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Citations sur Un si bel amour et autres nouvelles (11)

Antonina Ivanova, une grosse dondon toute molle tenant moins de la poule que de la dinde grisâtre, qui allait en s’évasant vers le bas depuis sa petite tête jusqu á ses pieds grassouillets, une divorcée qui buvait en douce, vivait dans neuf mètres carrés avec un fils en bas âge. Son salaire était des plus insignifiants et elle commettait de menus larcins dans la mesure de ses possibilités, tout en ayant honte d’elle-meme. Bref, c’était une femme correcte.

UN SI GENTIL GARÇON
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Le nouveau professeur principal fit son entrée.
Tout le monde resta bouche bée, tant les petits autochtones que les jeunes intrus. Elle était grande et corpulente. Quarante et une paires d’yeux fixes la transpercèrent de part en part ; pas un seul détail de son aspect physique ne leur échappa. Ses cheveux brillaient sous leur vernis comme le couvercle d’un piano dans une salle de réunion, et ils étaient effectivement couverts d’une laque spéciale dont cette sixième partie des terres émergées ne connaissait pas encore l’existence ; son rouge à lèvres débordait un peu la ligne de sa bouche menue ; ses souliers plats vert foncé ornés d’un ruban noir et son sac du même vert foncé représentaient une coïncidence invraisemblable ; elle avait au doigt une alliance plate comme personne n’en portait à l’époque… Et tout le reste a l’avenant.

