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Critique de Fortuna


Le moins qu'on puisse dire du nouveau livre de Michel Onfray c'est qu'on ne s'y ennuie pas.

On commence par y déguster un bon vin chargé des saveurs du terroir, évoquant les vignobles dont il est issu, l'année qui l'a porté, le travail de la terre, la qualité du sol, la chaleur du soleil, les parfums auxquels il renvoie. le ton est donné : pas d'arrières-mondes, de métaphysique, de considérations abstraites sur l'être et le non-être. Pas de discours indigeste accessible aux seuls initiés. Non une philosophie concrète, épicurienne, hédoniste, destinée à nous aider à comprendre et à vivre notre présence dans le cosmos. Une philosophie qui tire ses leçons de la nature et de l'extraordinaire diversité de cette dernière pour qui sait l'observer. Une réflexion sur le temps basée sur l'expérience extrême de la vie souterraine qui abolit les repères temporels. Et qui est un peu la notre, nourris de lumière artificielle...Michel Onfray interroge notre relation à ceux qui nous sont à la fois si proches et si étrangers : les animaux. S'élevant contre la souffrance que l'homme lui inflige, dans l'élevage en batterie ou dans les corridas, il montre que notre mépris de l'animal est ancré dans une vision du monde monothéiste où l'homme veut dominer le monde plutôt que d'être à son écoute. Mais sans aller jusqu'à justifier la zoophilie ou le véganisme (ne consommer absolument aucun produit issu de l'animal, ne pas le domestiquer ni l'élever) : si on laisse les animaux à l'état sauvage, c'est l'homme qui va disparaître.

Il nous invite à découvrir un ver parasite capable de prendre les commandes d'un autre organisme, la liane tueuse qui étouffe l'arbre autour duquel elle s'enroule pour trouver la lumière. La nature a en effet des ressources infinies pour parvenir à ses fins.

Notre rapport au cosmos doit être réinventé. La religion chrétienne a mis un écran entre l'homme et le monde, nous a rendu sourds aux spiritualités païennes, à la philosophie grecque, aux rites africains ; comme la lumière électrique a brouillé l'opposition entre le jour et la nuit, aboli la connaissance des rythmes cosmiques qui règlent l'existence humaine. Nous devons retrouver la sagesse d'Epicure pour qui le monde était connaissable loin des mythologies et des religions. Ses intuitions scientifiques ont été validées par la science moderne ce qui prouve la validité de sa méthode. Michel Onfray revient plusieurs fois sur le Christianisme qui a puisé dans les croyances et les religions qui existaient avant lui et est resté très marqué par le rite solaire. le paganisme est présent dans toutes les fêtes et célébrations du Christ. le Christ lui même n'a aucune existence historique, c'est une fiction, l'image du soleil invaincu. Il focalise le désir des hommes de rendre hommage au mystère de la vie. Mais en le détournant de sa dimension cosmique.

L'art lui-même est marqué par cette distance qu'a mis l'homme entre le monde et lui. La musique, qui fait chanter les pierres et les corps, a été persécutée par les religions, les Révolutionnaires, les régimes totalitaires (URSS, Nazis). La peinture marquée par les scènes religieuses, le corps souffrant dans l'art corporel, la poésie occidentale s'est coupée du peuple, l'art est devenu abstrait au point de disparaître. Il faut le rechercher là où il exprime les liens de l'homme et du cosmos, dans l'art dépouillé du haïku ancré dans l'expérience du monde, les portraits d'Arcimboldo composés d'animaux, de plantes, de fruits, signifiant son unité. le Land Art, dans l'esprit des mégalithes inscrit le geste esthétique dans la nature. On y découvre les tunnels solaires de Nancy Holt installés dans le désert de l'Utah pour que chacun ressente son appartenance au cosmos. Une oeuvre d'art qui se découvre au terme d'un voyage au bout du monde...

Comme son auteur le dit lui même de sa bibliographie, Cosmos est un véritable cabinet de curiosités. Objets hétéroclites et inédits, étonnants, utiles à l'esprit scientifique, et qui finalement nous démontrent que l'infinie richesse et les mystères de la vie sont sous nos yeux et non pas dans d'improbables mondes célestes.



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