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Irène Sokologorsky (Traducteur)Georges Nivat (Préfacier, etc.)
EAN : 9782020131193
159 pages
Seuil (02/05/1991)
3.5/5   15 notes
Résumé :
Ce récit impertinent garde jusqu'à aujourd'hui une fraîcheur étourdissante. Paru en 1928, il fit d'Olé­cha un auteur célèbre du jour au lendemain.
Mais il l'enferma aussi dans un succès dont cet esthète soviéti­que ne s'affranchit pas. Olécha reste - injustement ­l'auteur d'un livre. La sobriété de style d'un Bounine, la sophistication des constructivistes, l'impertinence d'un dandy se marient au burlesque et à l'inquiétant d'une physiologie à nu et d'un freu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Lui, c'est André Petrovich Babitchev, directeur du trust de l'industrie alimentaire,
un charcutier en gros, un confiseur en gros, un cuisinier en gros, bref un personnage en gros 😄, un barine !
“Et moi, Nicolas Kavalérov, je suis son bouffon,” son parasite, le narrateur de cette histoire, “L'Envie”, publié en 1927, dix ans après la révolution bolchevique, et considérée le chef d'oeuvre de mon créateur Iouri Olécha. Je suis l'homme qui haïssait tout le monde et qui enviait chacun, le veinard, l'orgueilleux qui débordait de plans magnifiques, voulait accomplir de grandes choses mais qui n'en fit rien . Ceci est mon histoire, l'ivrogne, le poète, le bon à rien, bref l'homme du monde ancien, et celle de l'homme que j'envie et haï, André Babitchev, l'homme nouveau, le superman du nouveau régime communiste.

Racontée dans le contexte du chaos de l'édification du rêve socialiste russe et des désillusions qui s'en suivirent, un récit qui va inéluctablement vous dérouter.....Sous forme d'une fable mi-baroque, mi-fantastique d'une prose enchanteresse,
une plongée dans la société russe du début du siècle dernier, dans les années qui suivirent la révolution. Un saucisson y devient le protagoniste d'un festin digne d'un tableau de Tiepolo ( le banquet de Cleopatre / la référence est de l'auteur, pas de moi 😀), la verrue d'une tante s'épanouit en une modeste fleur des champs, qu'une piqûre d'abeille enivrée va transformer en “une sorte de serre tropicale”, ......
Iouri Olécha est considéré comme l'un des plus grands romanciers russes du XXiéme siècle. Né en Ukraine d'une famille d'aristocrates polonais ruinée, il accueille avec enthousiasme la révolution bolchevique de 1917, alors qu'il vient d'avoir dix-huit ans; mais il en revient très vite quand le rêve du plan quinquennal prend le pas sur celui de l'homme nouveau. Cette mise en cause de la nouvelle société soviétique est ici mise en scène dans un face à face de l'homme ancien et de l'homme nouveau, dont l'individualité est sacrifiée au profit de la communauté et les sentiments au profit de la raison. C'est son premier roman, considéré comme son chef-d'oeuvre. Un formidable challenge de lecture, que je vous invite à découvrir.

«  Toute époque expirante envie celle qui va la remplacer. »
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L'écrivain Iouri Olécha a fêté ses dix-huit ans en 1917. Son entrée dans l'âge adulte a coïncidé avec la Révolution et il s'est senti « suspendu entre deux mondes ». La révolution dont l'un des objectifs était de former «l'homme nouveau », un travailleur plein d'abnégation et d'enthousiasme, pourvu d'une conscience communiste, entièrement dévoué au collectif, a fracassé l'ancien monde reposant sur l'individualisme . Olécha va illustrer l'opposition entre ces deux mondes avec les personnages de son roman « l'envie » : Andreï Babitchev et son contraire, son frère Ivan ; Volodia Makarov, l'ambitieux, et son adversaire, Kavalerov.
