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Une enquête de Mario Conde tome 1 sur 10

Caroline Lepage (Traducteur)
EAN : 9782757809389
288 pages
Points (07/05/2008)
3.62/5   183 notes
Résumé :
Ce matin-là, le lieutenant Mario Conde, gueule de bois et moral en berne, n'aurait pas dû répondre au téléphone. A présent, il est chargé d'enquêter sur la disparition de Rafael Morin, directeur d'entreprise; reconnu par tous comme exemplaire. Aux yeux de Conde, il reste avant tout l'étudiant qui lui a ravi la belle Tamara. Veut-il vraiment retrouver son ancien rival ?

Leonardo Padura est né à La Havane en 1955. Passé parfait est le premier roman de ... >Voir plus
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C est le hasard qui m'a amenée à lire Leonardo Padura.

Il y a 4 ans, très précisément le 15 janvier 2019, la librairie du Square recevait un écrivain cubain qui m'était totalement inconnu... un certain Leonardo Padura ! Et au vu du nombreux public présent ce soir-là, je devais être la seule sur toute l'agglomération grenobloise à ne pas le connaître !

Quant il est revenu, le 08 septembre 2021 pour la toute première rencontre littéraire post covid (toujours à la librairie du Square)... je n'étais plus là par hasard !

Leonardo Padura est "un écrivain cubain qui vit et écrit à Cuba parce qu'il ne peut ni ne veut être autre chose, et qu'il a besoin de Cuba pour vivre et écrire" (P 7/8 - L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)

Si Passé parfait est le premier tome d'une tétralogie intitulée Les quatre saisons, il est en fait le second roman écrit par Leonardo Padura (le premier, Fiebre de caballos, terminé en 1974 et paru en 1988 n'est pas disponible en français, tout au moins à ma connaissance).

Pour en revenir à Passé parfait, un avertissement s'impose : il est classé en littérature policière mais ce n'est pas un "vrai" roman policier et il risque de décevoir les aficionados d'énigmes !

En fait, l'enquête policière est un prétexte pour servir l'histoire cubaine sur un plateau : Oui, le personnage principal est bien policier ! Un policier alcoolique taraudé par la nostalgie et désabusé par son métier... Mario Conde est : "une sorte d'anti-policier, de policier littéraire, uniquement vraisemblable dans les limites de la fiction narrative, impensable dans la réalité policière "réelle" cubaine (ou de n'importe quelle institution à la discipline de fer)." (P132 - L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)

Mario Conde n'est pas Leonardo Padura mais il y a des similitudes entre le personnage et l'écrivain :
"J'ai condamné sans appel mon personage fétiche, Mario Conde, à vivre mes nostalgies havanaises dans un quartier qui ne ressemble que trop à Mantilla et, de sa terrasse, sur le toit de sa maison de toujours ou d'un simple coin de rue de son quartier ancestral, je l'ai poussé à décrire ce qui est visible ou à regretter ce qui a disparu de ce lieu attachant. Je lui ai transmis mon sentiment d'appartenance et j'en ai irrémédiablement fait un Havanais, parce que moi, son créateur, je ne suis que cela : un Havanais qui écrit." (P29 - L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)

Lorsque Leonardo Padura commence l'écriture de Passé parfait, Cuba se trouve à un moment charnière de son histoire : tout d'abord le pays est à la veille d'une "violente crise économique" mais c'est surtout l'année d'une prise de conscience nationale sur la corruption qui gangrène le pays. En 1989, il y aura deux procès retentissants où furent jugés, condamnés, et voir même fusillés : "... plusieurs hauts gradés de l'armée et du ministère de l'intérieur (le ministre en personne fut condamné et devait mourir dans sa geôle) accusés de corruption, de narcotrafic et de trahison à la patrie." (P127 L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)

L'intrigue de Passé parfait était trouvée grâce à l'actualité :
"... le gouvernement s'est montré très préoccupé par la présence corrosive de la corruption dans la société actuelle : dans un pays où presque tout appartient à l'État, la corruption vit et prospère au sein même des structures étatiques, parmi les personnes presque toujours choisies pour leurs mérites politiques et désignées pour diriger le pays aux divers niveaux de décision et de pouvoir."
(P107 L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)

