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EAN : 9782915830224
268 pages
L'Echappée (04/03/2010)
3.54/5   57 notes
Résumé :
Le développement de la culture de masse a entraîné l'érosion des formes autonomes de culture populaire et la dissolution des liens sociaux au profit d'un monde artificiel d'individus isolés, fondement de la société de consommation. Le capitalisme ne peut donc être réduit à un système d'exploitation économique, il représente un "fait social total".II ne tient que sur l'intériorisation d'un imaginaire et grâce au développement d'une culture du divertissement permanent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
En 2003, des militants antifascistes, libertaires et radicaux issus du réseau No Pasaran se réunissent pour fonder le collectif Offensive libertaire et sociale. Jusqu'en 2014, ce dernier publie une revue trimestrielle dans laquelle militants, intellectuels et chercheurs s'interrogent sur les différentes facettes du capitalisme et les alternatives qu'on peut lui opposer. Aujourd'hui disparu, le collectif voit toutefois ses publications ressurgir grâce aux éditions l'Échappée qui proposent des regroupements thématiques de plusieurs articles parus dans la revue d'origine. C'est ainsi que naît « Divertir pour dominer, la culture de masse contre les peuples », un ouvrage qui regroupe donc tous les textes d'Offensive consacrés à quatre grandes thématiques : la télévision, la publicité, le sport et le tourisme. Ce qui intéresse ici les auteurs, c'est la culture de masse, qui apparaît au début du XXe siècle et qui peut être définie par l'ensemble « des oeuvres, objets et attitudes conçus et fabriqués selon les lois de l'industrie et imposés aux hommes comme n'importe quelle marchandise ». La réflexion proposée ici est passionnante car elle questionne de manière radicale notre mode de vie et la manière dont le capitalisme parvient à s'insinuer dans les moindres recoins de notre quotidien. La réflexion est d'autant plus salutaire que le thème de la culture de masse est difficile à critiquer, notamment à gauche, en raison de la confusion opérée entre démocratie et libre circulation des biens de consommation (qui revient à dire que critiquer l'industrie de la culture, c'est critiquer la démocratie). Au delà de la standardisation et de la marchandisation généralisée, quelle critique peut-on donc émettre à propos de cette culture de masse ? Les différentes interventions qui se succèdent ici visent à montrer (avec succès, à mon sens) que nous avons été totalement dépossédés de notre imaginaire car nous avons tous intériorisé l'imaginaire technolibérale, porté par le développement d'une culture du divertissement permanent.

La première partie (« Cassez vos écrans – La spectularisation du monde ») se penche sur le cas de ce petit écran désormais présent dans quasiment tous les foyers et devant lequel les Français passent de longues heures chaque semaine. La critique de la télévision n'est pas nouvelle, et on retrouve ici des arguments aujourd'hui fort bien connus : elle rend notre esprit perméable aux messages véhiculés par la publicité, elle pousse à la léthargie par son hypnotisme, elle implique de par sa nature un appauvrissement de l'information… La réflexion se fait plus intéressante lorsque les auteurs abordent la question de la substitution par la télévision des représentations au réel : en la regardant, on est persuadé d'être témoins de la réalité, alors que cela ne nous viendrait pas à l'esprit avec un livre qui est vu (comme devrait l'être le petit écran) comme un simple intermédiaire et non le réel lui-même. le chapitre se conclut par un constat à mon sens d'une grande pertinence et qui demeure aujourd'hui d'actualité : la virtualisation du monde véhiculée (notamment) par la télévision « éloigne l'individu du monde réel et de ses possibilités d'intervenir sur lui. ». La deuxième partie (« Homo publicitus – Une domestication quotidienne ») reprend elle aussi bon nombre de critiques éculées (confusion entre désir et besoin, infantilisation de l'individu réduit à ses émotions...) mais les développe de manière assez poussée tout en dévoilant des aspects inattendus. Après avoir retracé brièvement l'histoire de la publicité et ses premières manifestations, les interventions successives visent à démontrer que celle-ci n'est pas un excès du capitalisme mais est au contraire indispensable à son fonctionnement. Une société qui produit le nécessaire pour vivre n'a pas besoin de publicité qui ne devient indispensable qu'avec l'apparition de la production en masse des biens de consommation. « Il faut alors écouler les surplus, convaincre la population de l'utilité des nouveautés, différencier des produits de plus en plus standardisés, valoriser des marchandises dont la qualité laisse de plus en plus à désirer ». Il ressort également de la lecture de ces articles l'idée selon laquelle la publicité parvient à nous faire oublier qu'un produit vient de quelque part, qu'il soit le fruit d'un travail humain ou qu'il ait été arraché à la nature. On assiste alors à une dissociation croissante entre la production et la consommation : « les producteurs ne consomment pas ce qu'ils produisent, et les consommateurs de produisent jamais ce qu'ils consomment ».

