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EAN : 9782246769316
624 pages
Grasset (21/04/2010)
3.52/5   271 notes
Résumé :

Le Mot de l'éditeur : Le crépuscule d'une idole

Michel Onfray, cohérent avec lui-même, s'en prend ici à une religion qui, bien plus que les monothéismes qu'il pourfendait dans son Traité d'athéologie, semble avoir encore de beaux jours devant elle. Cette religion, c'est la psychanalyse - et, plus particulièrement, le freudisme.
Son idée est simple, radicale, brutale : Freud a voulu bâtir une " science ", et il n'y est pas parvenu. Il a ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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sur 271 notes
Comme il est amusant de se dire qu'à la prochaine personne qui nous dira qu'elle a lu tout Freud, on pourra répondre qu'elle aurait sans doute mieux fait de faire autre chose, qu'elle n'a lu que la pensée d'un seul, qui prétendait appliquer à tous ce qu'il ne ressentait que lui-même et que toutes ses constructions ne sont qu'une philosophie, pas plus scientifique que le marxisme ou le kantisme. Quant aux quelques résultats qu'il a obtenus (quand il n'était pas falsifiés), ils étaient majoritairement dus à d'autres types de thérapie (cures thermales, drogue, toucher, etc...).
Onfray m'a convaincu. j'espère ne pas apprendre un jour que ses écrits relèvent eux aussi de la plus grande affabulation !
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Bien que peu enthousiasmée par la lourdeur du titre , j'ai osé la rencontre avec le grand imprécateur des média, digne successeur de Jean-Edern Hallier pour les sautes d'humeur et le côté persécuté. Hélas je n'ai pas pu lire en entier cet ouvrage qui se donne donc pour but rien moins que le déboulonnage d'une idole,j'ai été stoppée pour un détail peut-être, mais le diable est dans les détails.
La pensée négative était le sujet de la thèse du jeune Michel Onfray. On ne peut pas dire qu'il ait beaucoup avancé sur ce point. Mais ce qui me paraît infiniment plus grave est qu'il n'entende rien au sous-entendu.
Ainsi, qu'il brandisse triomphalement , comme preuve de son abjection,une petite note très ironique de Freud, sommé d'écrire après une garde à vue qu'il avait été bien traité par la Gestapo, et écrivant en effet qu'il recommandait chaudement celle-ci, qu'il ne comprenne pas le trait d'esprit de ce vieil homme en danger de mort (pas plus d'ailleurs que les nazis n'y ont pigé quoi que ce soit, qui ont libéré Freud et sa fille Anna et donné l'autorisation de leur départ pour Londres) qu'il prenne donc la lettre au pied et n'en saisisse pas le sens, voilà qui est inquiétant pour la validité de toutes les analyses de Michel Onfray. On peut donc être philosophe et ne rien entendre aux lois du discours, méconnaître l'existence et l'usage de la connotation.
Pour moi, la cause est entendue, et je laisse à ses nombreux lecteurs (à qui je ne veux aucun mal, je le précise car les sous -entendus sont parfois perdus dans le tumulte des croisades philosophiques ou pseudo philosophiques) je laisse donc à qui s'y intéresse les deux mètre cinquante linéaires d'oeuvres de Michel Onfray. C'est vrai, il y a longtemps ,j'ai voulu acheter un ouvrage de cet auteur, et je n'ai pas pu faire un choix devant cette avalanche de titres aussi discrets que les trompettes de Jéricho. Si Nietzsche parlait de philosophie à coup de marteau, il disait aussi que la vérité s'approche avec des pas de colombe...
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Voila un gros livre sur Freud, l'homme et l'oeuvre, mais un livre qui se révèle d'emblée comme un énorme brûlot venu soudainement troubler, déstabiliser, déconstruire, démonter, démystifier les idées reçues - pour ne pas dire des idées arrêtées - chez la nombreuse tribu des fidèles de la psychanalyse, lesquels ont plus ou moins contribués à l'affabulation freudienne, une espèce de légende moderne (et le mot n'est pas trop fort) qui dure depuis cent ans ou plus. C'est un livre étonnant, dérangeant, et c'est le moins que l'on puisse dire, un livre dévastateur que tout lecteur attentif de l'oeuvre de Freud n'est pas près d'oublier.

