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EAN : 9782879298146
305 pages
Editions de l'Olivier (01/03/2012)
3.37/5   15 notes
Résumé :
1952. Doris "Do " Nightingale est chargée par son frère
Marvin de retrouver son neveu. Do découvre que le jeune
Julian mène la vie de bohème à Paris. Il essaie d’être artiste et
vit avec une Roumaine en exil dans un appartement luxueux
qu’ils ne paient pas… La sœur de Julian, Iris, les rejoint : elle
aussi cherche à fuir le destin trop étriqué qui l’attend en
Amérique. Mais le Paris idyllique n’est qu’une légende et le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'Europe. Elle a fait des millions de gens à travers les Âges, et les Américains n'ont pas échappé à son charme, son aura de culture et de sophistication. D'ailleurs, c'était le sujet du roman Les ambassadeurs, de Henry James. Eh bien, un siècle plus tard, l'auteure Cynthia Ozick en propose une réécriture. Toutefois, comme ce fut le cas avec d'autres oeuvres dont elle s'est inspirée librement, elle y apporte sa touche personnelle, en a fait une oeuvre à part entière.

En effet, elle situe son intrigue dans les années 1950. À cette époque, la donne a changé. Ce n'est plus l'Europe mais plutôt l'Amérique (comprendre ici les Etats-Unis) qui domine le monde. Tant politiquement que culturellement. Partout, ou presque, on carbure aux chansons d'Elvis Priestley et au films mettant en vedette Marolyn Monroe, et les drive-in et le fast-food semblent promis à un bel avenir. Désormais, on vit à l'heure de New York et Hollywood.

N'empêche, le jeune Julian trouve son chemin jusqu'en France, avec la ferme intention d'y rester. Pourquoi ? Ce n'est pas très clair. Alors que l'Amérique est le phare d'un monde nouveau, il se tourne vers le passé, vers une Europe en reconstruction. Lui-même n'est guère mieux, maladif, influençable. Il est se prend d'affection pour Lili une pauvre réfugiée roumaine. Pour tout dire, son origine est assez obscure. Ensemble, ils ont de la difficulté à joindre les deux bouts et survivent grâce à des petits boulots et l'assistance des autres.

Ainsi, la famille dépêche de l'autre côté de l'Atlantique la tante Doris Nightingale pour faire entendre raison à Julian. Mais en vain. On la renvoie là-bas, cette fois on l'adjoint d'Iris, la soeur du jeune homme, mais celle-là se dérobe également, profite de l'occasion pour s'affranchir et décide de rester également sur le vieux continent. de plus, elle s'acoquine avec le Dr Montalbano, une sorte de gourou de médecine naturelle plutôt douteuse.

Décidément, on est bien loin de cette vieille Europe dont Henry James vantait les charmes. C'est que cette réécriture du roman Les Ambassadeurs, ces périgrinations Julian, Iris et tante Do sont surtout l'occasion pour l'auteure de décortiquer les relations familiales complexes, voire dysfonctionnelle. le patriarche Marvin Nachtigall et son épouse dépressive Margaret, occupés en Californie ou ailleurs, tiennent une place importante dans l'intrigue.

J'ai lu récemment un autre roman de l'auteure, Un monde vacillant, et quelques éléments reviennent, par exemple, un femme dépressive et un ‘'scientifique'' aux travaux obscurs. C'est une coïncidence ou des thèmes récurrents ?

Dans tous les cas, l'univers de Cynthia Ozick m'interpelle. Il n'est pas d'approche facile, mais j'aime ses personnages plein de zones grises, aux motivations imprécises (ce qui est très proche de la réalité, pas tout le monde a un objectif qui guide constamment ses actions), voire absentes, se laissant emporter par le cours des événements. Souvent, ils sont migrants, cherchent ou se cherchent eux-mêmes. Toujours, ils marchent sur la fine ligne qui sépare la raison de la folie. Ça en fait des individus complets, à part entière.
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«Corps étrangers» se déroule de juillet 1952 à janvier 1953 entre Paris, New York et Los Angeles.
Marvin Nachtigall, fils d'un émigrant juif originaire d'un pauvre village de la province de Minsk en Russie, grâce à une bourse, a pu avoir accès à l'Université prestigieuse de Princeton. Il a épousé la soeur d'un de ses riches camarades Margareth Breckinridge. Ils ont deux enfants Julian et Iris et vivent à Los Angeles. Ce pourrait être un parfaite image d'une intégration à l'américaine si tout ne finissait par se déliter autour de lui.

