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Claude Seban (Traducteur)
EAN : 9782234060463
595 pages
Stock (14/01/2009)
4.11/5   790 notes
Résumé :
A Mont-Ephraim, petite ville de l'Etat de New York, tout le monde connaît les Mulvaney, leur bonheur et leur réussite.
Michael, le père, d'origine modeste, a su à force de travail se faire accepter par la bonne société de la ville. Grâce à sa femme qu'il adore, la ferme qu'ils habitent est un coin de paradis, une maison de contes de fées où, au milieu d'une nature splendide, entourés de chiens, de chats, d'oiseaux, de chevaux - et immensément d'amour -, leurs... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (132) Voir plus Ajouter une critique
4,11

sur 790 notes
C'est une maison bleue adossée à la colline,
On y vient à pied, on ne frappe pas,
Ceux qui vivent là ont jeté la clé…

Ce n'est pas San Francisco (Californie), c'est High Point Farm (état de New York). C'est là que vit, heureuse, la famille Mulvaney, père, mère, trois fils, une fille, des chevaux, des chats, des chiens, des chèvres, une basse-cour, dans cette maison un peu brinquebalante où chacun trouve sa place, répond aux codes familiaux et s'y tient, soudé par une étrange alchimie propre aux familles nombreuses.

L'icône de la famille s'appelle Marianne, unique fille de la tribu, jolie, sociable, douée pour les études et le sport. Parfaite en quelque sorte. Jusqu'à ce 14 février 1976…

A la page 47, le drame est consommé, si je peux dire. Il reste 660 pages. Qu'est-ce que l'auteure allait bien pouvoir écrire pour maintenir l'attention et l'intérêt de ses lecteurs ? Je trouvais son écriture précise et enlevée, simple et directe, bourrée de détails comme si elle écrivait pour les aveugles. Impressionnante. Mais que raconter de plus ?

Et puis, je me suis prise au jeu.

Il y a une certaine mélancolie à suivre les volutes d'une feuille morte ayant donné sa splendeur en toute modestie, qui vient tomber mollement sur le sol. Ici, la chute se fait en silence, dans une violence contenue, oppressante même. La fille parfaite, salie à présent, est exilée sans un mot de réconfort ; les parents s'abîment dans leur chagrin, sans réconfort mutuel ; les trois frères sont désemparés, démunis, privés de réconfort. Elle était donc si belle, si enviable cette famille Mulvaney pour se désolidariser au moment où, justement, la cohésion et la solidité familiale étaient mises à l'épreuve ?

Le pilier de la famille c'est Corinne, la mère un peu fantasque, jamais à court d'idées, rassembleuse, brocanteuse de charme, animée d'une foi religieuse un peu encombrante. Elle s'interroge beaucoup, prie beaucoup mais agit peu. Sous le choc.

Le père, Michaël, a réussi professionnellement à la force du poignet. Il fréquente les clubs huppés du comté. Il est fier de sa famille et des personnalités de chacun, jovial, ne manquant pour rien les exploits de ses enfants. le drame le change en un être mutique, alcoolique et agressif. Sous le choc.

Les trois frères quittent l'un après l'autre la maison couleur lavande qui a perdu tout attrait, toute joie, toute raison d'être. Même les animaux dépriment. Sous le choc.

Personne ne parle, n'émet de ressenti, de larmes. Les rêves sont brisés, la cellule éclatée, le rayonnement éteint. La honte et l'humiliation s'abattent sur cette famille unie comme un tsunami et chacun se retrouve seul, face à lui-même, hébété, handicapé, amputé d'une partie de lui-même. Est-il possible de faire de nouveaux projets, de continuer à vivre ? Chacun va devoir se reconstruire avec ses moyens, sa propre vision du futur. Une nouvelle espérance. Pas pour tous.

La destinée de ces six personnes frappées par la foudre est analysée de façon subtile ; leur psychologie est décortiquée à la loupe par une auteure maîtrisant parfaitement la situation politique et sociale de l'Amérique des années 1970 et 80, observant minutieusement les comportements de ses compatriotes. Joyce Carol Oates condense ses déductions dans chacun des membres de cette fresque familiale avec une maestria redoutable. L'intérêt peut passer de l'un à l'autre, de la compassion à la colère, de l'incompréhension totale à l'empathie la plus sincère. le déclin et la désintégration sociale, morale et personnelle de chacun, la lâcheté aussi, sont finement disséqués, fouillés, scrutés.

