Et si on faisait une trêve ? S'il montait le [le Premier ministre] réconforter et le distraire un peu de sa solitude ? Il pourrait passer la nuit à lui parler, d'homme à homme. Il se garderait de toute polémique, il ne lui reprocherait rien, ne le culpabiliserait pas mais se contenterait de deviser avec lui, comme avec un ami cher dont on s'efforce, gentiment, de dessiller les yeux, un ami que de mauvaises gens auraient induit en erreur sur une affaire épineuse, apparemment insoluble mais qui en réalité avait une solution simple, logique, équitable, que les détracteurs les plus acharnés devraient pouvoir accepter après une brève démonstration de son bien-fondé, dans une atmosphère cordiale et détendue. A condition évidemment de ne pas se buter, de ne pas s'abriter derrière un mur de grossiers mensonges, d'ouvrir les oreilles, d'envisager l'éventail des possibilités jusque-là résolument écartées, non par malice mais à cause de préjugés, de jugements inflexibles ou de craintes profondément enracinées. (p. 299)
Il faut regarder la souffrance en face. S'il était Premier ministre, il obligerait les membres du gouvernement à passer une semaine dans une base de réservistes de Gaza ou d'Hébron, ou dans une maison d'arrêt du Néguev, ou à séjourner au moins deux jours dans le service psychiatrique d'un hôpital perdu ou à se tenir en embuscade une nuit entière, du coucher du soleil à l'aube, dans la boue et la pluie, en hiver, dans le périmètre de sécurité à la frontière libanaise. Ou encore à vivre dans l'intimité d'Eytan et de Warhaftig, dans cet enfer de l'avortement noyé sous les accords de piano et de violoncelle qui s'échappaient de l'étage supérieur. (p. 283)
La vérité est que chacun d'entre nous sait parfaitement ce que signifie la pitié et quel en est le mode d'emploi : nous l'avons tous implorée un jour ou l'autre. Mais au moment où il nous faut ouvrir la porte de la miséricorde, nous faisons comme si nous en avions perdu la clé...
La vérité est que chacun d'entre nous sait parfaitement ce que signifie la pitié et quel en est le mode d'emploi : nous l'avons tous implorée un jour ou l'autre. Mais au moment où il nous faut ouvrir la porte de la miséricorde, nous faisons comme si nous en avions perdu la clé, comme si avoir un peu de coeur revenait à humilier son prochain ou à manifester une sensiblerie démodée. (p.283)
La force de l'habitude n'était-elle pas la source de tout le mal ? Telle était sans doute la thèse de Pascal dans son développement sur la mort de l'âme.
1/10 Amos Oz : Ailleurs peut-être (France Culture - Adaptation radiophonique). Diffusion sur France Culture du 20 juin au 1er juillet 2016. Photographie : Arad. Amos Oz. 2004 © MICHA BAR AM / MAGNUM PHOTOS. La vie de tous les jours dans un kibboutz imaginaire des années 60, décrite par un des plus grands écrivains israéliens contemporains. Roman traduit de l’hébreu par Judith Kauffmann. Adaptation : Victoria Kaario. Réalisation : Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière. Ce feuilleton en dix épisodes est l’adaptation du premier roman d’Amos Oz, « Ailleurs peut-être », publié aux Éditions Gallimard. Amos Oz y dépeint la vie des membres d’un kibboutz imaginaire, celui de Metsoudat-Ram, dans les années soixante. Sur le fil d’une année, Ezra, Reouven, Bronka, Noga et les autres, s’aiment, se trompent, se quittent, font des enfants, légitimes ou pas. Et ces drames intimes qui jalonnent le récit n’entravent en rien la marche de la vie collective, rythmée tant par les célébrations communistes que par les rumeurs qui empoisonnent la vie des villageois.
1er épisode : Un village idyllique, Messieurs-dames
2ème épisode : Le charme de la banalité quotidienne
3ème épisode : Le Premier Mai
4ème épisode : Puissance du mal
5ème épisode : Deux femmes
6ème épisode : Soirées poétiques
7ème épisode : Un personnage diabolique
8ème épisode : Tu es à nous
9ème épisode : Idylle familiale
10ème épisode : Tableau final
Avec :
Violaine Schwartz, Quentin Baillot, Jean-Gabriel Nordmann, Evelyne Guimmara, Mohamed Rouabhi, Christine Culerier, Rebecca Stella, Nicolas Lê Quang et bien d’autres
Bruitage : Sophie Bissantz
Equipe de réalisation : Bernard Lagnel et Anil Bhosle
Assistante de réalisation : Julie Gainet
Source : France Culture
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