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Critique de Alfaric


Pas sûr que les comparaisons à "Assassin's Creed" et à "Prince of Persia" permettent de bien cerner ce bon roman d'aventures orientalisantes.
Commençons par mettre les choses au point : contrairement à ce qu'on peut lire, ce n'est pas un roman fantasy, même si sa suite, si suite il y a, pourrait le devenir comme le suggère l'épilogue. Il n'y a que 2 éléments fantastiques, et on ne peut pas dire qu'ils soient très présents : le Marteau du Mécréant, lame maudite faisant office de mimi Stormbringer et le nécromant présumé Ibn Shar qui effectue de mystérieuses recherches dans les catacombes du Caire.
Le 1er n'apporte presque rien à l'Emir du Couteau, le 2e n'apporte presque rien à l'Hérétique, de plus ambiguïté sur leurs natures surnaturelles est bien maintenue et pour tout le reste
Djinns, efreets, goules & cie appartiennent aux légendes, Shéhérazade et Sinbad aux contes... Bref peu de chose par rapport au cadre historique, aux personnages historiques et aux événements historiques.

En 2011 Fabrice Colin avait ressuscité Elric de Melniboné dans le très vintage "Les Buveurs d'Âme". L'entreprise de Scott Oden est autrement plus ambitieuse puisqu'il s'agit d'invoquer les mânes de R.E. Howard et d'Harold Lamb dans un roman qui approche les 500 pages ! On reconnaîtra donc de forts belles inspirations howardiennes (les connaisseurs apprécieront les clins d'oeil). Et force est de constater que le pari relevé est une franche réussite (gageons que la qualité de la traduction réalisé par le très howardien Patrice Louinet y est pour quelque chose y est pour quelque chose !).

Nous retrouvons avec la plume de Scott Oden l'Orient des croisades et les derniers feux du califat fatimide coincé entre les maîtres de Damas et les maîtres de Jérusalem… Mais entièrement narrés du point de vue musulman. La démarche est originale, l'auteur s'inspirant des "Croisades vues par les Arabes" d'Amin Maalouf.
De nombreux partis convoitent le contrôle du Caire, Mère du Monde, et donc de l'Egypte et de ses richesses : un crevard carriériste qui veut devenir calife à la place du calife, un autre crevard carriériste qui veut devenir vizir à la place du vizir, les généraux arabes, mamelouks et soudanais qui se disputent la préséance, les Syriens de Nur ad Din, les Nazaréens d'Amaury… et une autre faction dont je tais le nom pour maintenir le suspens.
Dans ce nid de vipères le jeune calife Rashid serait une victime expiatoire sans l'intérêt que lui porte le jeune Shayk d'Alamut qui lui envoie un Emir du Couteau qui a fort à faire pour lui éviter un sort funeste.
Et passé le prologue et la 1ère partie, on retrouve de jolies unités de lieu (la capitale fatimide), de temps (tout se déroule en quelques jours) et d'action (contrer l'infâme vizir, protéger le calife, sauver la ville du Caire)

Les personnages sont bien campés :
- l'Emir du Couteau est bien plus qu'une machine à tuer
- le Prince des Croyants est bien plus qu'une marionnette
- les généraux sont bien plus que des gros bourrins ambitieux
- le Prince des Voleurs et ses subordonnées apportent un autre éclairage sur les luttes de pouvoirs
- on nous offre 3 personnages féminins de belle facture avec la Gazelle, Parysatis et Yasmina
- vizir & courtisans sont monolithiques, mais c'est compensé sur d'autres points comme la figure d'Al-Gid
Enfin c'est assez classe de retrouver Saladin en guest star dans la dernière partie du roman : on sent que la passation de pouvoir entre Zenguides et Ayyoubides est assez proche !

L'intrigue avance plutôt lentement, pourtant on n'a jamais d'impression de lenteur car Scott Oden a clairement bien construit son roman : le rythme est bien dosé et bien maîtrisé et l'intrigue est dynamisée par la brièveté des chapitres, modernisé par l'alternance des pov.
Bref on reste dans la grande tradition pulpienne où 1 chapitre équivaut à 1 péripétie, 1 intrique ou 1 révélation qui nous amènent aux péripéties / intrigues / révélations des chapitres suivant. le plaisir de la ligne droite quoi. Pourtant on n'a jamais d'impressions de répétitivité ou de précipitations. Ce qui ne gâche rien c'est que c'est stylistiquement bien travaillé : les descriptions courtes mais riches et les dialogues nombreux mais bien troussés apportent une jolie plus value. Et cela fait plaisir de revoir les expressions : tel un félin, gracile comme le roseau, noirceur stygienne… le riche vocabulaire renforce le sentiment d'immersion et le recours fréquent aux noms et aux mots arabes renforcent très agréablement l'ambiance orientalisante du roman.

Les points faibles ? Difficile de prendre le travail de Scott Oden en défaut :
- j'aurais aimé que la magnifique ville du Caire embellie par une succession de richissimes califes fatimides soit encore plus exploitée : je me suis senti un peu frustré malgré le bon travail de reconstitution effectué
- la fin du roman est un peu décevante tant la tension retombe après l'affrontement entre les 2 principaux antagonistes : la bataille tant attendue est presque zappée alors que les close combats et les escarmouches qui ont précédé étaient très efficaces ; la quête de vengeance d'Assad envers les bouchers d'Ascalon, pourtant évoquée en filigrane au fil des pages du roman, arrive presque comme un cheveu sur la soupe
- enfin il est vrai que les personnages manquent de tonalité sinon de consistance mais était-il possible de les faire gagner en profondeur avec une intrigue aussi ramassée dans le temps ?

Un (très ?) bon roman qui suit des chemins peu usités, mais défrichés par de valeureux explorateurs et un (très ?) bon roman qui marrie parfaitement les qualités du roman historique et du roman d'aventure.
Lien : http://www.chemins-khatovar...
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