Il est toujours plus facile de voir une situation avec recul, sans être partie prenante, comme dans un roman. Et si cela arrivait à ma fille, à celle de mes amis, quelle serait ma réaction, quel regard porterais-je sur la souffrance de mon enfant, sur la culpabilité, sur l'avenir ? Nous ne sommes plus dans les années 1970 et 80, ni aux Etats-Unis, mais les choses ont-elles tellement évolué, les mentalités ont-elles à ce point changé ? Pas sûr.

Premier livre de Joyce Carol Oates que je lis grâce à Latina et Mariech que je remercie beaucoup pour m'avoir fait découvrir cette lecture poignante, vibrante et profondément humaine.
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« Dans une famille, le non-dit est ce que l'on guette. Mais le bruit d'une famille consiste à le noyer ».

C'est une grande maison dans la prairie, une maison couleur lavande aux volets violets, sertie de vérandas, de tourelles et de grandes cheminées, adossée à la colline de High Point Farm, dans l'état de New York. Ceux qui vivent là ont perdu la clé de cette grande ferme un peu brinquebalante, anarchique, d'une propreté douteuse, envahie par les herbes et les immenses arbres qui la cachent en été, entourée de terrains broussailleux et vallonnés, où vit la famille Mulvaney, c'est-à-dire six personnes : le chanceux et énergique père Michael, la pétulante et fantasque mère Corinne, les trois fils Mike le sportif, Patrick l'intellectuel et Judd le benjamin un peu invisible, et la solaire fille Marianne. Mais aussi des chevaux, des chiens, des chats, des chèvres, un canari…il fait bon vivre dans cette famille où chacun trouve sa place dans cette atmosphère de fête, entre rituels, codes familiaux uniques plein d'humour et d'originalité et vieilles légendes familiales racontées à table, surnoms surprenants donnés à chacun, joyeux bruits et chants dès potron-minet, tâches assignées et respect de la singularité de chacun.

« Les Mulvaney étaient une famille qui trouvait précieux tout ce qui lui arrivait, où l'on conservait la mémoire de tout ce qui était précieux et où tout le monde avait une histoire ».

Joyce Carol Oates nous présente la famille parfaite, ce genre de famille qui fait des envieux, s'exposant sur toutes les photos de la maison avec des sourires à en faire craquer la peau des joues. Ces photos tellement démonstratives qu'elles finissent par mettre mal à l'aise, comme si elles cachaient certaines lézardes, certaines failles, tapies, prêtes à surgir et à faire leur oeuvre de destruction au moindre accroc. Comme si étaler ainsi le bonheur permettait de se prouver quelque chose et de cacher d'importantes faiblesses. Comme si ce trop-plein de lumière sur la photo ricochait sur nous, éblouissante et fiévreuse, permettant de ne pas examiner de trop près telle mâchoire crispée, tel regard étrange, tel poing aux jointures blanches de devoir serrer fort…Soleil brillant aveuglant, comme dans un miroir fracassé…

L'auteure, à travers cette famille, semble avoir trouvé un sujet d'étude parfait, passant du temps consciencieusement avec chaque membre, analysant avec minutie la personnalité et la psychologie de chacun, les ajustant les uns par rapport aux autres, maillage parfait, pièces se soutenant les unes par rapport aux autres telle une construction en sucre dont l'effondrement d'un seul d'entre eux pourrait avoir un effet domino catastrophique. Pourtant n'est-ce pas dans les épreuves qu'il est donné à voir la solidité de cette construction familiale précisément ?

« On n'oublie jamais le paysage de son enfance, pensa Corinne. Les souvenirs les plus anciens sont ceux que l'on chérit le plus. Elle espérait que Michael et elle avaient donné à leurs enfants un paysage qui les accompagnerait toute leur vie. Une consolation, un réconfort ».