L'auteur, Michel Onfray, est un philosophe de formation, une formation doublée d'études en histoire de l'art et en psychanalyse (à laquelle il a été introduit dès l'entame des études supérieures, en plus de ses lectures «sauvages et solitaires, voraces et furieuses, anarchiques et instinctives» comme il se plait à le dire aux toutes premières pages du livre, avant même qu'il ne fasse connaissance du programme officiel de l'Education nationale qui proposait des textes de Freud, et ceci dès le Baccalauréat), qui a écrit une cinquantaine de livres.

C'est une production imposante et prolifique pour un auteur qui apparait avoir, incontestablement, atteint sa pleine maturité (maturité philosophique s'entend) dans ses écrits qui vont de l'histoire de la philosophie (et la «Contre- Histoire» de la philosophie), l'esthétique, la pensée et la culture modernes, en général, à la lumière d'un contre-modèle de «philosophie féroce», à un rythme de croisière, dans sa production réflexive, époustouflant !

L'auteur de cette destruction annoncée de toute une légende a lu toute l'oeuvre de Freud, dans l'ordre, a décortiqué, exploré avec soin la «mine d'or» des correspondances de Freud, et la dernière en date, complète et non tronquée comme celle des éditions précédentes, les «Lettres à Wilhelm Fliess» (1887-1904), parue en 2006 (qui comprend seulement comme l'indique le titre du recueil, les lettres de Freud à Fliess, celles qui lui étaient adressées par Fliess ayant été détruites par Freud lui même), qui contiennent de très précieuses informations sur la naissance de la psychanalyse, et un autre visage de Freud que celui auquel nous ont habitué les hagiographes à défaut de biographes objectifs (celle monumentale d'Ernest Jones, 1956-1959, est un parfait exemple d'hagiographie), un grand nombre d'études critiques de l'oeuvre… Tout cela est rapporté en détail dans une bibliographie commentée de 20 pages, en caractères d'imprimerie petits et serrés, à la fin de l'ouvrage.

Le livre comprend cinq parties : 1- Symptomatologie. Déni soit qui mal y pense ; 2- Généalogie. le crâne de Freud enfant ; 3- Méthodologie. Un château en Espagne ; 4- Thaumaturgie. Les ressorts du divan; 5- Idéologie. La révolution conservatrice.

Dans cette mise à nu de l'idole, et de cette théorie habillée de respectabilité scientifique, de cette thérapie (la cure psychanalytique) fabriquée, selon l'auteur du livre, de toute pièce et sans aucun résultat concret, Onfray cite, à l'appui de ses arguments, dès les 60 premières pages de son livre, plusieurs extraits de Frédéric Nietzsche (en particulier «Par delà le bien et le mal» et «Le gai savoir») où il est dit que les philosophes, dans leur ensemble, sont «les avocats et les mêmes astucieux défenseurs de leurs préjugés, baptisés par eux «vérités»» (‘Par delà le bien et le mal'). Et Freud est, incontestable ironie du sort, lui qui détestait les philosophes, avant tout un philosophe ! Au sens où, s'écartant de la neurologie, et de la médecine en général, qui était sa formation de départ, il développe une théorie basée sur une incroyable machine de rhétorique sophistique pour expliquer les ressorts cachés de l'âme et de la personnalité humaine. Entre Freud et Nietzsche il ya quelque chose comme une attraction / répulsion. le théoricien de la psychanalyse, qui sans doute a lu le philosophe de ‘Par delà le bien et le mal', 'Ainsi parlait Zarathoustra', ‘Généalogie de la morale', dissimule l'influence de Nietzsche, la repousse, la nie, la ‘travestie' (j'emploie le terme d'Onfray) bien que dans sa correspondance apparaissent ça et là des confessions où il reconnait beaucoup d'«intuitions» de Nietzsche qui sont proches de la psychanalyse. S'il prétend ne l'avoir pas lu, c'est par tout un art sophistique qui consiste «à ne pas prêter intérêt par excès d'intérêt» (p.59).