Andreï Babitchev est un entrepreneur infatigable qui travaille dans l'industrie agroalimentaire. Il oeuvre jour et nuit à la construction d'une immense cantine qui proposera des repas de qualité pour un coût modique. Il est capable de s'extasier pour la conception d'un saucisson de veau d'un excellent rapport qualité-prix mais n'éprouve aucune sensibilité pour la poésie ou le romantisme. A ses yeux, son frère Ivan est « un paresseux, un propre à rien, un individu nuisible ».Ivan est un inadapté, un rêveur, parfois magicien, médium ou prêcheur. A ce nouveau siècle centré sur le pratique et l'utile, où les idoles sont la machine et l'usine, il réplique en inventant une machine qu'il baptise «Ophélie », du nom de l'héroïne qui a perdu la raison par amour. La machine n'apparaît à aucun moment, elle n'existe que dans ses paroles. Ophélie est « une blagueuse, une menteuse, une fripouille sentimentale », elle est tout à la fois un rêve, une supercherie, une mystification, elle condense les sentiments et les émotions du siècle passé. Pour Ivan, les âmes sont guidées par les génies des sentiments. Pour faire surgir ces diables et les jeter en spectacle dans une arène, il cherche un prototype qui illustre parfaitement sa thèse. Il le trouve dans l'entourage de son frère qui a recueilli le citoyen Kavalérov. Kavalérov est aigri. Il souhaite de tout son coeur réussir par la force de son individualité et être reconnu. Il se sent étouffé dans cette société qui ne parle que d'effort général et d'utilité. Hébergé par Babitchev, il observe avec rage la réussite de cet industriel qu'il trouve stupide. Et la chambre qu'il occupe est réservée à Makarov, jeune homme plein d'avenir, d'ambition, sportif émérite que Babitchev considère comme son propre fils. Makarov symbolise l'homme nouveau. Il recommande à Babitchev de chasser son hôte. Après, l'expulsion, la déception amoureuse : la belle Valia, nièce d'André et fille d'Ivan, convoitée par Kavalérov, est éprise de Makarov et se moque du romantisme de son prétendant. Kavalérov se rabat sur sa logeuse, une veuve qui le dégoûte. Il est le perdant. Et son âme est guidée par un fort sentiment d'envie. Mais même dans les bas-fonds, Iva le foutraque n'est jamais loin...
J'ai été surpris par la liberté de ton et par la fantaisie de ce roman. C'est une critique directe des principes moraux de l'idéologie communiste. le récit est d'une grande modernité, il pourrait être l'oeuvre d'un auteur contemporain. J'ai parfois été décontenancé par la succession des scènes : le récit parfois onirique, politique ou burlesque, peut passer d'une scène de cirque à un match de football... Ce roman impertinent publié en 1927 présage les malheurs à venir : l'individu sera prochainement écrasé par la machine totalitaire et la créativité sera mise au service de la "réalité" et de l'idéologie. Quelques années plus tard, en 1931, Olécha décrètera la mort de la littérature.
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Une superbe pioche en bouquinerie. Un petit bijou facile à parcourir, où beaucoup de métaphores étonnent, et transportent sur fond de réflexion politique dans une fantasmagorie époustouflante, entre rêve et réalité. C'est clownesque, poétique et merveilleusement écrit.

On est au début du XX è siècle. C'est la révolution en Russie. Kavalerov, un clochard est recueilli saoul dans la rue par Babitchev, directeur d'un trust alimentaire. Celui-ci lui offre un coin de chambre où dormir, et parfois un petit boulot, comme de transporter du saucisson. Kavalerov, désoeuvré, observe tous les faits et gestes de Babitchev, ce qui n'est pas rien. Il devient envieux de lui. Disons plutôt que c'est sa haine du capitalisme qu'incarne Babitchev qui motive son sentiment d'envie. le sentiment d'envie est illustré en profondeur, et vient avec lui la question des sentiments en général.

Un livre subtil à lire.
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Il faut se pincer pour croire, quand on lit L'envie d'Iouri Olecha, que ce roman est paru en 1928 dans une russie déjà stalinienne quoique pas encore tout à fait verrouillée en matière de création littéraire. le ton, le style sont furieusement modernes jusqu'au 2/3 du roman, pour (malheureusement? je ne sais pas) finir par rejoindre une espèce d'habituel déchéance plus ou moins alcoolisée assez typique de la russie éternelle...
