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EAN : 9782707165404
211 pages
La Découverte (16/09/2010)
2.75/5   4 notes
Résumé :
Les raisons de se révolter ne manquent pas. Mais on ne se révolte pas n'importe comment : en démocratie, s'engager dans un combat contre l'injustice, l'inégalité ou la domination est un geste qui doit s'exprimer sous une forme d'action politique acceptable. Parmi ces formes se trouve la désobéissance civile qui consiste, pour le citoyen, à refuser. de façon non violente, collective et publique, de remplir une obligation légale ou réglementaire parce qu'il la juge in... >Voir plus
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Le monde familier, le « chez-soi » se résume à une série de traits permanents, ou, pour le dire autrement, « le monde apparaît, à tel moment donné, comme stratifié en différentes couches de pertinence, chacune requérant un degré différent d’approfondissement » , « couches sédimentaires de signification ». La connaissance du monde social s’échelonne selon différents degrés de familiarité et d’étrangeté. Usant de la métaphore des courbes de niveaux qu’utilise le topographe pour représenter un relief sur une carte, Schutz suggère que chaque acteur appréhende le monde où il vit en reliant entre eux une succession de points de repères, d’éléments pertinents. La représentation graphique de ces « courbes de pertinence » dessine un paysage, une topographie de la réalité sociale. Une telle représentation implique de distinguer entre les sommets qui se détachent du fond et qui représentent les zones de connaissance acquise sur le monde où nous vivons, alors qu’alentour « vient une région dans laquelle on pourra tout au mieux “placer sa confiance” ; les vallonnements avoisinants sont le refuge de conjectures et de suppositions ; entre ces régions se trouvent des zones d’ignorance complète ».

Vivant dans la société où j’ai grandi, je suis par définition insensible au caractère particulier de son organisation. Dans mon quotidien, tout va de soi, tout suit son cours, tout se déroule comme prévu. Je ne conçois pas le monde où je vis comme issu d’une certaine construction de la réalité. Mon monde est une sorte de refuge qui m’évite de me demander comment vivre, de m’interroger sur les fondements de la conduite humaine. Le monde social dans lequel je vis se donne comme exclusif de tout autre jusqu’au jour où l’altérité de l’étranger y introduit une déchirure qui est seule susceptible de m’aider à comprendre la relativité de ses fondements : « Qu’une communauté s’oriente d’elle-même à un monde posé comme essentiellement constant, connu et connaissable en commun avec d’autres, procure à cette communauté les fondements offrant une garantie pour une sorte particulière de questions dont le prototype serait : “Comment se fait-il que lui voit cela et pas toi ?”. »  C’est confronté à l’altérité de l’étranger, à l’altérité de celui qui ne voit pas ce que je vois que le monde où je vis se révèle comme un univers construit, organisé d’une manière particulière.

Consacrant, à la suite de Simmel, une étude à l’étranger, Schutz remarque que pour l’étranger la conduite sociale cesse d’aller de soi, l’étranger est celui pour lequel : « Le modèle culturel ne fonctionne plus comme un système de recettes éprouvées dont on dispose ; il révèle que son applicabilité est restreinte à une situation historique spécifique. ». Acteur social vivant dans la société où j’ai grandi je suis témoin de la persistance des significations à l’aune desquelles j’adapte ma conduite. Étranger, je suis témoin de leur écroulement. Étranger, j’ai immédiatement l’intuition de ce décalage entre le modèle culturel dans lequel j’ai grandi et celui auquel j’ai aujourd’hui à me conformer, j’accède au statut d’observateur extérieur susceptible de « mettre en question presque tout ce qui semble aller de soi pour les membres du nouveau groupe » pouvant ainsi « examiner (…) avec soin et précision ce qui semble autoexplicatif pour le groupe ». Je comprends soudain le caractère institué, construit de la réalité sociale, de ce que les acteurs sociaux nomment la banalité du quotidien. Plongé dans une société étrangère, j’en découvre les rites, je repère les constantes sociales qui permettent aux acteurs de se sentir chez eux. L’étranger s’efforce en effet de traduire son expérience de la société étrangère dans laquelle il se trouve plongé dans la langue de son propre système culturel, en se référant aux structures générales qui donnaient à son monde d’origine son caractère familier. En cela « l’étranger n’a pas de racines », quel que soit son passé, l’aisance dont il faisait preuve dans la société où il vivait, il n’est plus chez lui, son monde est aboli. Il ne cesse de mesurer l’inadéquation des catégories dont il use afin de décrire son nouvel environnement, il s’aperçoit de l’absence d’équivalence entre les repères généraux autour desquels s’organisait son quotidien dans sa société d’origine et ceux autour desquels s’organise le quotidien des acteurs de la société où désormais il vit. Il ignore tout de la grammaire qui donne un sens aux actions des hommes qui l’entourent, qui permet de réunir leurs significations éparses en une même phrase. Il est le « social-bègue », pour reprendre la formule d’Alfred Schutz, celui qui rencontre l’obstacle d’une signification inconnue à chaque fois qu’il confronte la situation vécue à son propre « stock social de connaissance ».
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La désobéissance civile est le recours, interne à la démocratie, de ceux qui se sentent dépossédés d'une voix dans leur histoire. Non qu'ils soient des “sans-voix”, et soient totalement sans expression [...], mais bien plutôt parce que la société ne fournit pas le contexte dans lequel leurs mots auraient un sens, ou dans lequel en tout cas on pourrait les signifier, les vouloir-dire réellement. - 36 -
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