Pour Onfray, l'inventeur de la psychanalyse «n'est pas plus scientifique que Shakespeare ou Cervantès», et en fin de compte «Freud est un philosophie élaborant des vérités prétendument universelles avec ses intuitions.

Il pense à partir de lui, avec son salut personnel en ligne de mire. Sa théorie procède de la confession autobiographique, et ce de la première à la dernière ligne de son oeuvre. Singulièrement, et toujours affligé de cette incapacité à voir en lui ce qu'il prétend si bien discerner chez autrui, Freud explique ce qui définit la philosophie – la proposition d'une vision du monde ; puis il développe ses théories sur plus d'un demi-siècle en proposant … une vision du monde, mais il ne veut pas être un philosophe !» (p.72)

En somme, la leçon qu'il faut tirer de ce livre, est que la psychanalyse n'est rien d'autre qu'une discipline qui concerne la personne de Freud (affirmation très forte, pour des générations de psychologues, médecins, psychiatres, mais attendons de voir la suite), et tous les concepts de l'oeuvre freudienne ont servi d'abord et avant tout à penser «sa propre vie, à mettre d'abord de l'ordre dans son existence : la cryptomnésie, l'auto-analyse, l'interprétation du rêve, l'enquête psychopathologique, le complexe d'Œdipe, le roman familial, le souvenir-écran, la horde primitive, le meurtre du père, l'étiologie sexuelle des névroses, la sublimation constituant parmi beaucoup d'autres autant de moments théoriques directement autobiographiques» (pp.39-40)

La psychanalyse apparait ainsi, dans ce livre dévastateur, tout juste un ‘roman familial' extrapolé à l'ensemble de l'humanité !

C'est à la lumière de la correspondance de Freud avec Fliess (longtemps expurgée par les soins d'hagiographes – ou biographes qui systématiquement embellissement la vie de leur héros, Freud – et disciples ‘juges et parties' dans le dossier Freud), celle dite ‘authentique' de 2006 (c'est dommage que Michel Onfray ne mentionne pas la maison d'édition de cet important texte, de même qu'il ya d'autres problèmes d'ordre méthodologique, où les pages des textes cités de Nietzsche ne sont pas données, en plus de quelques coquilles et quelques autres remarques qui seront signalées à la fin de l'article) que le concept majeur de l'oeuvre, ‘clé de voûte' ou ‘socle de la psychanalyse' apparait, malgré toute l'ambigüité du mythe grec, comme le principal déclencheur de toute la saga de l'oeuvre freudienne. Pour Onfray, le complexe d'Œdipe ‘épicentre de la psychanalyse' est «d'abord le coeur nucléaire de l'âme de Sigmund Freud, car cette hypothétique vérité scientifique, est avant tout un problème existentiel subjectif, personnel, individuel. Ce problème devenu, par la grâce et la magie du maitre et de ses disciples, le tourment de tout un chacun depuis le début de l'humanité jusqu'à la fin des temps, ce problème, donc, c'est celui d'un homme, d'un seul, qui parvient à névroser l'humanité tout entière dans le fol espoir que sa névrose lui paraitra plus facile à supporter, plus légère, moins pénible, une fois étendue aux limites du cosmos» (p.137)

Suivent, ensuite, pour illustrer tout cela, des pages et des pages sur le ‘roman familial' de Freud, son attachement (par euphémisme) à sa mère, sa haine du père, son attachement particulier à sa fille Anna, ses relations ambigües avec sa belle soeur Minna Bernays, etc… Toute une généalogie non pas de la morale freudienne, mais des fantasmes, des rêves, des désirs, des tropismes du théoricien de la psychanalyse.

A cela, il faut ajouter les autres termes et pratiques au coeur de l'oeuvre, telles la sublimation, l'auto-analyse, la cure psychanalytique, les pseudo-guérisons (entre autres le cas de Anna O., c'est-à-dire Bertha Pappenheim, laquelle est seulement «guérie sur le papier, mais souffrant toujours dans un lit d'hôpital» (p.186), la religion ‘entendue comme névrose obsessionnelle' (p.217) … Tous ces termes sont minutieusement analysés, disséqués, remis soigneusement dans leur contexte du ‘roman familial'.

