale et violente).

Mais l'ensemble tue et noie le récit même si j'ai malgré tout aimé cette lecture mais comme une page d'histoire. On suit la déchéance de l'homme, il court après l'argent, doit assumer les conséquences de leurs vies passées. On ne lui reconnaît désormais que peu de talent, son travail étant régulièrement remanié lui qui avait écrit Gatsby le Magnifique et Tendre est la nuit.

Ce qui m'a gêné dans la lecture ? Peut-être une certaine "platitude" par rapport à l'homme, aux lieux. Cela manque un peu de relief, c'est un peu lassant même. le côté biographique m'a plu mais un peu trop présent.  Voilà c'est cela, on a du mal à ressentir de l'émotion, de l'empathie, on suit la lente agonie d'un homme mais aussi peut être d'une époque, un dernier tour de piste avant les ténèbres mais sans que cela me touche. 

Une sorte de documentaire sur un écrivain déchu, sur les coulisses de Hollywood de la grande époque, celles des stars et des starlettes, mais avec des longueurs et une langueur qui rendent la lecture assez décevante en fin de compte. Un long chant du cygne, bien documenté mais qui n'apporte rien de plus à ce qui a été déjà écrit.....
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Je n'avais lu de Stewart O'Nan que l'excellent Des anges dans la neige mais me suis précipité dans ma petite librairie qui peine avant même la sortie du roman West of Sunset qui trace le portrait de Scott Fitzgerald lors de ses dernières années. le titre déjà m'enchantait. le mot Ouest à lui seul me fascine, couchant, crépuscule. du coup c'est un bien joli pléonasme que West of Sunset, ou Derniers feux sur Sunset. Même les cinéphiles moyens acquiesceront sur Sunset Boulevard, qui rappelons-le, commence par un cadavre dans la piscine. Mort et luxe sur la Côte Ouest.

Paradoxalement en cette année 1937 c'est le luxe qui est bien mort pour Fitz. Loin, si loin, les triomphes du Great Gatsby, la Côte d'Azur et les palaces parisiens, la folie jazz. Même Hem l'ami rival de la Closerie des Lilas a pris ses distances. Quant à la belle Zelda, elle s'empâte et déraisonne dans un asile de Caroline du Nord. Ruiné, abruti d'alcool, Scott n'est qu'un rameau desséché incapable de payer les soins de Zelda et les études de leur fille Scottie. Prince déchu, il n'a que 40 ans.

Grandeur et décadence ou mieux, enfin pire, gloire et déchéance, resteront les étoiles contraires de Scott Fitzgerald. Et c'est bien à Hollywood la perverse qui dévore ses enfants que se jouera le dernier acte. Il y tente de se refaire une (maigre) santé financière. Pour la santé tout court sait-il qu'il est déjà tard? Vaguement engagé comme scénariste, il n'apparaîtra quasiment jamais dans les génériques. On appelle ça uncredited. Et c'est bien vrai qu'il manque de crédit, de toutes sortes de crédits. Il faut savoir que les moghols du cinéma faisaient retoucher certains films par six ou huit scénaristes différents. Faulkner ou John O'Hara n'ont guère été mieux traités. Mais vous savez tout cela si vous faites partie des nombreux Européens à entretenir la flamme et le culte fitzgeraldiens.

Stewart O'Nan chronique les dernières années de l'ancienne coqueluche jet set avec beaucoup d'humanité, bien loin de l'hagiographie. Sa liaison avec Sheilah Graham, journaliste mondaine ne lui donne pas le beau rôle. Dorothy Parker, l'écrivain Thomas Wolfe (Genius, film récent le fera peut-être un peu plus lire en France), le grand metteur en scène Mankiewicz, mon patron Humphrey Bogart nanti de sa troisième femme, il y a mieux pour la sobriété. Fitz court le cachet, mais le fric n'arrive plus et l'auteur décrit fort bien la spirale des dettes version dernier nabab. Scott, le plus fragile de cette Lost Generation, est en approche finale. le roman est très attachant, très explicite sur le mirage hollywoodien, et sur ce grand boulevard qui mène au crépuscule. C'est un beau livre, Fitz y est ordinaire, c'est un grand compliment.

Pensant à Gstaad et Saint-Moritz, "Pourquoi le passé était-il toujours à double tranchant, ou bien la faute en était-elle au présent, si médiocre et si vide?"

A propos de sa relation avec Sheilah, vacillante, "Il avait du mal à accepter qu'ils ne soient plus un couple divertissant".Tout est dit, non?