La troisième partie (« On hait les champions ! - Contre l'idéologie sportive ») m'intriguait bien plus que les deux autres dans la mesure où, si les bienfaits de la télévision et de la publicité sont aujourd'hui de plus en plus remis en question, le sport, lui, possède toujours une popularité qui semble inoxydable. Première mise au point : par sport, les auteurs n'entendent pas activité sportive (laquelle est évidemment à encourager) mais plutôt « la compétition généralisée au niveau local, national et international, avec ses règlements, ses techniques codifiées, ses contraintes bureaucratiques ». Une fois les confusions dissipées, l'ouvrage développe différents arguments qui tendent à montrer que l'idéologie sportive, loin d'être émancipatrice pour les individus, s'inscrit au contraire dans la parfaite continuité de l'idéologie capitaliste. D'abord parce que le sport est un magnifique producteur de diversion politique qui permet de pacifier la lutte des classes. Ensuite parce qu'il repose sur des valeurs qui sont celles du capitalisme : performance, rendement, compétition. La quatrième et dernière partie (« L'horreur touristique – le management de la planète ») se penche sur la question du tourisme, de son essor, alors que les moyens de transport et le mode de vie occidental se développent, à son apogée actuelle (il est aujourd'hui la première activité économique mondiale). le principal argument utilisé pour dénoncer le tourisme est la mise en concurrence de plus en plus visible des espaces et une « folklorisation » des peuples qui nuit à la fois à l'environnement mais aussi aux populations locales (hausse des prix de l'immobilier, domestication de la nature, destruction des cultures, villes désertées de leurs véritables habitants et uniquement peuplées de touristes...). La recherche d'authenticité, devenue le leitmotiv de l'industrie touristique, aboutit ainsi de plus en plus à la destruction de ce qui est justement vendu : on promet de l'exotisme, une nature préservée, des populations au mode de vie éloigné du notre, or le déferlement permanent de voyageurs étrangers contribue justement à la disparition de ces milieux « préservés ». L'ouvrage revient également sur le tourisme sexuel, qui concerne majoritairement des hommes venus de pays occidentaux et des enfants ou des jeunes femmes originaires d'Asie. A travers une très intéressante interview, l'article démontre comment ces rapports de domination reproduisent des logiques coloniales qui sont encore très profondément ancrées dans les esprits occidentaux.

« Divertir pour dominer » est un ouvrage qui offre une réflexion radicale et très pertinente sur la culture de masse et son rôle dans la domestication des individus et l'acceptation par ces derniers de l'idéologie libérale. L'objectif est de livrer une critique intransigeante de nos modes de vie et des valeurs capitalistes véhiculées, entre autre, par la télévision, la publicité, le sport ou encore le tourisme. Tous les articles recensés ici ne provoquent pas le même engouement, mais l'ensemble de la réflexion proposée est passionnante, ne serait-ce que parce qu'elle nous incite à repenser notre environnement et à prendre conscience de l'étroitesse de l'imaginaire qui nous est offert via cette culture de masse. A noter qu'un deuxième volume, toujours consacré à ce même sujet mais développant d'autres de ses aspects (l'art contemporain, les séries, les jeux vidéo, le porno…) est paru en 2019.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Pensant retrouver avec L'Offensive libertaire et sociale, un peu de l'intelligente verve qui caractérise les écrits de Pièce et main d'oeuvre, ma déception fut conséquente.


Tandis que PMO parvient à chaque fois à dépasser l'apparence des phénomènes pour en comprendre la logique interne, investiguant en amont sans se contenter de déplorer les « conséquences », l'OLS s'inscrit pour sa part dans une vision quelque peu manichéenne qui oppose, comme dans toute bonne fable socialiste, les saintes intentions du peuple face aux méchantes manigances des riches, comme si l'un n'était pas relié à l'autre.


