AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Rodin_Marcel


Onfray Michel – "Cosmos : une ontologie matérialiste" – Flammarion, 2015 (ISBN 978-2-0812-9036-5) – format 24x16cm, 570p.

Que la lecture de cet exécrable ouvrage m'aura exaspéré !
Tout lecteur normalement constitué achetant un ouvrage écrit par quelqu'un qui se prétend philosophe s'attend à bénéficier d'un texte suscitant des interrogations fondamentales sur tels ou tels points, puisque – comme nous l'ont abondamment répété nos "maîtres" de toute obédience (d'accord au moins sur ce point), faire de la philosophie consiste avant toute chose à apprendre à poser des questions, et finalement peu importe les réponses, souvent fragmentaires. Rien de tel ici, si ce n'est que la lecture de cet indigeste brouet amène le lecteur à se poser des questions... sur l'auteur de ladite bouillie.

Première question qui s'impose : peut-on se targuer d'être philosophe en étant à ce point narcissique, nombriliste, content de soi, lorsque l'on use et abuse d'une telle autosatisfaction ? Passons sur le fait que l'auteur se cite lui-même abondamment, après tout, il aurait déjà pondu plus de quatre-vingt livres (!!!), mais comment ne pas être révulsé par ces abondantes digressions sentencieuses sur le bon petit garçon si-tant-plein-intelligent qu'il fut, sur ces si bons amis qui lui organisent des dégustations vineuses (oups : oenologiques, pour ces gens-là) sur mesure (qu'il nous relate avec une complaisance écoeurante) sur ses si-tant-plein sagaces observations d'une pseudo nature archi-naturelle ?
L'auteur atteint un sommet d'ignominie lorsqu'il mobilise pour s'auto-encenser une fois de plus (p. 421), la longue et fatale maladie de sa compagne, dont le long calvaire lui a permis de découvrir les haïkus : quel cuistrerie !
Sans oublier l'historiette (pp. 384-385) du grand intellectuel faisant l'éloge d'un vin prestigieux qu'il n'avait en fait jamais goûté, mais qu'il eut ainsi l'occasion de déguster (s'agirait-il de l'auteur du livre lui-même ? ça se pourrait bien).
Sans oublier non plus sa "sublime" découverte du sublime (pp. 417-423) qui atteint effectivement à de sublimes sommets de l'autosatisfaction la plus crasse. le tout culminant avec l'hypocrite satisfaction de la découverte du tableau miraculeux et de la peinture d'Arcimboldo (pp. 459-474) qui nous vaut ces deux phrases d'un snobisme insondable
"J'ai acheté cette toile, bien que je ne sois pas acheteur d'objets d'art – sauf quelques pièces d'art africain" (p. 460)
culminant avec
"Depuis que j'ai acheté cette peinture, je la regarde moins qu'elle ne me regarde" - ben voyons !

Deuxième question : peut-on vraiment philosopher en babillant, en bavassant, en étant victime d'une véritable logorrhée verbale ? A l'évidence, la lecture de ce piètre ouvrage fournit une réponse définitivement négative. Signalons au passage une caractéristique fort drôle : l'auteur nous dit et redit à plusieurs reprises combien il apprécie les gens... qui se taisent (à commencer par le taiseux que fut son propre père) !
Ce bavardage inflationniste amène Onfray à soutenir ses assertions catégoriques en mélangeant tout et n'importe quoi, n'importe comment : les acacias se voient ainsi attribuer "plus d'intelligence collective et communautaire" que la secte nationale-socialiste d'Adolf Hitler (p. 149).
Pire encore : l'auteur mobilise plus de quinze pages de sa sagace plume (pp. 189-205) pour – apparemment – convaincre son lecteur de la sottise des thèses de Rudolf Steiner : un paragraphe suffit en règle générale, mais il s'agit surtout de nous bassiner une fois de plus avec ses dégustations de crus prestigieux, tout en se donnant l'air d'avoir l'air. Ceci nous vaut une autre démonstration parmi les plus drôles de cet ennuyeux pensum, car l'auteur reproche très exactement à sa victime tous les défauts qu'il pratique lui-même abondamment dans ce livre. Passons.
Un peu plus loin, il remet ça (pp. 277-305) avec les théories fumeuses d'un Peter Singer, promoteur et défenseur des amours zoophiles, puis avec la condamnation des corridas (pp. 306-325) : presque une cinquantaine de pages pour des paragraphes fumeux, là où dix lignes suffisaient amplement.

