Riquet, le génie des eaux : Portrait intime

Bravo pour cet énorme travail de recherche, de mise en forme, de clarification à propos de ce génie des eaux. Bravo pour les documents insérés, notamment les lettres de Colbert et Riquet, écrite dans un français à l'orthographe très éloignée de la nôtre, où l'accent circonflexe n'a pas encore supplanté les s. Gros travail de déchiffrage et de transcription !
En plus d'un témoignage historique et sociologique, ces lettres sont aussi une mine linguistique. Et que dire de cette courtoise hypocrisie, de ces basses flatteries, de ces sous-entendus, de ces chausse-trapes ! Génie des zoos aussi (la Cour, l'Église, quelles ménageries !)
Que d'admiration l'auteure a-t-elle pour cet homme à l'énergie hors du commun, à l'ambition sans limite, au désir de réussite obsessionnel. Et ce Colbert ! Mieux que le modèle de probité, de souci de l'intérêt général, de bourreau de travail. Comme il l'est rappelé à la fin du livre, la réussite de l'entreprise tient à ce quarteron d'hommes déterminés : le roi, le ministre, l'évêque et le Riquet.
Je viens donc de passer 10 jours au XVII° siècle, charmé par le personnage, sa foi, sa hargne d'autodidacte, son esprit d'entreprise indestructible. Je me suis senti concerné ; j'ai ré-ouvert toute ma documentation, mon gros livre (où ton nom figure en grosses lettres au début), les plans, les cartes IGN pour bien saisir la nuance, en fait, l'énorme différence, entre passer par Naurouze plutôt que Grassens. Deux projets très éloignés.
Bref, je me suis régalé. Clarté et richesse de l'écriture, sens du détail accrocheur, honnêteté dans les affirmations comme les suppositions, j'ai trouvé ça épatant.

Je vois de ma fenêtre le château de Pierre-Paul Riquet à Bonrepos-Riquet. Aussi mieux connaître le maître des lieux s'imposait.
Quelle vie que celle de cet homme que rien ne destinait à l'entreprise titanesque qu'il accomplit : relier les deux mers, Océan et Méditerranée en ce milieu du XVII° siècle !
Creuser un canal destiné à la navigation à une époque où tout se fait encore à main d'homme et dos de mulet fut un pari insensé. Pourtant l'intelligence, la ténacité, le charisme de Riquet lui permirent de venir à bout de toutes les difficultés. L'ouvrage de Mireille Oblin-Brière retrace avec soin l'itinéraire de cet entrepreneur unique en son temps et pourtant peu connu. le grand siècle retient plus volontiers les ouvrages d'art de Versailles mais rien ne peut égaler le faramineux chantier que fut le creusement du canal du midi. Il fallut pourtant convaincre Colbert, pleurer des subsides, lutter contre ses ingénieurs...
Le livre est passionnant mais tout n' a pas encore été dit sur cet homme exceptionnel. Fut-il protestant d'origine ? Je le crois ; et cette histoire de fausse monnaie dans laquelle il trempa, ces secrets qu'il semble avoir eus pour ses proches ?... Domaines dans lesquels l'historienne s'aventure peu.
Son château, lui, attend toujours la vaine reconnaissance des français et peine à être restauré...