Ainsi l'OLS ne parvient-elle pas à deviner, au-delà des phénomènes qu'elle souhaite dénoncer, l'inflexion d'une tendance qui aujourd'hui se manifeste sous une autre forme. Publié seulement en 2010, cet ouvrage semble déjà d'un autre siècle et le divertissement qu'il accuse (télévision, spots publicitaires, sport, tourisme) nous semble bien anodin face à un divertissement virtuel connecté qui se rapproche de plus en plus de l'état de coma artificiel.


Pire encore, l'OLS ne conspue le divertissement que parce qu'elle croit encore en la culture. le divertissement ne représente selon elle que la dégénérescence d'une culture, idéalisée comme populaire.


« L'idéologie petite-bourgeoise s'est imposée, substituant aux solidarités et aux résistances des classes populaires le culte de la marchandise et de la propriété privée. »


Il est malheureusement une question que l'OLS ne se pose pas, certainement pour préserver ses idéaux, et qui s'énonce assez simplement sous cette forme : pourquoi les prolétaires eux-mêmes ont-ils si prestement troqué leur soi-disant culture pour celle du marché ? Cette question dépasse évidemment le simple champ du « socialisme libertaire » que l'OLS se propose d'explorer.
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Cet ouvrage essentiel, radical, incisif et peut-être choquant pour certains, conclut tout de même sur l'histoire de la culture contestataire, essentiellement ouvrière, pour faire entendre que la culture telle qu'on la connaît n'est que celle qu'on voit. Mais pour être sincère, cet ouvrage est un peu déprimant mais pas décourageant. le point faible de l'ouvrage tient au fait qu'il est composé d'articles et d'entretiens sans lien direct entre eux. C'est pourquoi il semble intéressant de prolonger la lecture avec un essai plus long sur ce thème. Mais sa structure est aussi un point fort, car le livre est abordable et peut se lire dans l'ordre qu'on veut.
À travers quatre dossiers sur la télévision, la publicité, le sport et le tourisme, cet ouvrage montre comment la culture et le divertissement nous dépolitisent et servent les intérêts capitalistes.
[...] Ce livre se concentre sur la critique sociale, étape certes nécessaire à chacun de nous, mais qu'il faut ensuite dépasser pour s'engager dans un processus de contestation au quotidien qui se retrouve dans Construire l'autonomie, se réapproprier le travail, le commerce, la ruralité. L'Échappée : un éditeur indépendant et engagé comme je les aime, au catalogue abouti et courageux !
L'article entier sur Bibliolingus :
http://www.bibliolingus.fr/divertir-pour-dominer-collectif-a117950244
Lien : http://www.bibliolingus.fr/d..
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Déjà, à l'époque romaine, le pouvoir avait compris qu'il fallait offrir au peuple du pain et des jeux (panem et circenses) pour bien le tenir sous le joug. Rien n'a vraiment changé depuis ces temps lointains. Ventre plein et vautré dans son canapé devant son téléviseur l'homme moderne reçoit chaque jour sa dose de divertissement. Il subit son effet hypnotique et anesthésiant et par la même occasion un pur et simple lavage de cerveau. Il entre dans un état second dans lequel il est possible de le manipuler quasiment à son insu. Les narratifs les plus improbables deviennent plausibles et parfaitement acceptables. Tout ce qui a été « vu à la télé » devient vrai et même plus réel que le réel !… Des premiers encarts publicitaires vendus par Emile de Girardin en 1836 dans son quotidien « La Presse », des premières réclames (« Dubon, Dubonnet… ») à la radio d'avant-guerre, on est passé au bombardement publicitaire, aux tunnels de pubs interminables et même aux interruptions à l'américaine de films, séries ou émissions. On n'en est maintenant parvenu à ne produire de contenu « culturel » que pour « laisser du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola » (dixit Lelay, PDG de TF1), Nestlé, MacDo, et autres. Mais sait-on que ce n'est qu'en 1968 que Pompidou autorisa la diffusion du premier spot sur la chaine publique ?
« Divertir pour dominer » est un essai de sociologie politique composé d'une compilation d'articles parus dans la revue trimestrielle « Offensive » qui se présente comme libertaire et sociale. L'étude de ces « divertissements » qui permettent aux classes supérieures de « dominer » les inférieures est répartie en quatre grands chapitres, la télévision, la publicité, le sport de compétition (à ne pas confondre avec l'exercice physique genre randonnée pédestre, footing ou yoga, sans enjeux monétaires) et le tourisme de masse (à ne pas confondre avec le voyage ou l'exploration). « Convertir l'or de l'itinérance en plomb touristique », lit-on. Tous ces articles et ces interviews d'auteurs ayant travaillé sur le sujet sont plus ou moins pertinents, plus ou moins intéressants. C'est toujours un peu le cas dans les recueils collectifs. Si les analyses sont fondées et peu discutables (notre monde ne va pas bien et l'individu frustré et aliéné à une tendance naturelle à se divertir pour oublier un temps sa condition, les propositions alternatives concrètes (surtout présentées dans le dernier très court chapitre) ne sont guère convaincantes. S'il est certain qu'il semble indispensable de développer une contre-culture pour battre en brèche ce « divertissement » illusoire et mortifère, les moyens pour y parvenir (bourses du travail, universités populaires) ne sont guère évidents. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif. Petite critique sur la forme : le plaisir de la lecture est fortement amoindri par l'utilisation de la nouvelle très laide et très idiote orthographe inclusive.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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J'ai beaucoup aimé le concept de ce livre en quatre grandes parties. Il compile plusieurs articles différents sur quatre grands thèmes qui sont la publicité, la télévision, le sport et le tourisme.
Il faut néanmoins savoir avant de lire ce livre, qu'il est très orienté. Il ne faut pas espérer trouver de neutralité ici, mais des avis avis tranchés même s'ils sont documentés (très bien documentés même) et appuyés par des arguments forts.