C'est surtout la prise de position formelle d'opposer la tradition du XIXème siècle à l'homo sovieticus, homme de la modernité et du XXème siècle post-révolutionnaire qui surprend; prenant appui sur une fratrie Babitchev opposée, André commissaire politique engagé dans la carrière politique, les honneurs et les succès féminins, Ivan tout à ses rêves de grands sentiments ne supportant pas que soit foulée aux pieds une certaine vison idyllique du XIXème siècle - et détestant son frère. Au milieu se débat Kavalerov - alter ego de l'auteur - qui ne réussit qu'à être envieux d'André tout en approuvant la haine d'Ivan. Car c'est bien le sens du titre "L'envie" ici : dans les grands sentiments qu'Ivan veut préserver du monde d'hier, c'est bien l'envie/jalousie à ne pas confondre avec l'envie/désir qu'on pourrait s'imaginer.
Tout celà donne à cette histoire - qui se termine comme je l'ai dit dans la résignation oblomovienne "Buvons à l'indifférence, ce qu'il y a de meilleur dans l'âme humaine" - une certaine ambiguité qu'on retrouve dans la biographie de l'auteur qui, après le succès apparamment très important de sa publication en 1927, a quasiment cessé toute activité littéraire à partir de 1931, se repliant sur lui-même et son journal (et une certaine quantité d'alcool) qui a paru seulement très récemment dans son intégralité (Le livre des adieux, 2006 en traduction française).
Un auteur à part, un roman très réussi - sauf la fin à mon humble avis personnel qui n'engage que moi, comme il est d'usage de dire...
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Sur l'aérodrome étaient rassemblées des quantités de merveilles. Là, à ras de terre, fleurissaient des pâquerettes.Tout près de moi, contre la barrière, elles soufflaient leur poudre jaune. Très bas, sur la ligne de l'horizon, des nuages ronds couraient, semblables à des flocons de fumée. Peintes au minium, des flèches de bois indiquaient les directions. Haut dans le ciel, se balançant, se gonflant, se raccourcissant, un ballon de soie indiquait la portée du vent. Et ici même, dans l'herbe, dans l'herbe verte des combats antiques, des biches et du romantisme, reposaient des machines volantes. Je savourais ce mélange, cette contradiction, cette réunion extraordinaire. Le ryhtme du ballon de soie qui s'applatissait et se renflait poussait à la réflexion.
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Le matin, il chante dans les cabinets. Ceci pour faire comprendre quelle est la santé et l'épanouissement de vie de cet homme. Le besoin de chanter le saisit comme un réflexe. Ce sont des modulations sans paroles, (...) et qui peuvent se traduire ainsi :
"Que je suis à l'aise dans la vie !... ta-ra, ta-ra... Mon estomac marche bien... ra-ta-ta, ta-ra-ri...Mon sang circule... ra-ti-ta-dou-da-ta... Evacue, boyeau, évacue, ta-ba-ba-boum !"
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Il n'a pas besoin de se peigner ni de mettre de l'ordre dans sa barbe et sa moustache. Son crâne est presque rasé, et sa moustache est toute courte, juste sous le nez. Il a l'air d'un grand garçon obèse.
Il prend un flacon. Le bouchon de verre émet un petit tintement. Il se verse de l'eau de Cologne dans la main qu'il se passe ensuite sur la boule de sa tête: du front à la nuque et retour.
Le matin il déjeune de deux verres de lait froid. Il va chercher la cruche dans le placard, se sert, et boit le lait sans jamais s'asseoir.
Ma première impression a été étonnante. Je n'aurais jamais imaginé; je n'aurais jamais cru. Il se tenait devant moi, avec son costume gris élégant, sentant bon l'eau de Cologne. Ses lèvres étaient fraîche, légèrement en avant. C'était en somme un vrai dandy.
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C’est le soir. Il travaille. Moi, je suis sur le divan. Nous sommes séparés par la lampe. L’abat-jour (c’est ainsi que les choses m’apparaissent) anéantit la partie supérieure de son visage, elle n’existe plus. La seconde moitié est accrochée en l’air. Sa tête dans son entier ressemble à une tirelire.
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Quelles étaient les raisons qui avaient poussé une personnalité de son importance à porter les yeux si bas, à arrêter son regard sur un jeune homme inconnu et d'allure suspecte?
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