Troisième question : est-ce que la pensée philosophique peut s'exercer en vitupérant, en éructant, en injuriant les pôvres gens porteurs d'opinions différentes ? Que penser de l'anathème jeté globalement sur l'ethnologie parce que Griaule et Leiris se comportèrent – indéniablement – en salauds lors de leurs expéditions-razzias africaines (ce que tous les intéressés savent depuis vilaine lurette est longuement rappelé pp. 212-225), si ce n'est que ces deux là ne résument pas à eux seuls toute l'ethnologie (me voilà contraint de défendre une discipline dont je ne pense pourtant pas grand chose de bon) ?
Faut-il évoquer les vociférations permanentes que l'auteur se croit obligé d'utiliser dès qu'il évoque (très, très, mais alors vraiment très souvent, à un point que ça en devient louche) ce qu'il appelle "la religion judéo-chrétienne" : il profère à chaque fois de telles âneries que même un non-croyant ne peut que s'insurger contre ce déluge d'inexactitudes, d'amalgames idiots, de sottises sans nombre.
Entre autres choses, Onfray nous refait le coup du curé Jean Meslier (p. 271-276), l'une des stars des années post-soixante-huitardes, et le coup du "Contre Celse" qui n'est qu'un des écrits mineurs d'Origène (fondateur de l'exégèse, ce qu'Onfray se garde bien de mettre en avant). Une fois de plus, l'auteur nous livre de lui-même une image involontairement fort drôle (p. 350) en nous narrant comment il découvrit par hasard (!!!), à l'aide d'une paire de jumelles (que d'audace !), que le sommet du clocher de l'église de "son" village (sic) était orné de quatre sculptures... représentant tout bonnement les symboles des quatre évangélistes : on voit par là (ce que confirment les lacunes de son inénarrable bibliographie figurant en fin de volume) qu'il ignore tout du "Pape des escargots" de Henri Vincenot, livre réellement drôle et bien écrit sur le sujet, et autrement mieux fondé que les sempiternelles et lassantes invectives à la Onfray (qui aurait ainsi pu s'épargner de barbouiller les pages 349 à 371).

Et d'ailleurs, comme l'auteur nous l'affirme dès la p. 79 : "pourquoi apprendre à lire et à écrire puisque la lecture et l'écriture nous éloignent du monde véritable ?" C'était tellement mieux pendant la préhistoire... et avant l'électricité (p. 382-387). Car Onfray nous refait le coup (entre autres innombrables exemples, voir p. 206, 265 pour y revenir pp. 480-482) de l'homme primitif qui vivait tellement mieux puisqu'il était en plein accord avec la belle, grande et doulce Nature (de natura rerum, n'est-ce pas ? pp. 399 et seq).

Deux hypothèses pour tenter de comprendre comment peut s'écrire et se vendre un tel compendium d'âneries, hypothèses qui, loin de s'exclure, peuvent se compléter :
- l'auteur est influencé, pétri, modelé par cette pseudo culture du bavardage cultureux auquel il participe abondamment en se répandant sur les plateaux de télévision à la "Arte", devant les micros à la "France-Culture", en commettant en moyenne deux à trois "ouvrages" par an
- l'auteur est en train de devenir un gourou, lançant des anathèmes à pleines poignées, tout en fournissant (pp. 514-515, en conclusion !) une flopée de slogans dignes de figurer sur des boîtes de confiseries chimiques ou en tête de brochures sectaires servant à recruter des "fidèles"...

Et ce n'est pas fini, l'auteur nous annonce tout plein d'autres volumes du même tonneau : à quand l'inauguration de sa propre statue par lui-même ?
Commenter  J’apprécie          7224



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}