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Hélène Prouteau (Traducteur)
EAN : 9782742722792
200 pages
Actes Sud (08/03/2001)
3.8/5   115 notes
Résumé :
En 1969, le sénateur Kennedy sort indemne d'un accident de voiture dans lequel périt la jeune femme qui l'accompagnait.

Ce roman électrique et lumineux imagine les dernières heures de la jeune femme, qui se noie lentement en compagnie de ses seuls souvenirs.
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Il fait nuit.
Une voiture quitte la route et tombe à l'eau ; le conducteur arrive à en sortir mais sa passagère sera retrouvée morte le lendemain.
Un accident.
Un banal fait divers comme il s'en produit tant.
Ce qui n'est pas banal, c'est l'identité du conducteur : le sénateur Ted Kennedy. C'est pourquoi ce drame fit couler beaucoup d'encre à l'époque (1969) et reste toujours dans les mémoires américaines des décennies plus tard.
Si vous ne connaissez pas cette histoire, je vous conseille de taper "affaire de Chappaquiddick" dans un moteur de recherche avant de démarrer votre lecture.
Ensuite, faites confiance à Joyce Carol Oates pour tout vous faire comprendre.

Le caractère éminemment dramatique de l'accident et ses circonstances assez floues ne pouvaient qu'inspirer la grande romancière qui rembobine en trente-deux petits chapitres la vie de la passagère.

On affirme communément qu'à l'approche de la mort on voit sa vie défiler : c'est ce qui arrive à la victime, qui se remémore des scènes de sa vie, depuis sa petite enfance jusqu'à sa rencontre toute fraîche avec le sénateur.
Par petites touches, Joyce Carol Oates brosse le portrait de la jeune femme, d'une façon en apparence un peu décousue, alternant faits importants ou anodins.
Mais tout est savamment calculé et les éléments s'assemblent parfaitement, comme les morceaux d'une mosaïque qui finit par donner une idée assez précise de qui était la malheureuse.

La grande dame de la littérature américaine ne prétend pas résoudre une affaire dont beaucoup de points restent obscurs mais en donne sa vision, tout en profitant pour mettre en avant certains thèmes qui lui sont chers, comme son opposition farouche à la peine de mort.
Plutôt coutumière des gros pavés, l'écrivaine fait ici dans le format court, mais arrive en très peu de pages à nous faire vivre le drame de l'intérieur en nous faisant partager l'angoisse de la claustration dans cette voiture qui prend l'eau inexorablement.
Le texte est court, mais le temps raconté semble très long au lecteur.
C'est sans doute ça, le talent.
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Si le titre français Reflets en eau trouble possède une tonalité poétique, je lui préfère pourtant le laconique Black Water de la version originale.

Avec cette grande novella, ou court roman comme on veut, Joyce Carol Oates signe un texte kaleidoscopique avec plusieurs strates de lecture. Comme toujours chez elle, son style est précis, les mots pesés et pensés en profondeur.
Dès la première phrase, on sait que l'accident est survenu et que la voiture s'enfonce dans les eaux noires et putrides d'un marécage. A bord un Sénateur d'un âge mature et Kelly, jeune femme de 26 ans qu'il vient de rencontrer et d'emporter (empocher?) lors d'une party pour le 4 juillet.

Reflets en eau trouble dénonce un scandale de l'adultère près d'être consommé. La party avait lieu sur une île du Maine. le Sénateur désirait attraper le ferry pour retrouver l'hôtel et y savourer les délices de sa fraîche conquête consentante au demeurant. Il engage la voiture sur une route qu'il prétend être un raccourci vers l'embarcadère. Symbolisme de la sortie du droit chemin avec toutes les connotations judéo chrétiennes que cela comporte. Et qui se vérifient puisque dans un virage de ce chemin détourné survient l'accident.

Autre lecture, plus allégorique : les nombreuses références à l'américanité (4 juillet, un homme politique américain, une Kelly ancienne étudiante en histoire politique des États-Unis, le leitmotiv ressassé par la jeune femme "Tu es Américaine", ...) renvoie à une défaillance des valeurs consacrées - blanches - de l'Amérique. Avec Kelly, c'est le pays et son idéologie qui plongent dans la fange noirâtre, nauséabonde et mortifère du marais des pensées et valeurs dévoyées. Oates aime tant gratter le vernis impeccable à première vue de l'Amérique contemporaine! L'histoire présente se situe en 1991, pendant la première guerre du Golfe. Mais l'auteure s'inspire d'un fait réel survenu en 1969. Ted Kennedy et sa maîtresse eurent un accident similaire où le politicien parvint à s'en sortir au détriment de sa partenaire. le roman reprend comme en un.miroir légèrement déformé ce drame de la circulation mais surtout drame de l'humanité devant le comportement de l'homme.

