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Critique de chocobogirl


En 2019, dans la capitale japonaise. Tokyo est désormais Néo-Tokyo. 30 ans plus tôt, la troisième guerre mondiale et ses bombes d'un nouveau genre ont détruits la quasi totalité des grandes cités mondiales. Neo-Tokyo s'est reconstruit sur les ruines de l'ancienne capitale qui servent désormais de terrain de jeu pour les jeunes délinquants. Parmi eux, Kaneda, son ami Tetsuo et leur bande de motards qui n'hésitent pas à braver les interdits pour se griser de vitesse. La rencontre accidentelle sur une autoroute désaffectée avec un étrange enfant au visage de vieillard va pourtant bouleverser leurs vies.
Alors que Tetsuo est à l'hôpital, Kaneda croise à nouveau la route de l'enfant vieillard. En fuite, perturbé, il est recherché activement par l'armée qui le nomme numéro 6. En face, un petit groupe de dissidents révolutionnaires menés par la belle Kay et son frère tente de soustraire l'enfant des mains du colonel. Kaneda, coincé entre deux feux, s'allie aux résistants pour sauver sa peau, avant de découvrir que son ami Tetsuo s'oppose désormais à lui dans une lutte fratricide .
Désormais, militaires, terroristes et bande de jeunes vont s'affronter autour d'un mystérieux projet nommé Akira dont Tetsuo va bientôt devenir l'élément central, menant le monde vers une nouvelle apocalypse.

Véritable univers post-apocalyptique, Néo-Tokyo semble être le symbole de la destruction plutôt que du renouveau. Les jeunes adolescents que nous suivons sont des marginaux qui, placés en vain dans une structure de réinsertion, sont en totale opposition avec le système et l'état. Rebelles à toute autorité, ils vivent en s'offrant les paradis perdus que leur offre la drogue tout en errant dans un monde sans futur. Leur devise, issue de leur bar préféré :"Oublie tout espoir avant de rentrer" donne le ton.
L'armée, quant à elle, semble au-dessus des lois et ne s'encombre pas de morale lorsqu'il s'agit de manipuler des enfants pour son propre profit : créer une sorte de monstre, un être aux pouvoir surhumains qu'ils ne sont même pas certains de garder sous contrôle.
Dans cet espace d'une noirceur sans fond, vont s'affronter deux amis pourtant inséparables. Alors que Tetsuo, garçon introverti qui découvre dans ce nouveau pouvoir qui monte en lui le moyen de s'affirmer, symbolise le mal de vivre absolu, Kaneda reste fidèle à son ami et va tenter de le ramener à lui. L'évolution et la psychologie de Tetsuo est fascinante et ce personnage se révèle un des grands atouts de l'histoire. Pouvoir télékinésique, mutations, égo surdimensionné et violence exacerbée cachent pourtant une faiblesse extrême. Un être très compliqué dont nous n'aurons jamais toutes les clés et dont le mystère hypnotise pourtant.

Akira, disons-le sans ambages est une oeuvre majeure totalement novatrice qui bouleversa le monde de la BD lors de sa sortie. Sa publication débute en 1982 et s'étalera jusqu'en 1990. C'est aussi à cette époque que la série débarque en France. Éditée par Glénat dans une version couleur issue de la traduction américaine, elle fut le déclencheur de l'explosion du manga, avant de connaître une édition noir et blanc, conforme à celle d'origine. Les deux versions sont aujourd'hui encore disponibles et si, pour ma part, je ne saurais trop vous conseiller la version noir et blanc (on est puriste ou on ne l'est pas ! et en plus, ça vous coûtera moins cher !), certains semblent apprécier la version colorisée qui me parait personnellement trop datée, peu adaptée à l'utilisation des trames japonaises et surtout non conforme à l'oeuvre de l'auteur.
Le succès d'Akira devient mondial et aboutira d'ailleurs au film d'animation éponyme, tout aussi culte, réalisé par l'auteur lui-même en 1989.

Akira se présente à l'époque comme allant à contre-courant des codes traditionnels. Otomo utilise un trait extrêmement précis et surtout très réaliste. le détail apporté dans le design des bâtiments, dans la structure des motos, dans les traits des visages des personnages surprend. Influencé par les comics américains et par Moebius qu'il admire, Otomo s'est totalement dédouané du dessin à la Tezuka (traits ronds, univers enfantin,...) qui avait cour. Otomo fait preuve d'une grande force graphique. Utilisant la richesse des plans, dans angles de vues, des cadrages, il donne vie à un univers très dynamique où tout semble d'une précision sans faille. Sur les 1800 pages que compte la série, les illustrations post-apocalyptiques ne sont pas un vain mot : explosions, immeubles éventrés, dédales de ruines, etc... L'auteur construit une urbanité effrayante qui laisse groggy et sans espoir, à l'image de ses personnages. Rendant compte de manière très visuelle de la rapidité des actions, Otomo sait aussi ralentir et s'arrêter sur un mouvement figé emblématique, s'assurant ainsi de l'attention du lecteur qu'il tient entre ses mains.

Oeuvre majeure, oeuvre culte, chef d'oeuvre, les qualificatifs sont nombreux pour désigner cette histoire qui, malgré les années, n'a absolument pas vieillie. Akira est un titre indispensable pour tout lecteur de bande dessinée, japonaise ou non. Cette oeuvre sombre dépeint sans concession un monde sinistre, en déclin, rattrapé par ses propres erreurs et ses propres démons. Un monde mené à sa perte par l'individualité, par une science dévastatrice mais où la destruction est intimement lié à une renaissance. On peut y voir aussi une certaine représentation de l'adolescence : les enfants s'expriment avec violence, voit leurs corps muter mais semblent pourtant être le symbole de l'espoir, d'un renouveau. de là à évoquer la crise identitaire de la jeunesse perdue japonaise, il n'y a qu'un pas.
Au final, Akira est une oeuvre dense, profonde et multiple qui contient en son sein de nombreuses clés. A vous de les découvrir sans tarder !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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