Dans la quatrième partie de l'ouvrage (Thaumaturgie), l'auteur relève un certain nombre de sophismes qui contribuent au verrouillage systématique de la discipline psychanalytique. de cette manière «Freud, la psychanalyse, les psychanalystes restent intouchables car la doctrine leur offre un statut d'exterritorialité intellectuelle. Freud prend pour une offense personnelle toute remise en cause de la moindre de ses thèses. Comment pourrait-il en être autrement avec une personne ayant fait clairement savoir que sa vie se confondait à la psychanalyse, qu'elle s'y identifiait, qu'elle était son enfant, sa créature, sa création ? le docteur viennois prétendument débarrassé de sa psychonévrose fort grave en a fait un objet fusionnel. Ses disciples se prosternent depuis un siècle devant le même totem devenu tabou. Or la tâche du philosophe n'est pas de s'agenouiller devant les totems» (p471).

La thèse de Nietzsche réactivée, pour ainsi dire, à travers tout l'ouvrage, est que «toute philosophie est confession autobiographique de son auteur» (p.69). le Freudisme en est une illustration, c'est l'hypothèse majeure du livre d'Onfray à propos de l'oeuvre de Freud.

«Le crépuscule d'une idole» est un livre d'une grande puissance perceptive, un livre qu'on pourrait lire tel un ‘traité d'athéologie' comme le souhaiterait son auteur, et l'on pourrait même imaginer, si l'âme des morts errait parmi les vivants, ou, en d'autres termes, le ‘noûs' ou souffle purement spirituel qui s'élance vers les hauteurs célestes, chez Platon, (le ‘noûs' comme intellect actif chez Aristote), et plus prés de nous l»anima', archétype du féminin chez Carl Gustav Jung, que peut être l'âme de Nietzsche jetterait un regard bienveillant ou complice sur ce livre.
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Je fais partie des gens que le freudisme agace, cela depuis de lointaines études et l'interdiction qu'il y avait alors à mettre en doute les affirmations de l'enseignant. Elles devaient être admises sans discussions possibles. J'ai toujours considéré la psychanalyse comme une thérapie peu fiable aux résultats très incertains et d'une durée risible. Ceci posé je n'ai jamais, au grand jamais mis totalement en doute les thèses de Sigmund Freud ou comme les appelle Michel Onfray ses " cartes postales

«Freud a découvert l'inconscient tout seul à l'aide d'une auto-analyse extrêmement audacieuse et courageuse»
«Freud a découvert une technique qui, via la cure et le divan, permet de soigner et de guérir les psychopathologies»
«la psychanalyse procède d'observations cliniques, elle relève de la science»
«le complexe d'Oedipe est universel»,
«la conscientisation d'un refoulement obtenue lors de l'analyse entraîne la disparition du symptôme»

et bien sûr : l'interprétation des rêves, les actes manqués, le déni, toutes ces notions développées dans une oeuvre qui occupe plusieurs rayons de bibliothèque, oeuvre qui semblait intouchable.
C'était sans compter sur Michel Onfray, éternel empêcheur de penser en rond qui s'attaque à la statue du commandeur.
C'est toute l'oeuvre de Freud qu'Onfray a lu pour écrire son livre, mais aussi sa correspondance, même si une partie de celle-ci est encore interdite d'accès.
Que nous dit Michel Onfray en multipliant les citations de Freud lui-même ?

Que les thèses développées par l'inventeur de la psychanalyse répondaient surtout aux obsessions de leur inventeur
Que Freud était fasciné par des techniques qui frôlaient le charlatanisme
Que lors des entretiens thérapeutiques avec ses patients il lui arrivait de s'endormir sans gêne aucune
Qu'il a inventé des patients et masqué ses échecs thérapeutiques en falsifiant les rapports de ses expériences
Qu'assoiffé de gloire et de richesse il n'hésitait pas à dénigrer, calomnier ses amis si cela pouvait servir ses intérêts
Que son épouse, sa fille, sa belle-soeur ont toutes fait les frais de ses tourments personnels sans compter plusieurs patients qui ne se sont jamais remis des traitements infligés.