Un si bel amour.
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Du haut de ses dix-neuf ans, il savait parfaitement qu'il faisait partie de cette espèce singulière et peu répandue vouée à se terrer et à se cacher, parce que de molles excroissances fourrées dans des poches de tissu le remplissaient de dégoût et étaient associées pour lui à une grosse truie blanche avec des porcelets suceurs agglutinés à sa partie inférieure, et que la configuration même des femmes, avec ce nid velu et cette fente verticale à un endroit si malséant, lui semblait terriblement peu esthétique.
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Alors voilà: l'homme se trouvait confronté à des problèmes spécifiques qu'il était tenu de résoudre, et les forces supérieures, anges et autres entités, de même que les maîtres d'ici-bas, l'aidaient à résoudre ces problèmes.
Mais si l'homme se rebiffait, alors ces problèmes se transformaient en quelque chose de cauchemardesque, comme des maladies ou, par exemple, un chat.
Si bien que le chat de Nina était la manifestation, sur le plan physique, d'un malaise spirituel.
Il était même possible que cela ne vienne pas de Nina elle-même, mais au contraire, de ses proches déjà disparus...
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- C'est quand... ça s'appelle... " bredouilla Gaïka, terrassée par cette énigme.
Aliona était une femme du monde, elle perçut le malaise et fit preuve de présence d'esprit:
"Tu n'as qu'à demander à Lilia comment ça s'appelle! Elle sait tout!."
Gaïka, serrant la poupée contre son cœur, se dirigea vers la cuisine. Lilia était perchée sur son tabouret, elle avait changé de jambe, si bien que c'était maintenant la jambe nue qui se balançait dans le vide, et ses pupilles couraient sur les lignes à toute allure.
"Lilia! dit Gaïka en lui touchant l'épaule. Dis-moi, mais pour de vrai, hein? Comment ça s'appelle, ce qu'on fait pour avoir des enfants?"
Lilia leva un regard distrait, réfléchit un instant, et dit avec le plus grand sérieux, d'une voix un peu enrouée:
"Le cosinus!"
Et elle se replongea dans son livre. Sa grand-mère lui avait tout expliqué honnêtement, de façon scientifique, l'année précédente.
Gaïka se sentit le cœur le plus léger. Le cosinus, quand même, c'était le cosinus, et pas ce mot affreux, grossier et indécent. Mais sur le chemin du retour, elle fut traversée par l'idée déplaisante que ses propres parents, quand ils avaient voulu les mettre au monde, avaient fait ce cosinus, eux aussi... Enfin, il existait peut-être une façon plus convenable de faire ça, que même Lilia ne connaissait pas...
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Et de fait, la mort, aiguillonnée par cette attente, était entrée dans la maison. Sur le divan recouvert d'un tapis, Aaron, le vieux cordonnier, rendait ses derniers soupirs. Il avait perdu conscience. Ses paupières depuis longtemps dénuées de cils n'étaient pas complètement fermées, mais on ne voyait plus ses yeux, juste un voile trouble et blanchâtre. Ses mains émaciées reposaient sur la couverture, et sur son bras gauche étaient entortillées les lanières en cuir usées que, contrairement à la coutume, il n'avait pas enlevées depuis un mois. A son chevet se tenaient ses enfants, des professeurs surchargés d'une multitude de connaissances médicales encombrantes et parfaitement inutiles.
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Entre-temps, l'anniversaire de la mort de Sérioja approchait. Il fallait recevoir une trentaine de personnes, et pas n'importe comment, en mettant les petits plats dans les grands. Mirkas avait pensé à l'anniversaire, lui aussi. Toute la semaine, il avait été d'une humeur massacrante, sa main s'était infectée et on lui faisait des piqûres d'antibiotiques ; et pourtant, en passant près du bureau de Nina, il avait posé une enveloppe devant elle :
"Tu nous invites au restaurant ou tu fais ça chez toi ?"
Nina avait été terriblement blessée dans sa fierté. Du vivant de Sérioja, on ne l'aurait pas humiliée comme ça... Mais elle avait surmonté cet accès d'orgueil absurde et avait écarté de son visage ses incomparables cheveux.
"Merci, Tolia."
Elle avait acheté encore un cochon de lait, de l'anguille et une livre de caviar.
Tôt dans la matinée, Tomotchka se rendit à l'église, elle avait commandé un service funèbre. Nina n'y alla pas ; de son vivant, Sérioja ne supportait pas tout ça. Elle se rendit au cimetière. Elle apporta des fleurs. Il y avait déjà une pierre tombale, elle s'était occupée de tout au début du printemps : une grande dalle gris-noir en pierre brute, toute simple.
Le soir, tout se déroula on ne peut mieux : une table superbe et opulente, comme Sérioja les aimait. Tous ceux que Nina avait envie de voir étaient venus : les amis de Sérioja, son cousin germain avec sa famille, sa soeur célibataire, qui avait une dent contre Nina ; Mirkas avait amené sa vieille femme Vika, peu gâtée par la vie, et non toutes ces petites nouvelles qui s'étaient multipliées autour de lui ces derniers temps, et Nina en fut contente. Il y avait même Mikhaïl Abramovitch, l'avocat qui avait défendu Sérioja autrefois, quand il avait eu de gros ennuis. Depuis, cet avocat était devenu très célèbre, il parlait sans arrêt à la télévision, mais il n'avait pas oublié l'anniversaire de la mort de Sérioja... Tous dirent sur Sérioja des choses gentilles et même en partie vraies : ils évoquèrent sa force de caractère, son audace et son courage, son talent. Il est vrai que sa soeur Valentina trouva moyen de glisser que Nina ne lui avait pas donné d'enfants. Mais Nina ne broncha pas, c'était une page de sa vie sur laquelle elle avait fini de pleurer depuis longtemps. Elle avait pardonné à Sérioja de l'avoir forcée - alors qu'elle n'était qu'une petite sotte éperdument amoureuse - à... Cela lui avait coûté cher. Sa mère, elle, n'avait jamais pardonné. Mais à quoi bon songer à cela maintenant, à trente-neuf ans.
Les invités s'en allèrent tard, emportant dans leur estomac les mets prodigieux dont les avait régalés Nina et laissant derrière eux une table qui conservait encore un peu de sa splendeur, ainsi qu'une odeur de cigarettes coûteuses. Nina renvoya Tomotchka chez elle ; elle s'était grisée comme une écolière et s'était évertuée à vouloir dire quelque chose de spécial à propos de Dieu, ce qui avait mis tout le monde mal à l'aise. Une fois seule, Nina rangea tout sans se presser, bavardant avec Sérioja en son for intérieur, comme à l'accoutumée. Mais, comme à l'accoutumée et comme de son vivant, il ne répondait rien.
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Et pourtant, Nicolaï Romanovitch, hélas! servait deux maîtres. Son second maître, impérieux et secret, était sa malheureuse attirance pour le sexe masculin. Depuis son plus jeune âge, elle lui comprimait le crâne, faisait monter sa tension artérielle et lui donnait des battements de cœur. Le redoutable article cent vingt et un était suspendu au-dessus de sa tête. Pas un seul ennemi du peuple, vrai ou prétendu, pas un seul opportuniste ou opposant n'éprouvait une terreur aussi absolue que ceux qui vivaient sous la menace de cet article d'allure assez anodine. C'était une véritable société secrète, réelle et non imaginaire, d'hommes qui se reconnaissaient dans la foule à une langueur dans le regard, à une appréhension dans le pli des sourcils, comme les francs-maçons avec leurs signes secrets et leur poignée de main spéciale. Le siècle de plomb qui avait succédé au siècle d'argent avait dispersé de par le monde les jouvenceaux raffinés, les collégiens vicieux et le jolis novices, ne laissant à Nicolaï Romanovitch et à ses semblables que de dangereuses liaisons avec des jeunes gens cupides et féroces, avec lesquels il fallait rester sur ses gardes car ils pouvaient trahir, démasquer, calomnier, envoyer en prison...
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On arriva ainsi au début du mois de mars, et tout le monde commença à préparer le 8 mars, la journée des femmes.
La mère de Plichkina rassembla de nouveau de l'argent pour faire un cadeau au professeur principal.
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Susanna Borissovna, qui était en quelque sorte médecin, prescrivit à Nina un tranquillisant et un somnifère; quant à ses rêves pénibles, elle les expliqua par le fait que le corps astral de ses chers défunts ne s'était pas entièrement désintégré et par les conditions défavorables de leur périple outre-tombe; elle recommanda à Nina de s'engager sur la voie du perfectionnement de soi-même, et lui laissa à cet effet un livre épouvantablement rasoir sur la hiérarchie des esprits et sa répercussion sur le plan spirituel.
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