J'ai beaucoup apprécié ce récit même s'il m'a mis mal à l'aise plus d'une fois. Sa construction éclatée, comme un miroir brisé, peut être assez déroutante au départ mais on s'y fait vite. Je reste une fois de plus époustouflée par la puissance évocatrice et l'intelligence du récit de Mme Oates. Elle fixe la barre haute pour toute personne que la muse scripturale titille...
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Date : 18 juillet 1969.
Lieu : île de Chappaquiddick.

Une Oldsmobile Delta 88 sort de la route au niveau du Dick Bridge et s'enfonce dans la rivière. A son bord, Edward « Ted » Kennedy, frère cadet de John Fitzgerald Kennedy. le sénateur réussit à s'extirper de la voiture et à nager jusqu'à la rive. Il en sortira indemne. A ce moment précis, on peut se dire que pour une fois « la malédiction des Kennedy » fut vaincue. Mais, si seulement…il avait été seul dans la voiture. Une jeune femme, Mary Jo Kopechne, 29 ans, était présente à ses côtés. Elle fut retrouvée morte, noyée. Cet accident, sombre fait divers local, devint un scandale national.

Il fut reproché à Ted Kennedy de ne pas avoir mis tout en oeuvre pour sauver cette jeune femme. Ted semblait avoir notamment abusé de quelques bières (je l'ai toujours dit, ne jamais abuser de la bière – c'est mon adage) et autres alcools forts (je l'ai toujours dit, ne jamais abuser des alcools forts – c'est mon adage). Peut-on juste imaginer qu'il fut en léger état d'ébriété au moment de conduire sur ces routes délabrées et isolées illuminées par le halo blafard de la lune enchantée. Son permis de conduire avait expiré depuis plusieurs mois. Uns suspicion d'abus sexuel flotte aussi sur toutes les lèvres des journalistes. de plus, comment expliquer le fait que Ted n'appela ni les secours, ni la police, mais qu'une fois rentré à son hôtel, il s'entretint en priorité avec son avocat ? Il ne prévint les autorités locales que le lendemain, une fois que sa voiture fut découverte par la police.

Bien sur, il n'y a pas eu de condamnations pénales pour ce sénateur ambitieux visant les plus hautes fonctions gouvernementales (une peine de 2 mois avec sursis). Cependant, Ted Kennedy dut mettre un frein à ses ambitions présidentielles car dès lors qu'il voulut se présenter en 1980 aux primaires démocrates contre le président Jimmy Carter, le scandale de Chappaquiddick ressortit opportunément, obligeant le sénateur à déclarer forfait définitivement pour cette fonction suprême.

Voilà pour le côté « historique » de l'affaire. Passons maintenant au roman, puisqu'il s'agit avant tout de parler d'un livre triste et cruel…

Changement de date, changement de noms mais le lieu reste identique, l'île de Chappaquiddick. Les faits, aussi…

Black Water (Reflets en Eau Trouble).

Grâce à cette courte nouvelle de Joyce Carol Oates, je découvre entre horreur et stupeur les dernières heures de cette jeune fille, peut-être un peu trop naïve, certainement trop humaine pour un monde politique qui n'a décidément rien d'humain. Et cette sensation malsaine de voir sombrer la voiture dans un ruisseau boueux, une eau noire nauséabonde qui s'engouffre à l'intérieur, chassant inévitablement le peu d'air à disposition, véritables molécules de survie. Et cette jeune fille qui s'accroche à ses espérances comme à la moindre bulle d'oxygène et qui petit à petit voit le niveau d'une eau glaciale monter inexorablement… L'asphyxie la guète, la noyade approche mais elle a encore l'espoir, le rêve pour pouvoir survivre. Les secours vont arriver, ils arrivent même ! Non ?!? J'entends encore cette sirène au loin…

Et l'eau noire continue de monter, monter, monter…

Et cette attente insoutenable…

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Quel choc !
Et c'est le cas de le dire car "Reflets en eau trouble" est plus qu'une histoire d'accident de voiture même si c'est le fait central de ce roman de Joyce Carol Oates.
Je comprends maintenant l'engouement autour de cette autrice américaine qui ne m'avait pas bouleversée jusque-là. C'est fait avec ce livre et je reste impressionnée par la qualité de la narration.
C'est un texte très bien construit qui a un très beau titre et la quatrième de couverture résume parfaitement l'histoire : la mort lente d'une jeune femme coincée dans une voiture accidentée qui s'enfonce dans la boue noire d'un marais.
Moi qui suis assez sensible et lit rarement ce genre de roman de peur de faire des cauchemars, je me suis lancée dans le cadre d'un challenge sur Babelio. Et vraiment, je ne regrette pas car l'aventure littéraire a dépassé mon angoisse.
La qualité de ce roman de Joyce Carol Oates vient du fait qu'elle ne cherche pas à raconter un fait divers ayant réellement eu lieu mais qu'elle se met dans la peau de la jeune femme.
Dès la première page ont sait que Kelly Kelleher cherche l'air dans le noir, sentant la tôle froissée de la voiture retournée et submergée d'eau boueuse. Alors, les souvenirs de sa courte vie (elle a 26 ans) vont défiler, alternant des périodes différentes : son enfance, sa thèse, son travail au journal Les enquêtes des citoyens, ce jour de fête du 4 juillet chez son amie Buffy sur l'île de Grayling, son choix de partir avec le sénateur démocrate admiré pour rejoindre l'embarcadère de Brockden et l'accident raconté dans les détails mais de son point de vue à elle.
Le drame s'oppose à la fête sans que la narration soit chronologique. Tout se mélange comme dans ce moment de grande confusion où on accompagne les derniers moments de Kelly alors que le sénateur a réussi à sortir de la voiture.
Elle reste lucide et s'accroche à la vie dans cette zone marécageuse isolée de la réserve naturelle. Cette vie qu'elle sait précieuse, elle qui vient d'écrire un article sur l'horreur des modes d'exécution des condamnés à mort aux États-Unis.
C'est ce que j'appelle un roman intelligent que je ne suis pas prête d'oublier.


