Christine Orban fait parler Joanna Hifferman, modèle et maitresse du peintre Whistler, comme étant le modèle de Courbet dans le tableau L'origine du monde. Courbet a déjà peint la rousse irlandaise, souvent vêtue de blanc, ou la peindra nue comme dans le Sommeil, ou la femme au perroquet, tous en 1866. Cette fois, il ne s'agit plus de peindre les cheveux cuivrés qui se répandent sur le lit, mais bien de peindre la toison noire sans les jambes ni la tête. Ce tableau connu de tous a été commandé par Khalil Bey, un diplomate turc, à Courbet, et n'a pas perdu depuis les années son aspect scandaleux. Jo , à travers
Christine Orban, raconte son désir d'être peinte nue, d'être aimée par Courbet, mais aussi sa réticence à s'exposer de façon aussi indécente. Malgré tout, elle reste et raconte sa démission devant l'insistance de Courbet à la peindre de cette façon, à cause du désir qu'elle a de régner sur ce conquérant, d'apprivoiser cet ours, de se servir de sa faiblesse à elle pour dompter la force brutale du peintre. Qui, lui, voit de la force dans cette femme qui a quitté Whistler pour venir vivre avec lui, et qui, surtout, dépasse les apparences pour ressentir et faire ressentir. Curieusement, Courbet est connu comme un peintre réaliste, et il est vrai qu'il ne peint pas les femmes à la manière éthérée et nuageuse des nus néo classiques, mais, en plus, il exprime bien plus qu'il ne reproduit. « si le peintre ne va pas fouiller derrière l'apparence, le tableau est raté, n'a pas d'intérêt. » C'est très beau ce que dit
Christine Orban dans la bouche de Jo l'irlandaise, peindre la chair comme a fait Courbet touche au sacré et à l'approche de Dieu , comme s'il récréait l'ordre du monde, comme s'il engendrait une femme.
Reste que le modèle de l'origine du monde ne peut être Johanna, qui vivait toujours en 1866 avec Whistler. Et que très certainement Courbet s'est appuyé sur des photographies pornographiques qui commençaient à circuler, aucun modèle n'ayant pu rester dans cette pose très longtemps. le génie de Courbet est justement d'avoir fait d'une photographie une oeuvre d'art inoubliable, toujours aussi scandaleuse malgré les efforts multiples de ses successeurs qui ont voulu choquer. Choquer, c'est se donner une chance d'être acheté, non ?or Courbet ne voulait pas choquer, il voulait s'approcher le plus possible de la réalité qui le possédait. Après Khalil Bey, qui le cachait derrière un rideau, le tableau a fait maints allers et retours entre Istanbul , Budapest et Paris, où
Lacan le tenait caché lui aussi derrière un autre tableau. Il est maintenant exposé depuis 1995 au
Musée d'Orsay, et fait toujours parler de lui, entre autres lorsque la tête supposée de la femme de l'origine du monde a été retrouvée en 2013. Mais n'en est pas la tête, pas plus que Jo Hifferman n'en est le sexe.