Mais Onfray ne s'arrête pas là, après avoir affirmé que Freud n'a jamais guéri personne, il insiste aussi sur les positions très conservatrices de Freud et lui reproche son silence sur la montée du Nazisme, car Freud n'a jamais écrit " contre Hitler, contre le national- socialisme, contre la barbarie antisémite, alors qu'il n'hésite pas, régulièrement, à publier de longues analyses contre le communisme, le marxisme, le bolchevisme"
La charge est violente et le réquisitoire très sévère, on sort de cette lecture un peu ahuri, se demandant pourquoi ces faits n'ont jamais été étudiés, comparés, pourquoi alors que la science réclame en permanence des preuves, on a accepté comme vérité la parole seule de Freud sans aucune preuve à l'appui. " Freud ne s'est pas contenté de créer un monde magique, il y a conduit nombre de personnes et a souhaité y faire entrer l'humanité tout entière"
En voilà assez pour abattre n'importe quel statue, et l'homme Freud apparaît bien petit, on comprend mieux désormais sa haine des biographes et la destruction par lui ou ses proches d'une partie de sa correspondance.
Alors tout est à jeter ? Non, même si le bilan est assez terrible, Michel Onfray reconnaît Freud comme philosophie et reconnaît l'apport important qui a " fait entrer le sexe dans la pensée occidentale "
Il ne dénigre pas la psychanalyse mais refuse de la considérer comme une science comme Wittgenstein, Popper ou Deleuze avant lui.

Onfray aime la polémique et ses passages sur les plateaux télé sont devenus trop fréquents, son livre d'une écriture directe et simple est plein d'approximations disent ses détracteurs, mais beaucoup d'arguments avancés reposent sur les écrits de Freud lui-même ce qui affaiblit considérablement la critique. A cette lecture on s'offusque, on rit, on s'étonne, on est d'accord ou non, mais on ne s'ennuie pas un seul instant. Lisez ce livre dérangeant et tonique.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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A l'agité du bocage

« Les controverses les plus furieuses ont pour objet des matières où il n'y a aucune sorte de preuve. » (Bertrand Russel)
Plus coutumier des auteurs reposant dans leurs « cendres de conséquence », je n'envisageais pas de me pencher sur la prose essayiste du sieur Onfray : les philosophes, à de rares exceptions, m'excitent autant qu'une session de l'Assemblée nationale à la veille des grandes vacances ! C'est alors que vint à mes oreilles, à l'époque de la sortie de ce livre, un concert d'injures adressé à l'auteur…
Après quelques renseignements glanés çà et là, je découvrais que ledit philosophe fascisant célébrait Nietzsche à défaut d'Alfred Rosenberg ; ne portait pas de tee-shirts avec imprimé en grosses lettres : « I Love Pinochet !» (à la manière des jeunes filles en fleurs affichant leur amour pour New York ou Londres sur des poitrines turgescentes à l'arrivée des beaux jours !) ; qu'enfin il n'était même pas membre de l'Amicale bavaroise de la Raie au Côté ! Alors pourquoi tant de tapage ? Je devais lire le crépuscule d'une idole pour comprendre (essayer au moins !) :
Sans adhérer aveuglément à la remarque introductive des Caractères de la Bruyère, selon laquelle tout serait dit et l'on viendrait trop tard, j'éprouve toutefois cette vérité qu'il n'est rien que je puisse penser ou écrire à partir du néant. Je crois à la psychanalyse comme à un formidable champ d'investigation, mais je ne la crois ni autosuffisante, ni née de nulle part. de ce point de vue, Onfray fait bien de rappeler que Freud n'est pas un prophète qui aurait entendu des voix intérieures, et seulement elles, pour inventer la psychanalyse.
Onfray frappe dans la fourmilière et pointe les contradictions de Freud, ses dissimulations, les travaux qu'il s'approprie, etc., avec une méticulosité de légiste.
Hélas pour étayer sa thèse, il force souvent le trait. Voir le passage du Roi Lear : les ficelles sont tellement énormes qu'elles pourraient maintenir un supertanker en équilibre dans les airs ! Idem pour la fin de la seconde partie, où on glisse franchement dans le mélodramatique éculé. Pourquoi convoquer Marilyn Monroe, symbole de la fragilité psychique ? La psychanalyse n'y est pour rien, il me semble, dans sa descente aux enfers. Et, selon pas mal de témoignages, à commencer par ceux de l'actrice, elle l'aidait même à supporter le poids de ses souffrances.
La psychanalyse ne saurait avoir tout faux, monsieur Onfray !
Oui, la charge érotique symbolique des objets est parfois évidente. le cinéma a d'ailleurs très bien compris l'usage qu'il pouvait en faire, notamment pour tromper la censure : la dernière image de la mort aux trousses d'Hitchcock est un train pénétrant dans un tunnel (précédée par celle d'un Cary Grant attirant sur sa couchette une Eva Marie Saint très consentante !). Suis-je alors irrémédiablement contaminé par la pensée freudienne ?!
Certes, Freud est à bien des égards un personnage antipathique (beaucoup d'autres le sont, qui ont malgré tout élevé l'humanité !). Il n'empêche : parce que des thérapeutes ont su séparer le vin de l'ivraie dans sa pensée, des patients ont bénéficié des bienfaits de la théorie psychanalytique, riches et pauvres mêlés. Que le fondateur de la psychanalyse soit effectivement un opportuniste, obsédé par la reconnaissance n'enlève rien à son talent de découvreur.
La conclusion du Crépuscule d'une idole le reconnaît elle-même : la psychanalyse n'est pas vide de substance, au contraire. Avec elle, au moins, les malades psychiques ont cessé d'être des monstres : ils sont redevenus des hommes. C'est déjà pas mal.
Onfray, quelles que soient nos réserves sur le contenu de son essai, invite à une chose essentielle : ne pas céder à la pensée unique. Malheureusement, Freud n'est plus un penseur : il est devenu une idole pour ses féroces thuriféraires. D'où impossibilité de débattre.