Marvin va faire appel à sa soeur Doris, alors qu'il ne s'est plus préoccupé de son existence depuis bien des années. Il lui demande de se rendre à Paris à la recherche de Julian, son neveu qui se rêve écrivain. Sa mission, le convaincre de rentrer au bercail. Elle ne rencontrera pas Julian, reviendra bredouille et c'est Iris qui ira ensuite rejoindre son frère qui a épousé secrètement Lili, une exilée roumaine (Lili «eut pitié de lui à cause de sa vacuité, il avait pitié d'elle parce qu'elle avait été pleine et qu'on l'avait vidée. (...) Elle avait beaucoup à lui apprendre. Il n'avait rien à lui offrir, hormis le miracle de sa gratitude.p 132)

A cette époque à Paris on rencontre deux sortes d'exilés. Ceux (dont fait partie Julian) qui «cherchaient à faire revivre le passé : un genre de théâtre ivre de lui-même. C'étaient, pour la plupart, de jeunes Américains de vingt ou trente ans qui se disaient «expatriés», alors qu'ils n'étaient que des touristes littéraires en visite prolongée, entichés de légendes sur Hemingway et Gertrude Stein
«L'autre contingent d'étrangers (dont fait partie Lili la femme de Julian) -- les fantômes -- étaient polyglotte. Ses membres jacassaient dans une dizaine de langues différentes. de leurs bouches jaillissaient toutes les cadences de l'Europe. (...) Ces européens avaient subi l'attaque de l'Europe ; ils portaient le tatouage de l'Europe. On ne pouvait dire d'eux, comme on le disait forcément des Américains, qu'ils appartenaient à une vague d'après-guerre. Ils n'étaient pas d'après-guerre. Bien qu'ils eussent afflué à Paris, la guerre étaient encore en eux.(...) Paris était un lieu de transit.»

Julian et ensuite Iris fuient à l'étranger pour se dégager de l'emprise de leur tyran de père et tenter de prendre leur envol. L'autoritarisme paternel les étouffent. Marvin est dominateur, grossier et méprisant aussi bien avec ses enfants qu'avec sa soeur Doris ou sa femme Margaret qui se réfugie dans une maison de repos.

Dans ce roman tous les personnages se sentent étrangers, étrangers au lieu, au pays dans lequel ils vivent mais aussi étrangers aux autres et à eux-même. On les sent perdus, ne sachant comment agir ou se comporter. Ils se laissent dériver. Confrontés à la réalité ils perdent facilement pied ou engendrent des catastrophes lorsqu'ils tentent d'agir.

Cynthia Ozick, elle-même d'un milieu d'expatriés, sait décortiquer leurs travers et leurs failles d'une plume acérée. Mais si elle reste lucide et parfois impitoyable, elle sait aussi faire preuve de fantaisie et de compassion. Des critiques parle du réalisme fantastique de Cynthia Ozick mais je ne l'ai pas retrouvé dans ce roman. Il était plus présent dans «Un monde vacillant» roman pour lequel j'ai une préférence.