Pourtant lorsque le drame arrive cet été 1976, lorsque la fille iconique de la famille est tragiquement salie, la désintégration de la famille, lentement, va commencer. Joyce Carol Oates a renversé un des sucres, pilier de l'ensemble, en l'occurrence la fille tant aimée, sorte de princesse chérie, et analyse l'effondrement de tous les autres sucres. Eclatement de la bulle de cocon, fin de la magie…Exil de Marianne par les parents sans un mot de consolation, chagrin dévastateur, perte des repères, rejet de la famille par le village, entreprise qui périclite, alcoolisme, éclatement de la famille…C'était donc ça la famille Mulvaney que tout le monde enviait, à exploser ainsi au premier drame venu ?

C'est Judd, désormais trentenaire, qui raconte dans l'essentiel des chapitres l'histoire de la famille à la façon d'un album de famille, véridique, fait de souvenirs, de conjectures, de nostalgie, l'oeuvre de toute une vie…Judd le benjamin se reposant sur ses souvenirs mais aussi sur les souvenirs des autres, qui sont plus âgés et détiennent donc l'autorité. le « je » de ces chapitres-là alterne avec le « elle » des chapitres consacrés à Marianne.
Au-delà de l'histoire de l'éclatement d'une famille, et de sa reconstruction éventuelle sous une autre forme, ce livre est captivant dans sa façon de soulever les innombrables questions liées à toute famille. Les souvenirs que nous léguons à nos enfants, ce que nous leur transmettons, la façon de se construire et de grandir avec cet héritage, la façon de vivre après une tragédie familiale et de la surmonter, les étapes dans la vie des parents au fur et à mesure de l'avancée en âge des enfants. J'ai été très touchée par la mère, Corinne, optimiste, qui se bat envers et contre tout. C'est elle le pilier véritable qui saura redevenir la pièce maitresse de la famille. Elle est la clé de cette famille, elle sait unir, elle saura réunir de nouveau, même si l'amour porté à son mari l'a un temps aveuglée.

« C'était vraiment fini, n'est-ce pas ? Corinne ne s'en était pas tout à fait rendu compte. Cette demi-heure tumultueuse où tous les enfants, en rentrant de l'école, se pressaient dans la cuisine, haletants et surexcités, échangeaient les nouvelles de la journée, plaisantaient, riaient, fonçaient sur le réfrigérateur…au milieu des aboiements ravis des chiens, pour qui c'était aussi le grand moment de la journée. Ces années merveilleuses où Mikey était encore au lycée, et Judd encore à l'école primaire, P.J, Bouton, Ranger. Et leur bonne vieille maman rayonnante de plaisir, même quand elle ronchonnait : « Hé ! Bande de pillards ! Gare à vous si vous n'avez pas faim ce soir ! Comme si des garçons en pleine croissance risquaient de manquer d'appétit. Ces garçons affamés qui dévoraient des sandwiches au beurre de cacahuète, des cookies au chocolat, des tranches de cheddar américain, des petits-beurre rances dégoulinants de confiture».

Si la première partie m'a harponnée au point de ne pouvoir lâcher le livre, j'ai trouvé plus de longueurs à la seconde partie même si le charme opérait toujours. Avec en toile de fond les interrogations qui sont miennes constamment, vôtres sans doute aussi, celles de tout un chacun : notre vie nous appartient-elle vraiment ? N'est-elle pas celle de nos parents dans le sens où nous devons ce que nous sommes, nos fragilités, nos lubies, nos faiblesses, à nos parents, notre enfance, ce qu'ils nous ont transmis, nos gènes, notre histoire familiale même ancienne ? Quand devenons-nous libres ? le voulons-nous d'ailleurs, le pouvons-nous ? Accepter cette donnée n'est-elle pas le meilleur chemin pour s'en affranchir avant de transmettre à notre tour ? Vastes questions que Joyce Carol Oates analyse avec une intelligence admirable et beaucoup de subtilité.

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« Les familles sont comme ça, parfois. Quelque chose se détraque et personne ne sait quoi faire et les années passent...et personne ne sait quoi faire. »
Eh oui...Mais il n'y a que Joyce Carol Oates pour nous raconter une histoire pareille avec toute la délicatesse, toute la psychologie fouillée du monde. Cette auteure qui est pleine d'attention pour les gens, je l'admire ! Chaque fois que je me plonge dans son univers, les personnages de papier prennent de la consistance pour devenir des êtres à part entière, et pour lesquels on éprouve de la compassion, sur lesquels on s'énerve ou on s'apitoie, mais qu'on croit, qu'on comprend avant tout.