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Citations et extraits (79) Voir plus Ajouter une citation
« Et si l’on ne croit pas aux fictions freudiennes ? Si l’on n’adhère pas à sa psychologie littéraire ? Si l’on doute de l’université du complexe d’Œdipe ? Si l’on ne sacrifie pas à l’hypothèse d’un désir sexuel de tout garçon pour sa mère et, conséquemment, d’une envie d’occire symboliquement son père ? Si l’on résiste à l’idée que nous avons tous assisté à la scène primitive d’une copulation entre notre père et notre mère soit de visu, soit parce que notre inconscient conservait la trace de ce qui ne peut pas avoir eu lieu à l’origine de l’humanité ? Si l’on pense que le tropisme incestueux est l’affaire d’un seul homme sans que pour autant l’humanité tout entière en soit affectée ? Si l’on pense qu’un mythe se situe aux antipodes de la science et qu’on ne devrait donc pas pouvoir, de ce fait, parler de mythe scientifique ? Si l’on ne souscrit pas à l’idée que tous les pères auraient le fantasme inconscient d’abuser de leurs enfants ? Si l’on pense que le banquet primitif avec manducation d’un corps du père de la horde primitive relève de l’extravagance ? Si l’on estime que la vérité du corps concret devrait peser plus dans le souci de la pathologie d’autrui que l’hypothèse d’un inconscient nouménal doté de toutes les qualités d’un dieu monothéiste ? Si l’on préfère la causalité dialectique à la causalité magique ? Si l’on se soucie moins du chaman ou du sorcier et plus du médecin ou du chirurgien pour régler ses problèmes de santé ? Si l’on soupçonne le divan d’être un accessoire moderne dans le vieux théâtre des guérisseurs ? Si l’on pense, après examen du dossier, que Freud a beaucoup menti, peu soigné et presque pas guéri ? Si l’on doute que le psychanalyse ait plus de souci de lui, de son revenu, de sa discipline, de sa corporation, que la guérison de son patient ? Si l’on pense qu’un conquistador vit sur une autre planète qu’un homme de science ? Si l’on estime que la psychanalyse est une excellente thérapie – pour son inventeur et seulement pour lui ? Alors, c’est qu’on est très malade et qu’il nous faut urgemment nous allonger sur un divan… »
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« Nous sommes porteurs, Freud nous le dit, nul besoin de démonstration, de ce souhait d’enfance : chacun d’entre nous a voulu un jour s’accoupler au parent du sexe opposé et a considéré le parent du sexe identique comme un rival dont il a souhaité la disparition. Freud l’a vécu ainsi dans sa chair, il faut donc que tous l’aient une fois vécu de la même manière dans leur chair. L’alternative est simple : soit chacun se souvient de cette configuration libidinale, et les choses sont claires, Freud a raison. Soit il ne s’en souvient pas, et l’affaire est encore plus claire, alors Freud a encore plus raison, car ne pas se souvenir prouve la formidable puissance du refoulement d’autant plus nécessaire que ce désir oedipien a été puissant. Dans tous les cas, Œdipe triomphe, mais aussi, et surtout, Freud dont la névrose ne lui paraît plus insupportable une fois étendue à chacun. Quand tous souffrent de cette pathologie, plus personne ne souffre d’aucune pathologie… »
