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Critique de gerardmuller



1984/Georges Orwell
Publié en 1950, (et cette date il ne faut à aucun moment l'oublier en lisant), ce roman reste de nos jours un des chefs d'oeuvre de la fiction socio-politique. Référence est faite à ce roman chaque fois que les libertés fondamentales sont remises en cause par un pouvoir un tant soit peu autoritaire.
Le pouvoir dictatorial d'Oceania (nouveau nom de l'association des états atlantiques, Amérique et Grande Bretagne) a placardé sur tous les murs du pays une grande photo de Big Brother dont le regard vous suit partout. Dans chaque domicile des télécrans du Parti surveillent ce que vous dites, faites et même pensez et la Police de la Pensée patrouille nuit et jour à la recherche des dissidents.
Les trois slogans du parti sont affichés en lettres énormes sur tous les bâtiments officiels :
LA GUERRE C'EST LA PAIX
LA LIBERTÉ C'EST L'ESCLAVAGE
L'IGNORANCE C'EST LA FORCE
Et puis comme exutoire pour brider l'agressivité du peuple, il y a Emmanuel Goldstein, l'Ennemi du Peuple qui durant deux minutes régulièrement illustre sur les télécrans les Minutes de la Haine. le peuple entier crie et hurle sa haine.
Tout est fait pour créer par une sorte d'hypnose un étouffement délibéré de la conscience de chacun.
Winston Smith comme tous les citoyens prudents affiche constamment sur ses traits une expression de tranquille optimisme. Mais dès le début du récit on sent que ce citoyen a des arrières pensées libertaires. Et il n'est sans doute pas le seul.
Winston va entreprendre la rédaction d'un journal personnel tout en se demandant pour qui il va l'écrire : pour l'avenir ou pour le passé ?
Il faut savoir que Winston a une rude tâche professionnellement parlant : il participe à la falsification du passé et notamment des faits historiques. On dit plutôt selon les théories de l'Angsoc (socialisme anglais), rectification du passé !
« Ce processus de continuelles retouches était applicable non seulement aux journaux, mais aux livres, films etc…Jour par jour et presque minute par minute, le passé était mis à jour. On pouvait ainsi prouver avec documents à l'appui que les prédictions faites par le Parti s'étaient trouvées vérifiées. »
Tel est le travail du Commissariat aux Archives dont dépend Winston.
Dans ce monde, il n'y a pas d'amis mais seulement des camarades, lesquels ne reculent avec zèle devant aucune forme de délation. La punition suprême est la vaporisation : à terme, vous n'avez jamais existé.
Quatre ministères gèrent Océania : celui de la Paix qui s'occupe de la guerre, celui de la Vérité qui s'occupent des mensonges, celui de l'Amour qui s'occupe de la torture, celui de l'Abondance qui s'occupe de la famine. Voilà l'aspect cynique de la double-pensée.
La nouvelle langue, novlangue, dont le dictionnaire est chaque jour amputé de mots séditieux a pour but de restreindre les limites de la pensée et de la conscience.
Autre point important : l'acte sexuel accompli avec succès, donc avec plaisir, est un acte de rébellion. le désir est un crime de la pensée.
Donc la jouissance est une victoire contre le Parti, un acte politique.
L'espoir viendra-t-il des prolétaires, caste rejetée hors du système et qui vit dans une extrême précarité ? Ou bien de O'Brien, un collègue qui ne ressemble pas aux autres ? Ou bien de Julia, la fille aux cheveux noirs qui commet un sacrilège en faisant parvenir un billet à Winston. Elle y a écrit en prenant tous les risques : Je t'aime !! Ne serait-ce pas un piège en fait ?
Winston réalise qu'il est sur une voie hétérodoxe : en effet il a commencé par avoir des pensées subversives, puis des mots en rédigeant un journal et il passe aux actes rien qu'en acceptant discrètement le billet de Julia ; ce qui aura de lourdes conséquences.
On peut lire dans la seconde moitié du roman une fine analyse socio-politique générale, mettant en avant le constat qu'il existe trois groupes humains, à savoir les nantis ou groupe supérieur dont le but est de rester en place, ceux qui ne le sont pas encore ou groupe moyen, qui a pour objectif de changer de place avec le groupe supérieur, et les prolétaires ou groupe inférieur dont le but est d'abolir toute distinction et de créer une société dans laquelle tous les hommes seraient égaux. Ce thème développé tout au long du chapitre IX est particulièrement intéressant.
Winston va suivre cet appel libertaire qu'il ressent au fond de lui et ce chemin va le conduire aux confins de l'horreur, dans un suspense digne des plus grands thrillers.
Un livre inoubliable rappelant que les foules ont une capacité inouïe à absorber n'importe quel mensonge pourvu qu'on le lui répète de façon incessante et pendant assez longtemps. Rappelant aussi que le négationnisme guette toujours une civilisation et que la falsification des faits historiques nous menace nous aussi. Enfin la création d'un ennemi commun à haïr pour cimenter un peuple.
Il faut garder présent à l'esprit qu'à l'époque où G.Orwell écrivit son roman, l'informatique n'existait pas. Si en 1930 Gödel a défini le premier codage numérique, il a fallu attendre 1960 pour que naisse le langage informatique avec Schutzenberger et le premier algorithme d'unification de Robinson en 1965.
Imaginons un instant ce qu'aurait pu devenir ce roman et le pouvoir de Big Brother avec l'outil informatique.
Enfin pour la petite histoire, il peut être utile de savoir que Orwell s'est inspiré du personnage de Staline pour en faire un Big Brother.
Il faut aussi mettre au crédit d'Orwell son immense talent pour donner du charisme à ces personnages, que ce soit Winston, Julia ou O'Brien., des personnages complexes et intéressants.
Ce très beau livre, assez dur et cruel, résonne comme un hymne à la liberté, qu'elle soit de pensée, d'expression ou d'action.
« Que peut-on, pensa Winston, contre le fou qui est plus intelligent que vous, qui écoute volontiers vos arguments, puis persiste simplement dans sa folie? »


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