Et c'est encore le cas ici, alors que nous arrivons dans la vallée du Chautauqua (état de New- York), dans cette ferme des Mulvaney où le bonheur règne. 4 enfants pleins de vie, des parents dynamiques, des animaux dorlotés, que demander de plus ?
Mais le malheur dans toute sa splendeur sombre pénètrera dans les moindres recoins pour gangrener chaque membre.
Comment est-ce possible ? C'est par la belle, la fraîche, la pure Marianne, la seule fille de la famille, qu'il se fraye un chemin d'épines. En effet, cette jeune fille encore naïve sera violée par un garçon de son lycée, mais contrairement à la volonté de ses parents, elle refusera de porter plainte. Son père Michael n'arrive pas à encaisser l'horreur, et les 3 frères supportent avec de plus en plus de difficultés les errements du père de famille. La maman, Corinne, veut tant bien que mal rétablir l'équilibre des jours heureux, quitte à éloigner Marianne. Mais quand le destin est en marche, il est difficile de le contrer,... sauf si la volonté immense de croire à la vie revient au galop.

« Rien de ce qui se passe entre des êtres humains n'est simple. Il est impossible de parler d'êtres humains sans les simplifier ou en donner une image déformée. »
Je laisse donc Joyce Carol Oates vous en parler elle-même, elle en est infiniment plus douée que moi. Laissez-vous emporter par cette conteuse, et partez aux USA dans ces années 70 et 80, à la découverte d'échantillons choisis de la nature humaine.
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« Quels mots peuvent résumer une vie entière, un bonheur aussi brouillon et foisonnant se terminant par une souffrance aussi profonde et prolongée ? »

Difficile de trouver les mots en effet pour parler de cette histoire bouleversante...

Le mot « patchwork » peut être...qui revient souvent au fil de la lecture.

Les courtepointes en patchwork évoquent tellement les Etats-Unis !
Imaginez un peu...
Une chambre, style un peu vieillot, avec des meubles en pin et un chat qui dort confortablement installé sur la couverture en patchwork qui recouvre le lit. Une fenêtre « double hung » donnant sur des vallons verdoyants et une cour de ferme où divaguent chats, chiens, chevaux, biquettes...
C'est la ferme des Mulvaney, à l'image de leur bonheur : brouillonne et foisonnante.

A la fenêtre, il y a une jeune fille. La seule fille des Mulvaney : Marianne. Si tu regardes d'un peu plus près, tu vois bien qu'elle pleure. C'est qu'il lui est arrivé « ça », cette indicible chose que même ses parents et ses frères ne parviennent pas à nommer.
C'est à partir de ce moment qu'on peut s'intéresser à la courtepointe.
Ses couleurs sont vives, joyeuses, un peu disparates mais l'ensemble n'en n'est pas moins harmonieux et chaleureux.
Et pourtant...les larmes de Marianne la terniront.
Quand elle quitte la maison, chassée par un père qui ne supporte plus l'image qu'elle lui renvoie- l'image d'une famille américaine des années 70, loyale, honnête et bien dans ses bottes, pervertie par « ça » - Marianne, meurtrie dans son corps mais surtout dans son âme fait alors de sa vie un « patchwork », tout comme le dira sa mère.
Une vie qui n'a plus vraiment de sens.

Et si tu regardes bien la couverture, tu peux voir maintenant qu'elle est toute effilochée, que les morceaux de tissus sont décousus, qu'ils se détachent les uns des autres. Comme les membres de la famille Mulvaney...

C'est une histoire triste, poignante que celle que nous raconte Joyce Carol Oates. Au travers de portraits à la fois attachants mais aussi révoltants, elle capte irrémédiablement l'attention du lecteur, qui est prêt à tout lui pardonner, même ses longues digressions.
Cette auteur américaine n'a pas son pareil pour décrire les âmes tourmentées, mais également pour pointer du doigt cette société américaine aux moeurs si étriquées, à l'hypocrisie caractérisée, pour laquelle il ne suffit pas d'être mais surtout de paraître.