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Cette oeuvre est le reflet d'une histoire vraie et se passe dans un milieu aux eaux troubles, la politique. Après que les deux frères Kennedy eurent été assassinés, c'était Ted qui devait prendre la suite, mais « L'accident » de Chappaquiddick tuera ses aspirations à la présidence des États-Unis.

Ce n'est pas un récit historique, les lieux, les noms et les dates sont changés et ce court roman raconte le point de vue de la jeune femme, un point de vue imaginé par Joyce Carol Oates. Ce sont les réflexions, les émotions de la victime pendant qu'on assiste à sa lente agonie.

C'est Kelly, une jeune Américaine intelligente, attirée par la politique, idéaliste, mais un peu naïve, fragilisée par ses déboires amoureux. Attirée par cet homme dont elle a étudié les idées, un homme de pouvoir, qui a 30 ans de plus qu'elle, qui vu de près n'est pas si beau, mais... elle est flattée qu'il la choisisse elle…

Pas de risque de « spoiler » ici, tout le monde sais comment ça finira, mais l'habile construction de l'auteur nous tient en haleine, jusqu'à ce que l'eau noire (ou l'indignation?) nous fasse suffoquer…

Je ne peux m'empêcher de me demander aussi quelle aurait été la sentence si la jeune femme avait été au volant...
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Cela faisait peu de temps, quelques mois seulement, que Kelly s'était portée volontaire pour le programme de formation de la Fondation nationale contre l'illetrisme aux États-Unis, et elle ressentait un vif enthousiasme pour son travail... mais aussi une autosatisfaction hautaine, une condescendance blanche mêlée à une peur viscérale de la menace, de la violence physique, non pas à l'intérieur même du bâtiment des services sociaux mais dans les rues alentour, dans le Roxbury désolé, le long de l'autoroute jonchée de débris, dans la vulnérabilité de sa peau blanche.
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La Toyota de location conduite par le Sénateur avec une impatiente allégresse, fonçait sur une route en terre qui ne portait pas de nom, glissait dans les virages en dérapages ivres, puis, sans prévenir, pour une raison quelconque, la voiture sortit de la route, versa côté passager, l'eau noire s'y engouffra et elle disparut rapidement.
Est-ce ainsi que je vais mourir? - Comme ça?
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Pas maintenant. Pas comme ça.
Vingt-six ans et huit mois, c'était trop jeune pour mourir ainsi ; stupéfaite, incrédule, elle ne poussa pas un cri quand la Toyota s'envola et heurta la surface de l'eau à peine visible, comme si elle allait flotter un instant au lieu de couler : comme si la trajectoire de l'envol allait porter la voiture, pesant de tout son poids, de l'autre côté de l'eau dans un enchevêtrement sinueux de buissons, de vignes et d'arbres rabougris, sur l'autre rive.
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− Et vous avez toujours été − dans la politique ?
Il découvrit ses grandes dents en un sourire épanoui, car c'était visiblement sa question favorite.
− L'État est une création de la nature, et l'homme est un animal politique − par nature.
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Le Sénateur était ce qu'on appelle un conducteur agressif, son adversaire c'était la route, le jour déclinant, la distance qui le séparait de sa destination, le temps compté qui s'écoulait trop vite, il appuyait sur l'accélérateur d'un pied brutal, la voiture grimpait à 70 puis il enfonçait la pédale du frein pour amorcer un virage, avant d'accélérer à nouveau, faible couinement des pneus, qui s'emballaient, trouvaient une prise sur le sol poisseux et sablonneux, puis à nouveau un coup de frein. La voiture oscillait, ivre, secouée par des hoquets, comme un accouplement.
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Après seize ans de négociations, le réalisateur Stig Björkman a convaincu Joyce Carol Oates, 85 ans, de lui ouvrir les portes de son univers. Portrait sensible de l’immense romancière, inlassable exploratrice de la psyché noire de l'Amérique.
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