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Disons que l'impitoyable embargo des archives pour tout chercheur qui ne montre pas un zèle freudien empêche un travail digne e ce nom. Tant que les freudiens interdiront l'accès libre aux archives, on pourra penser qu'ils ont des choses à cacher - des choses qui valident pleinement les travaux critiques sur la psychanalyse... Par exemple, certaines archives de la Bibliothèque du Congrès de Washington sont sous scellés jusqu'en 2103. Faut-il qu'il y ait des choses à cacher qu'on ait à ce point rendu impossible la possibilité d'effectuer un travail d'historien sur cette légende du XXe siècle que fut le freudisme !
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Freud brosse le portrait du masturbateur : il a peur des réunions ; il a tendance à la solitude ; il manifeste une méfiance excessive ; dans l'adolescence, il se distingue par une "aspiration morbide à la véracité" ; il est friand d'amitié authentique ; il est sans spontanéité ; il craint d'être observé par tout le monde ; dans certaines occasions, il ne peut se servir de ses mains ; il a la manie passionnée de se sacrifier pour quelque chose ; mais il est soit égoiste, soit hyper-altruiste...
Parfois la masturbation peut se traduire par des dispositions louables : inclination à la vertu ou à une perfection morale particulière ; tendance au choix d'une profession dans les sciences pures ; à la "propreté du langage" ; à l'aversion pour tout cynisme ; à fixer des dates ; à la peur de l'impuissance ; à la surestimation de la fondation d'une famille ; impression, chez les filles, d'avoir perdu leur virginité et de ne plus pouvoir avoir d'enfants. Enfin, bouquet final : "Chaque onaniste incarne en fait deux personnes, sa première nourrice (mère) et lui-même"...
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Voici donc la méthode de Freud mise en lumière : partir de ois, théoriser pour la totalité des hommes, mais, se faisant, revenir à soi parce que finalement, on ne se sera jamais quitté. Le roman familial constitue en effet un excellent concept opératoire... mais pour Freud uniquement ! Tout comme, on le verra, le complexe d'œdipe, lui aussi magnifique trouvaille conceptuelle, mais uniquement pour mettre une étiquette sur la pathologie de son auteur. Freud prend son cas pour une généralité... Voici donc la clé de l'épistémologie freudienne : l'extrapolation d'une théorie universelle à partir d'une aventure personnelle.
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Videos de Michel Onfray (159) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Onfray
*INTRODUCTION* : _« […] Je veux seulement, Monsieur, vous faire part d'une chose que j'ai lue dans Montaigne, et qui marque son bon goût. Il souhaitait devenir assez savant pour faire un recueil des morts les plus éclatantes dont l'Histoire nous parle. Vous qui êtes son partisan, vous approuverez ce dessein que j'exécute en partie. En effet, le véritable point de vue où je placerais une personne qui veut bien juger du ridicule qui règne dans le monde, est le lit de mort. C'est là qu'on se détrompe nécessairement des chimères et des sottises qui font l'occupation des hommes. Nous sommes tous fous ; la folie des uns est plus bouillante, et celle des autres plus tranquille. »_ *André-François Boureau-Deslandes* [1690-1757], _À Monsieur de la Ch…_