Merci à Latina de m'avoir conseillé ce livre. C'est maintenant mon « Oates » préféré !
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Il était une fois une jolie maison de ferme, aux murs couleur lavande, dans le comté de Chautauqua, État de New-York, États-Unis. Là vivait tous ensemble une belle et grande famille, les Mulvaney de High Point Farm.
Il y avait Papa Michael, dit le Bouclé, solide, charmant, cordial et travailleur, faisant fructifier son entreprise de couverture et sa sociabilité.
Et puis Maman Corinne, Sifflet pour ses proches, longiligne rouquine aux rires éclatants, un sifflotement à la bouche et la lumière divine brûlant en elle.

Cet heureux couple eut quatre beaux enfants:
Michael junior, dit aussi Mulet, version plus récente de son père. Star du football au lycée, plus prompt avec un ballon et ses copains qu'avec les études.
Patrick, alias Pinch, l'intellectuel de la famille, scientifique dégingandé, curieux de tout et doté d'une pensée où rigueur des sciences pures et métaphysique de l'évolution s'entremêlent.
Marianne, également Bouton ou Mésange. La perle fine de cet écrin. Belle, radieuse, le coeur empli de bienveillance et de Jésus, populaire et bon élève... Un rêve.
Enfin Judd, aka Ranger ou le Gosse, le benjamin, futur journaliste et narrateur de cette monographie familiale. En recherche de sa place après ses aînés.
Et gravitant autour de cette troupe joyeuse, bruyante, taquine et dynamique, des chats, des chiens, des chevaux, quelques poules et vaches, deux chèvres et Plumes un canari, roi de la cuisine.
La vie se déroule sans heurts notoires dans ce cadre idyllique, entre le travail, l'école, les corvées ménagères ou de ferme, les discussions, les plaisanteries et les services dominicaux pour les bons chrétiens de la troupe.

14 février 1976: cette existence vole en éclat. Définitivement. Chassés du jardin d'Eden... ou peu s'en faut. L'horreur frappe les Mulvaney de plein fouet même si la douce et pure Marianne est la véritable victime. Victime d'un viol atroce lors du bal de la Saint-Valentin du lycée de Mont-Ephraim. Persuadée d'être responsable de ce qui lui est arrivé, elle refuse de porter plainte contre le lycéen coupable du crime.
La grande écrivain qu'est Joyce Carol Oates dépeint les affres psychologiques de cette jeune fille naïve, violentée et violée, salie en son corps et son âme par un sale type persuadé de son bon droit de mâle. Comment ne pas se sentir plein de compassion pour Marianne qui puise dans sa foi le courage de ne pas sombrer totalement.
L'impact de cette tragique soirée fait exploser la cohésion familiale et c'est tout le talent de Mme Oates de représenter la déréliction et la déchéance des Mulvaney.

La suite de cette histoire? Je vous invite à la découvrir en vous plongeant dans cette extraordinaire fresque familiale.

Plus je lis les oeuvres de Joyce Carol Oates, plus je suis époustouflée par son talent et la maîtrise dont elle fait preuve. Il est assez rare, à mon avis, d'être aussi prolifique et de qualité, en littérature. Elle renouvelle ses thèmes, ses angles de vue. Ses sujets égratignent toujours le vernis brillant de l'American way of life. Elle dresse dans ses romans une galerie de personnages bien construits, à la psychologie dense et complexe. Nous étions les Mulvaney en est un exemple frappant.
Quant à l'écriture, son style frappe juste, chaque phrase ciselée avec l'art consommé de la grande dame de la littérature qu'elle est. La prose est riche, dense et limpide. Que ce soit dans ses descriptions ou dans les moments plus introspectifs, sa plume fascine et ravit par sa puissance évocatrice.
"Le marais. Les arbres mourants dénudés de leurs feuilles, perdant par lambeaux une écorce couleur papier journal moisi. Une odeur de pourriture, d'égout. On n'était qu'à la mi-avril et la vie grouillante, bourdonnante, du marais n'avait pas encore commencé, mais l'atmosphère avait quelque chose de dense, de compact; comme si des formes invisibles, affamées, toutes en bouches et en gosiers, rôdaient aux alentours."