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Cynthia Ozick fait partie des auteurs qui ne me laissent pas indifférente : ses sujets ne sont pas simples, mais son écriture est de qualité.
Dans ce roman à plusieurs voix, il est surtout question du déracinement, du refus d'appartenance à une hérédité trop lourde à porter...et en même temps, incapacité à se faire une place dans une nouvelle société.
Je retiendrai - et je partage- 2 phrases de la 4ème de couverture:
"Personnages sans ancrage, corps étrangers à tout ce qui les entoure, ils déambulent dans l'existence comme des êtres en sursis"
"Cynthia Ozick explore le déracinement historique et intime de ces nouveaux Juifs errant, et impose sa puissance romanesque hors du commun."
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CYNTHIA OZICK est vraiment un grand écrivain et chaque livre est un vrai bonheur de lecture.
Les personnages de corps étrangers trimbalent tous leur mal de vivre en essayant de s'enfuir géographiquement ou mentalement tentant de faire face au mieux à leurs questions existentielles.
Noirceur, questions, expériences, déchirements, chaque personnage se dévoile peu à peu sous la plume de Cynthia Ozick qui ne porte aucun jugement et laisse ses personnages de papier tenter simplement de vivre.
Un grand auteur - un grand livre
De la Littérature.
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CORPS ÉTRANGERS de CYNTHIA OZICK second livre ( le premier était les papiers de Puttermesser)que je termine de cet auteur américaine d'origine russe et même plaisir de lecture. On est dans l'après guerre l'Europe fait moins rêver et l'Amérique domine. Beaucoup de gens sont déracinés, des corps étrangers. À travers le parcours de Doris on suit l'évolution de la vie, entre déracinement et recherche d'une place dans le monde. Brillante réflexion .
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critiques presse (1)
Lexpress
13 avril 2012
Un roman magnifique qui, dans la confusion de l'après-guerre, explore toutes les figures du déracinement, à la fois social, politique et psychologique.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les fenêtres étaient noires, les stores baissés. La plupart des passagers étaient endormis, leurs visages rendus enfantins par la lumière douce de la cabine. La carcasse de l’avion vibrait comme un diapason, obéissant à la poussée du grand quatuor de moteurs. En quelques heures, ils échapperaient à la nuit, la doubleraient pour s’introduire dans le lit rougeoyant de la fin d’après-midi. On relèverait les stores, l’index musard du soleil viendrait réveiller les dormeurs, et, loin en contrebas, tandis que le ventre de l’avion s’abaisserait, un célèbre océan s‘élèverait vers eux -- pas l’Atlantique familier, dont New York bordait les lèvres. Ils atterriraient en Californie. p 110
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Des ruisseaux de voitures sur des rubans d'autoroute : Los Angeles, fortuite et fragmentée, comme si la ville entière avait été jetée depuis les cieux pour éclater en morceaux, éparpillés à des kilomètres à la ronde. Elle s'était attendue à voir des montagnes, cônes bleus se fondant dans un horizon gris. Au lieu de ça, des éclats de ville avec leurs noms venus de l'Ancien Monde et leurs turbulences nées du Nouveau Monde.
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Marvin l'inexorable, qui avait la logique dans le sang. C'était sa nature, il avait monté une affaire, il savait ce qu'était l'avidité, il trempait dans une connaissance innée de la mauvaise foi.
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À l'inverse de toi, je n'ai aucun descendant, et par conséquent personne sur qui me lamenter.
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Ces Européens avaient subi une attaque de l'Europe ; ils portaient le tatouage de L'Europe. On ne pouvait dire d'eux, comme on le disait des Américains, qu'ils appartenaient à une vague d'après-guerre. Ils n'étaient pas d'après-guerre. Bien qu'ils eussent afflué à Paris, la guerre était encore en eux. C'étaient des déplacés, des temporaires, des temporisateurs. Paris était un lieu de transit; ils n'étaient à Paris que pour en partir, dès qu'ils sauraient qui les accepterait. Paris était une ville où l'on attendait. Une ville à fuir.
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Videos de Cynthia Ozick (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cynthia Ozick
Vendredi 18 septembre 2020 / 11 h 30
Écrivaine, traductrice de l'anglais. Elle a reçu en 2007 le prix Maurice-Edgar Coindreau et le prix Laure-Bataillon pour Les Papiers de Puttermesser de Cynthia Ozick. Un secret sans importance (prix du Livre Inter 1996), Dans la nuit brune (prix Renaudot des lycéens 2010. Elle est également l'autrice d'un essai consacré à Virginia Woolf avec Geneviève Brisac, V.W. le mélange des genres ? Ce coeur changeant (L'Olivier, 2015) Prix Littéraire du Monde. Son dernier roman La Chance de leur vie (L'Olivier, 2018) a connu un beau succès de librairie.
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