C'est une bonne idée de raviver la mémoire de personnages disparus, comme ici Marc Antoine Muret: tant d'autres ont marqué leur temps, et ont pourtant été oubliés. Les dictionnaires nous disent que Muret était un "humaniste". Petit gars de la campagne limousine, il deviendra effectivement - nous sommes au début du XV° siècle - un brillant intellectuel. Parlant le latin tout comme sa langue natale, il enseigna dans plusieurs universités de France (Poitiers, Bordeaux, Paris, Toulouse), où ses cours faisaient l'objet d'attentes impatientes: nul doute que le personnage était extrêmement cultivé et brillant. G.Oberlé nous raconte cela au cours d'un récit bien construit, lui-même constellé de très intéressantes références aux moeurs de l'époque, de termes originaux et riches: voilà pour le positif. Mais notre personnage avait une deuxième face, une double vie. Sur le plan sentimental, ce fut manifestement compliqué: d'abord fasciné par une femme magnifiée, inaccessible (Gaspara, qui se donnera finalement à lui, une fois, avant de disparaître de sa vie), il ne cessera ensuite de se vautrer dans des lupanars seulement fréquentés par des homosexuels. La loi de l'époque ne le permettait pas: on pouvait, pour cette raison, mourir sur le bûcher. Le brillant professeur des facultés parisiennes tombera donc au plus bas, sera enfermé dans la prison du Châtelet où la vie ne consistait qu'à attendre dans la fange son procès et sa condamnation. Il attendait, logiquement, la mort, quand un miracle se produisit: un nouveau "major" de la prison, ayant les mêmes penchants que lui, lui rendra sa liberté. Banni tout de même du royaume de France, il émigrera à Venise, puis à Rome, où son aura brillera à nouveau dans les mondes intellectuels et même religieux. On est un peu surpris d'apprendre qu'il accédera, vers la fin de sa vie, à la prêtrise. Voilà donc une vie, et un livre bien construit. On peut se demander tout de même si Oberlé a respecté les bonnes proportions: un intellectuel d'un côté, un dépravé de l'autre. Chaque part de l'individu méritait-elle comme c'est à peu près le cas ici, un partage à 50/50 du temps de lecture? N'aurait'il pas mieux valu renforcer l'étude du brillant homme de lettres, grand connaisseur d'Ovide et de Plaute, qui a enseigné à Montaigne, qui a fréquenté Du Bellay, Dorat, Jodelle, Ronsard, ....et ne citer qu'à la marge sa débauche et sa vie privée?
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Je t’engage à ne jamais rendre de culte à la vertu. Use de la vertu comme d’un étai, d’une main-forte, mais qu’elle n’entrave jamais ta liberté. C’est elle qu’il te faudra cultiver comme ton bien le plus précieux. Détruire sa vie par de rigoureuses abstinences me paraît aussi blâmable que d’abréger ses jours par excès d’intempérance.
Il n’y a qu’un mot pour dire ce que j’éprouve, c’est le ravissement. Il faut bien peu de chose, le chant d’un oiseau, un parfum de chèvrefeuille, pour atteindre à une joie voluptueuse sans que l’on puisse démêler la tissure de ce charme indéfinissable qui soudain vous trouble le cœur.
Le vin délie la langue et rend l’esprit prompt et hardi. Une ancienne sentence grecque dit qu’il est le grand cheval des poètes.
Auprès de lui, j’ai compris combien l’amour sensuel est maligneux. La promesse de volupté le stimule, son approche l’affaiblit, son exaucement l’anéantit. Pour aimer véritablement, les sens ne suffisent pas, car la chair assouvie aussitôt se lasse.
La célébrité est un tyran. Elle réduit à l’esclavage cette noble portion de l’âme qui, née libre, doit rester affranchie de toutes ses chaînes.
Dans « Je me souviens », Gérard Oberlé revient sur son premier émoi érotique devant la bouchère de son village d'enfance ou encore de sa fureur face à l'inspecteur d'académie qui a mis fin à sa carrière de professeur de latin. Il nous parle aussi de son amour des mots et des livres, de sa passion pour la littérature. Il replonge dans ses souvenirs pour nous raconter des anecdotes personnelles et culturelles.