J'ai définitivement trouvé en elle la femme de ma vie littéraire!
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critiques presse (2)
LesInrocks
12 décembre 2023
"Nous étions les Mulvaney" commence comme un conte de fées. On y suit avec délices la vie bohême de la famille Mulvaney, parents, enfants et animaux réunis, perchée au sommet d’une colline.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Lexpress
02 juillet 2011
Un des romans les plus impitoyables de la grande dame des lettres américaines.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (123) Voir plus Ajouter une citation
- Oui, mais écoute un peu, fils : depuis le début de l'histoire, l'armée envoie des jeunes gens mourir pour une cause ou une autre, et il s'agit toujours de combattre des "ennemis", évidemment. Sur le moment, bien sûr c'est une grande affaire, sacrifier sa vie pour son pays, les honneurs, les médailles, les cérémonies commémoratives et tout le tremblement, mais au fond ce ne sont que des boniments d'hommes politiques. Tu ne peux pas le nier. Tes ennemis deviennent tes alliés quelques années plus tard : regarde le Japon et l'Allemagne. Tes alliés deviennent tes ennemis : c'est le cas de l'Iran !
C'est peut- être inévitable, mais un homme n'a qu'une vie, et il serait idiot de la jouer aux dés."
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Patrick continua à marcher, et se mit à sourire. En se rappelant les « aquarelles exquises » – selon sa mère – qu’il avait sournoisement punaisées sur le tableau d’affichage de la cuisine quand il avait quatorze ans. Des photos mystérieuses qui semblaient représenter des lunes, des comètes, des soleils étincelants… Après avoir laissé la famille s’interroger quelques jours, Patrick avait révélé la vérité : il s’agissait de clichés agrandis de la salive des chiens.

La tête qu’ils avaient faite !

Et Patrick avait ri, mais ri. L’air incrédule et dégoûté avec lequel ils l’avaient regardé, y compris Mike ! Comme s’il les avait trahis, ou qu’il eût trahi quelque chose de sacré. Comme s’il avait trahi les chiens ! Patrick avait voulu savoir pourquoi la salive des chiens, grouillante de microbes (peu différente de la leur), leur avait paru d’une beauté « exquise » un jour, et pas le lendemain. « Aucune importance, Patrick », avait dit maman avec mauvaise humeur. « Enlève ça tout de suite, tu veux".
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Ceux qui ont vécu ensemble dans l'atmosphère passionnée de la vie familiale se connaissent à peine. La vie y est trop immédiate, en gros plan. C'est le paradoxe. Le côté déroutant. Exactement le contraire de ce à quoi l'on s'attendrait. Car bien sûr on ne pense jamais à ces relations, quand on les vit. Penser - réfléchir - suppose une dissociation, de la distance. La mémoire ne peut s'exercer qu'une fois éloignée de sa source.
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Ces feux arrière rouges : Marianne les regardait de la fenêtre de sa chambre. De plus en plus petits comme des soleils rouges s’éloignant à toute vitesse (des étoiles naines, disait Patrick), brouillés par ses larmes, jusqu’à disparaître.
Étrange : quand une lumière s’éteint, c’est aussitôt comme si elle n’avait jamais existé. L’obscurité s’installe de nouveau, totale.
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il n’y avait pas un Temps unique à High Point Farm, mais des temps. Autant que de pendules, distincts, déroutants et antagonistes. [...] Naturellement, un bon nombre d’entre elles, dont les plus belles, avaient cessé de fonctionner depuis longtemps. Leur balancier n’oscillait plus ; leurs minces aiguilles noires, pointées vers des chiffres noirs, marquaient à jamais des moments mystérieux et fatals.
On croit que le temps « s’arrête ». Mais on se trompe.
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Vidéo de Joyce Carol Oates
Après seize ans de négociations, le réalisateur Stig Björkman a convaincu Joyce Carol Oates, 85 ans, de lui ouvrir les portes de son univers. Portrait sensible de l’immense romancière, inlassable exploratrice de la psyché noire de l'Amérique.
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