L'Europe. Elle a fait des millions de gens à travers les Âges, et les Américains n'ont pas échappé à son charme, son aura de culture et de sophistication. D'ailleurs, c'était le sujet du roman
Les ambassadeurs, de
Henry James. Eh bien, un siècle plus tard, l'auteure
Cynthia Ozick en propose une réécriture. Toutefois, comme ce fut le cas avec d'autres oeuvres dont elle s'est inspirée librement, elle y apporte sa touche personnelle, en a fait une oeuvre à part entière.
En effet, elle situe son intrigue dans les années 1950. À cette époque, la donne a changé. Ce n'est plus l'Europe mais plutôt l'Amérique (comprendre ici les Etats-Unis) qui domine le monde. Tant politiquement que culturellement. Partout, ou presque, on carbure aux chansons d'Elvis Priestley et au films mettant en vedette Marolyn Monroe, et les drive-in et le fast-food semblent promis à un bel avenir. Désormais, on vit à l'heure de New York et Hollywood.
N'empêche, le jeune Julian trouve son chemin jusqu'en France, avec la ferme intention d'y rester. Pourquoi ? Ce n'est pas très clair. Alors que l'Amérique est le phare d'un monde nouveau, il se tourne vers le passé, vers une Europe en reconstruction. Lui-même n'est guère mieux, maladif, influençable. Il est se prend d'affection pour Lili une pauvre réfugiée roumaine. Pour tout dire, son origine est assez obscure. Ensemble, ils ont de la difficulté à joindre les deux bouts et survivent grâce à des petits boulots et l'assistance des autres.
Ainsi, la famille dépêche de l'autre côté de l'Atlantique la tante Doris Nightingale pour faire entendre raison à Julian. Mais en vain. On la renvoie là-bas, cette fois on l'adjoint d'Iris, la soeur du jeune homme, mais celle-là se dérobe également, profite de l'occasion pour s'affranchir et décide de rester également sur le vieux continent. de plus, elle s'acoquine avec le Dr Montalbano, une sorte de gourou de médecine naturelle plutôt douteuse.
Décidément, on est bien loin de cette vieille Europe dont
Henry James vantait les charmes. C'est que cette réécriture du roman
Les Ambassadeurs, ces périgrinations Julian, Iris et tante Do sont surtout l'occasion pour l'auteure de décortiquer les relations familiales complexes, voire dysfonctionnelle. le patriarche Marvin Nachtigall et son épouse dépressive Margaret, occupés en Californie ou ailleurs, tiennent une place importante dans l'intrigue.
J'ai lu récemment un autre roman de l'auteure,
Un monde vacillant, et quelques éléments reviennent, par exemple, un femme dépressive et un ‘'scientifique'' aux travaux obscurs. C'est une coïncidence ou des thèmes récurrents ?
Dans tous les cas, l'univers de
Cynthia Ozick m'interpelle. Il n'est pas d'approche facile, mais j'aime ses personnages plein de zones grises, aux motivations imprécises (ce qui est très proche de la réalité, pas tout le monde a un objectif qui guide constamment ses actions), voire absentes, se laissant emporter par le cours des événements. Souvent, ils sont migrants, cherchent ou se cherchent eux-mêmes. Toujours, ils marchent sur la fine ligne qui sépare la raison de la folie. Ça en fait des individus complets, à part entière.