Abus de name dropping de la part de Stewart O'Nan, diront certains. Pas faux et les surnoms, les diminutifs de la faune hollywoodienne peuvent alourdir le texte, notamment pour les "un peu moins" cinéphiles. Défaut mineur pour cette histoire d'un écrivain célébré, ignoré. Gatsby était la version Océan Atlantique, dorée mais fragile, destin tragique. Fitzgerald, les yeux vers le Pacifique, ne mourut surtout pas en pleine gloire. Un trajet américain...
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critiques presse (5)
Telerama
16 novembre 2016
Il parvient surtout à isoler, d'un trait neutre sur ce fond éclatant, l'ombre de celui qui s'efface, lié à jamais au passé qui se défait, se déforme et le hante (magnifiques pages sur Zelda internée).
Lire la critique sur le site : Telerama
LePoint
24 octobre 2016
Stewart O'Nan nous entraîne dans le sillage des derniers jours de Francis Scott Fitzgerald.
Lire la critique sur le site : LePoint
LaLibreBelgique
26 septembre 2016
Sur près de quatre cents pages, on est dans l’intimité vibrante d’un homme et d’un auteur. Ce, en toute fidélité avec l’œuvre de Fitzgerald.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Lexpress
12 septembre 2016
Stewart O'Nan se glisse dans les dernières ombres de Scott Fitzgerald, à Hollywood. Une délicatesse.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
08 septembre 2016
Stewart O'Nan s'attache aux derniers jours, pathétiques, de l'auteur de Gatsby
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Depuis les profondeurs de la nuit, comme un fantôme qui appelle à l'aide, Stahr * le réveilla. Il enfila son peignoir, tailla ses crayons et mit une bouilloire à chauffer. Il ouvrit son cahier et nota : «Stahr sait qu'il va mourir. La tragédie, ce n'est pas ça ; c'est Hollywood.»

[* Stahr est le personnage principal de l'ultime roman, posthume et inachevé, de Francis Scott Fitzgerald "Le dernier Nabab". Il est inspiré du producteur Irving Thalberg que l'auteur avait personnellement connu. Il meurt d'une pneumonie à l'âge de 37 ans.]
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Depuis leur rencontre [NB : F-S Fitzgerald + Ernest Hemingway], il avait toujours servi de conscience politique, sinon artistique, à Scott. Qu'il fût déçu, compatissant, ou les deux, son opinion comptait beaucoup pour lui.Chaque jour, durant plusieurs semaines, il s'attendait à recevoir une lettre, un coup de téléphone ou un télégramme, prêt, comme un pauvre pécheur, à accepter son verdict, mais Hemingway ne se manifesta jamais.
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Dès qu’il entra dans la résidence Les Jardins d’Allah, il se rendit compte qu’il était déjà venu lors de son dernier voyage. C’était une variation mauresque sur un complexe typique de Los Angeles, un cube formé d’appartements donnant sur un patio intérieur. La piscine, derrière le bâtiment central, avait la forme de la mer Noire, en hommage à Yalta où était née la propriétaire précédente, une actrice aux yeux fardés au khôl qui partageait la vedette avec Rudolph Valentino, réduite aujourd’hui à louer un appartement dans son propre immeuble. Il se rappela Tallula Bankhead, perchée nue à l’extrémité du plongeoir, les lignes de son corps aussi pures que celles des statuettes métalliques qui ornent le capot des voitures, éclusant son Martini et tendant royalement le verre à son assistante avant d’exécuter un saut acrobatique, si pareille à Zelda qu’il avait ressenti douloureusement l’absence de sa femme. Il ne parvenait pas à se rappeler si Benchley ou Dorothy se trouvaient là. Peut-être. Ces années lui revenaient comme des fantômes, nappées de brouillard. Bogart s’avança en sautillant pour saluer Scott dont il serra énergiquement la main en lui décochant son célèbre sourire de mauvais garçon un peu détraqué.

« Eh bien, eh bien… Scott Fitzgerald. Vous ne vous souvenez pas de moi, n’est-ce pas?
− Désolé, dit Scott.
− Vous m’avez laissé ce souvenir. » Il tourna la tête et désigna une cicatrice blanche à la commissure de ses lèvres à peine plus longue qu’un grain de riz.
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Los Angeles n'avait jamais été sa ville, et tandis que les cafés encore ouverts et les drive-in défilaient de part et d'autre, il se dit qu'il comprenait pourquoi. Malgré toute la beauté tropicale de cette ville, elle avait quelque chose de dur, elle manquait de charme, elle était d'une vulgarité aussi typiquement américaine que l'industrie cinématographique [...]. C'était une ville d'étrangers, mais au contraire de New York, le rêve que vendait L.A., comme tout lieu mythique, n'était pas un rêve de dépassement de soi mais de prospérité infinie, que seuls pouvaient atteindre les très riches et les morts.
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Je suis sûr que tu sais désormais que la vie ne nous offre qu'un nombre restreint de chances, et on regrette amèrement celles qu'on a laissé passer, que ce soit par paresse, par faiblesse ou par orgueil. Tout ce que je te demande, c'est de t'accrocher, quelles que soient les difficultés, pour que, quant tu auras mon âge, tu puisses regarder en arrière et te dire que tu as fait tout ce que tu pouvais. Ainsi se termine le leçon.
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Chronique du livre "Speed Queen" de Stewart O'Nan pour France 3.
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