J'ai quand même appris pas mal de choses mais outre ce fait, je trouve que c'est un livre qui invite à la réflexion et à arrêter la passivité culturelle.
J'ai énormément apprécié la sélection de livres proposée à la fin de chaque partie pour approfondir le sujet. C'est une idée formidable qui devrait être appliquée dans davantage de livres de ce genre. Je pense y piocher quelques idées pour mes prochaines lectures.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
La Fédération française de la publicité réclame dès 1951 l’accès aux ondes nationales, arguant que les annonceurs manquent de supports, mais il faut attendre 1968 pour que le gouvernement Pompidou, prétendant vouloir adapter l’économie française à ses concurrentes européennes, autorise la diffusion des premiers spots sur une chaîne nationale. Cette décision s’accompagne de la création de la Régie Française de Publicité, chargée de gérer les espaces publicitaires. La durée des écrans publicitaires, initialement limitée à sept minutes par jour, est ensuite progressivement augmentée au fur et à mesure que les recettes publicitaires des chaînes de télévision s’accroissent. La fin de l’ORTE, en 1974, s’accompagne d’une loi fixant à 25% le plafond de la part des recettes publicitaires à la télévision. A la même époque, les recettes publicitaires dans la presse connaissent une croissance sans précédent, celle du Monde tournant, par exemple, en moyenne autour de 60%.
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Pour convaincre que le prolétariat n’existe plus en tant que classe, il faut lui faire croire qu’il n’y a plus pour tous qu’un projet petit-bourgeois auquel chacun peut et doit s’identifier. Autant le prolétariat était une classe que l’on pouvait situer par rapport à l’appareil de production, autant le phénomène des classes moyennes est un processus idéologique qui s’identifie totalement à la marchandise.
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La magie de l’écran est une communication à sens unique. Il y a simulation de l’échange, nous n’avons pas à être présent à l’autre, à engager notre disponibilité, à être à l’écoute. Les êtres conditionnés par la télé peuvent se conduire dans la vie comme ils se comportent face aux personnages qu’ils voient défiler sur leurs écrans. La télé, c’est la vie confisquée.
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La dépression est la dernière expérience humaine possible dans l’univers de la marchandise et de l’aliénation à la valeur. Il y a une authenticité de l’expérience qui ne peut s’exprimer que par la dépression, c’est-à-dire la souffrance. Cette expérience narcissique négative est insupportable pour celui qui l’éprouve, mais c’est aussi une forme de résistance, dans le sens où la mécanique de l’adhésion aux valeurs de la marchandise, telles que le culte de la performance, ne fonctionne plus.
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Le non-lieu correspond au triomphe des classes moyennes, c’est un lieu où il n’y a plus d’histoire, plus de relations sociales, plus de passé, plus d’avenir, plus que des individus en transit qui se croisent dans des lieux purement fonctionnels.
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