_« Rien ne doit plus nous frapper dans l'histoire des grands hommes, que la manière dont ils soutiennent les approches du trépas. Je crois que ces derniers moments sont les seuls, où l'on ne puisse emprunter un visage étranger. Nous nous déguisons pendant la vie, mais le masque tombe à la vue de la mort, et l'Homme se voit, pour ainsi dire, dans son déshabillé. Quelle doit être alors la surprise ! Tout l'occupe sans le toucher : tout sert à faire évanouir ce dehors pompeux qui le cachait à lui-même. Il se trouve seul et sans idées flatteuses, par ce qu'il ne peut plus se prêter aux objets extérieurs. Cette vue a cela d'utile en flattant notre curiosité, qu'elle nous instruit. Il n'est rien de quoi, disait Montaigne, je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, quelle parole, quel visage, quelle contenance ils y ont eus ; mille endroits des histoires que je remarque si attentivement. Il y paraît, à la farcissure de mes exemples, et que j'ai en particulière affection cette matière*._ _Je suis persuadé que la dernière heure de notre vie est celle qui décide de toutes les autres. »_ *(Chapitre III : Idée générale d'une mort plaisante.)*
* _« Et il n'est rien dont je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, de quelle parole, quel visage, quelle contenante ils y ont eus, non plus qu'il n'est d'endroit dans les histoires que je remarque avec autant d'attention. Il apparaît à la farcissure de mes exemples que j'ai cette matière en particulière affection. Si j'étais faiseur de livres, je ferais un registre commenté des morts diverses. Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre. »_ (« Chapitre XIX : Que philosopher c'est apprendre à mourir » _in Montaigne, Les essais,_ nouvelle édition établie par Bernard Combeaud, préface de Michel Onfray, Paris, Robert Laffont|Mollat, 2019, p. 160, « Bouquins ».)
*CHAPITRES* : _Traduction d'un morceau considérable de Suétone_ : 0:02 — *Extrait*
0:24 — _Introduction_
_De quelques femmes qui sont mortes en plaisantant_ : 0:49 — *1er extrait* ; 2:08 — *2e*
_Additions à ce qui a été dit dans le IX et dans le XI chapitre_ : 3:15
_Remarque sur les dernières paroles d'Henri VIII, roi d'Angleterre, du Comte de Gramont, etc._ : 6:09 — *1er extrait* ; 6:36 — *2e*
_De la mort de Gassendi et du célèbre Hobbes_ : 7:45
_Remarques sur ceux qui ont composé des vers au lit de la mort_ : 10:47
_Examen de quelques inscriptions assez curieuses_ : 13:52
_Des grands hommes qui n'ont rien perdu de leur gaieté, lorsqu'on les menait au supplice_ : 14:33
_Extrait de quelques pensées de Montaigne_ : 15:31
_S'il y a de la bravoure à se donner la mort_ : 17:37 — *1er extrait* ; 18:57 — *2e*
_De quelques particularités qui concernent ce sujet_ : 19:14
19:28 — _Générique_
*RÉFÉ. BIBLIOGRAPHIQUE* : André-François Boureau-Deslandes, _Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant,_ nouvelle édition, Amsterdam, Westeing, 1732, 300 p.
*IMAGE D'ILLUSTRATION* : https://www.pinterest.com/pin/518547344600153627/
*BANDE SONORE* : Steven O'Brien — Piano Sonata No. 1 in F minor Piano Sonata N0. 1 in F minor is licensed under a Creative Commons CC-BY-ND 4.0 license. https://www.chosic.com/download-audio/46423/ https://www.steven-obrien.net/
*LIVRES DU VEILLEUR DES LIVRES* :
_CE MONDE SIMIEN_ : https://youtu.be/REZ802zpqow
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/B0C6NCL9YH *VERSION NUMÉRIQUE* _(.pdf)_ : https://payhip.com/b/VNA9W
_VOYAGE À PLOUTOPIE_ : https://youtu.be/uUy7rRMyrHg
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/
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