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Critique de Ode


Ode
08 février 2015
Dans la lignée traumatisante et sordide des assassinats d'enfants non-élucidés, l'Amérique s'est passionnée pour la ‘mini-Miss' JonBenet Ramsey, 6 ans, originaire du Colorado, dont le corps violenté a été découvert dans le sous-sol du domicile parental le jour de Noël 1996. Les photos « d'avant » disponibles sur internet montrent un ange blond aux cheveux bouclés, au regard pétillant et au sourire perlé, sous son diadème étincelant de petite reine de beauté. Presque 20 ans plus tard, malgré les aveux d'un pédophile, des tests ADN et les réouvertures d'enquête, aucun coupable n'a été identifié…

C'est cette affaire, étalée jusqu'au dégoût dans « l'enfer tabloïd », qui a inspiré à Joyce Carol Oates son roman Petite Soeur, mon amour, publié en 2008. Ici, la famille Ramsey devient la famille Rampike et JoanBenet devient Bliss, une fillette championne de patinage artistique à Fair Hills, une banlieue huppée du New Jersey. Betsey, la mère/manager de Bliss est une femme illuminée qui, après des essais infructueux avec son fils Skyler, reporte sur sa fille, prodige de la glace, son ancienne ambition de devenir patineuse. Elle n'hésite pas à maquiller Bliss et à l'affubler de tenues sexy pour séduire le public, et l'oblige à s'entraîner jusqu'à la douleur. « Notre fille est notre destinée » dit-elle. Bix, le père à la carrure de footballeur, est un cadre supérieur charismatique et volage, toujours en voyage d'affaires, craint par sa famille et assez peu présent auprès de ses enfants.

Joyce Carol Oates reconstitue le drame de l'intérieur, commençant par le jour du décès, puis remontant le temps pour montrer l'envers du décor, explorer le contexte familial et proposer sa version de l'énigme. le procédé, très ancré sur le vécu traumatique et la psychologie, dans un style « postmoderniste » , pourrait rappeler celui de Blonde, son époustouflante biographie romancée de Marylin Monroe. Mais il s'en écarte en raison de la transposition complète de l'histoire à de véritables personnages de roman, et par l'angle de narration.
En effet, ce roman sous-titré « L'histoire intime de Skyler Rampike » se veut écrit par Skyler, le frère estropié/mal-aimé/névrosé de Bliss, âgé de 9 ans à l'époque du drame, et maintenant ex-junkie de 19 ans abandonné de tous à cause des rumeurs de culpabilité qui pesèrent sur lui pendant un temps. Cependant, au lieu d'un témoignage à la première personne, Joyce Carol Oates a fait un choix plus compliqué qui est d'imaginer Skyler s'attelant à un manuscrit sur sa propre histoire et celle de Bliss.

Ce récit qui « se traîne si névrotiquement » m'a déroutée par sa longueur et son côté artificiel - je n'ai pas réussi à croire que le jeune Skyler puisse écrire un tel pavé qui porte l'empreinte de JC Oates à chaque page. Il y a tellement de digressions, de répétitions et de remarques du soi-disant auteur sur son manuscrit via de longues, très longues, notes de bas de page, que j'ai mis plusieurs mois pour venir à bout des 734 pages du format poche, en le lisant par intermittence. Il me semble que la moitié aurait suffi à préserver l'intensité du récit tout en servant le même but : élucider (fictivement) le crime et dénoncer les dérives de certains médias.

Il n'empêche que je sors bouleversée de cette pénible lecture, écoeurée par tant d'injustice. Mes pensées s'envolent vers JonBenet et les autres petites Bliss de ce monde, victimes d'adultes détraqués, et vers la souffrance qu'elles ont endurée au terme de leur si courte existence. Paix à leur âme.
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