Très belle description de la chute des peuples amérindiens du Canada.
Les fourrures qui émanaient de leurs terres firent leur malheur.
L'homme blanc les massacra de la façon la plus naturelle : en lui faisant cadeau de ses bactéries.
Beau roman historique, écrit du point de vue des indiens.
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Elle, elle pense en femme. Elle est née pour donner la vie. Celle des hommes et celle des plantes. Ses gestes sont sans éclat et quotidiens, et pourtant, sans eux, le plus grand des guerriers peut mourir de faim. Elle n'a pas été plus loin qu'à l'orée des cultures, et ses blessures sont dans le creux de ses reins, invisibles et grandissantes avec l'âge. Elle pense à demain, à ce qu'il lui faut faire pour remplir le ventre des siens. Lui, il pense à hier, quand son peuple était puissant et qu'il rentrait triomphant avec les têtes de ses ennemis.
La charrue remplacera les bêches des femmes huronnes, et la hache de fer, celle de silex des hommes. Ils bâtiront des églises, des écoles, des moulins, des forges, et exporteront la fourrure, le poisson, le bois, le chanvre et les richesses que le sol contient et qui sont encore à découvrir. Aux Sauvages, ils feront l'insigne honneur de les considérer comme sujets français et leur apprendront à parler leur langue et à prier leur Dieu. Ils les feront bénéficier de leurs lois et les mettront sous la protection de leur roi. Plus il y aura de Français parmi eux, plus vite ils seront francisés et convertis. Ce pays deviendra alors vraiment la nouvelle France. La lointaine France aux dimensions d'un empire, elle-même aux portes de l'empire d'Orient.
Elle tente vainement de repousser ses pensées erotiques, qui lui apparaissent incongrues en la circonstance, mais, au même moment, le regard de l'homme à la robe revient la glacer. La menacer dans l'essence même de son être. Alors son ventre réplique. Lui seul sait assurer leur descendance. Comme la terre, il reçoit les semences et les fait croître. Il est la vie et la survie. Tout homme de son peuple sait cela, et, pour cela, en guise de réparation d'un meurtre, exige beaucoup plus pour la vie d'une femme que pour la vie d'un homme.
Ma mère venait d'ailleurs. D'Allemagne plus précisément. Copains et copines prétendaient qu'elle parlait avec un accent. Nous, nous contestions. Jamais nos oreilles n'avaient décelé le moindre accent chez elle. Elle venait d'ailleurs, c'était tout. Pour le reste, elle était comme les autres mamans. Seul différait le regard qu'elle portait sur le pays. Elle voulait en connaître les racines profondes pour y nouer les siennes, extirpées du sol natal.
L'arme secrète aura fait ses ravages. Elle éclate comme le tonnerre, foudroie comme l'éclair, et sa puissance n'a d'égal que son mystère. Lorsque les Étrangers leur en ont fait la démonstration, ils en ont été frappés de stupeur. De crainte. D'admiration, voire même de vénération. Il leur tarde maintenant de l'expérimenter sur des êtres vivants. Que de puissance en elle et par elle! Ceux qui la maîtrisent possèdent-ils des pouvoirs surnaturels ?
Francine Ouellette - Invitée d'honneur SLO 2013