Passé parfait est une "chronique d'amour et de haine, de bonheur et de frustration" (P31 - Vents de carême - Leonardo Padura) :
"J'allais écrire ce qui deviendrait le premier tome de la série des Mario Conde - Pasado perfecto, publié en 1991 - pour parler des divergences de ma génération, pour fouiller dans le tiroir des rêves brisés qui nous avaient accompagnés par le passé et pour dire que les individus les plus fiables - dans un pays où la fiabilité était exigée - ceux qui nous poursuivaient et nous aiguillonnaient avec le plus d'acharnement, étaient en fin de compte (ou depuis le début) et bien souvent les plus malhonnêtes et les plus opportunistes, alors qu'ils avaient été promus et récompensés pour leur fiabilité présumée et avaient bien souvent utilisé leurs pouvoirs pour écraser leurs semblables." (P123 - L'eau de toutes parts)

Avant d'être romancier, Leonardo Padura est journaliste et c'est ce regard critique sur ce Cuba qu'il aime plus que tout qui fait de lui un grand auteur.
Alors oui, Passé parfait comporte des petites imperfections mais c'est déjà un livre important dans l'oeuvre de Leonardo Padura pour comprendre l'évolution de la Havane et de Cuba.


Passé parfait de Leonardo Padura
Traduit par Caroline Lepage
GF : Éditions Métailié
Poche : Éditions Métailié (indisponible au 18/01/2023)
Poche : Éditions Points
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Premier opus de la Suite hispano-américaine, Passé Parfait met en scène le flic récurrent qui mènera les enquêtes imaginées par Leonardo Padura.

L'ambiance cubaine es au rendez-vous à travers les allusions répétées, mais discrètes aux difficultés d'approvisionnement, les « camarades » qui ponctuent les dialogues lorsque les échanges sont un tant soit peu formels, les cigares que fume le chef. On se promène une fois sur le Malecon et l'on retrouve ces noms de rue réduits à une simple lettre. Elle l'est moins par la musique, car les protagonistes de l'histoire sont plus attirés par les Mamas and Papas ou Credence clearwater revival que par Buena vista social club.

Quant à notre flic censé nous accrocher, nous lecteur, pour faire de nous des aficionados de ses déboires, il est comme il se doit attiré par l'alcool (le début donne le ton : Mario Conde se réveille le lendemain d'une colossale cuite au rhum, le crâne comme une pastèque trop mure, et l'on se dit que , dans une telle ambiance, ça va être chaud de trouver les coupables), sa vie sentimentale est un vaisseau fantôme qui fait escale sur des îles aux sirènes callipyges. Et il a un truc, une faculté de repérer le détail qui tue, la fausse-note dans le témoignage, bref, le super flic dont on tolère les frasques parce qu'il n' a pas son pareil pour vous démêler un sac de noeud et faire le clair là où la plupart nagent dans le brouillard.

Quand on est familier des polars contemporains, tout cela est peu original. Il faudrait alors que l'intrigue qui constitue la trame du roman tienne la route.

Ici, Mario a connu le disparu qui fait l'objet de l'enquête, puisque cet enfoiré lui a même piqué la femme de ses rêves pour l'épouser. C'est donc l'occasion de retrouver la jeune femme, que les années n'ont pas rendue moins désirable.

Si le polar est un prétexte pour lever le voile à travers de discrètes allusions aux difficultés de la vie quotidienne dans un pays sous embargo (nous sommes en 1989), c'est plutôt réussi et c'est adroit.

Par contre, il y a tant de Wallander, de Harry, Cole ou Bosch, et de Fin McLeod, qu'ajouter un héros cassé de plus à la collection n'est pas indispensable, mais ce n'est pas rédhibitoire non plus.


Une alternative politiquement plus incorrecte au polar nordique. A suivre?….
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Il est possible que la lecture de la série de romans policiers de Leonardo Padura ayant Mario Conde comme héros puisse être assez décevante pour beaucoup d'amateurs de ce genre littéraire. L'intrigue policière y est en effet peu excitante.
D'entrée de jeu, le lecteur de Passé Parfait, le premier opus d'une série qui pour le moment en compte dix, est confronté au classique et difficile réveil du policier non conformiste qui se fait appeler au petit matin par son supérieur qui veut lui confier un dossier délicat alors qu'il ne s'est pas encore remis de sa cuite de la veille.
Avouez que c'est plutôt éculé comme façon de commencer un roman policier. Et ce n'est pas l'enquête que l'inspecteur Conde va mener par la suite qui va changer quoi que ce soit à cette mauvaise impression puisqu'il ne s'agira que d'une suite linéaire d'entrevues et d'interrogatoires de témoins et de suspects visant à apprendre ce qui s'est passé dans les jours qui ont précédé la disparition d'un haut fonctionnaire et ainsi arriver à découvrir les raisons de sa fugue de même que les motifs qui vont par la suite mener à son assassinat. L'intrigue se terminant bien sûr par l'identification et l'arrestation du coupable.
En fait, l'enquête policière ne sert ici que de trame de fond sur laquelle évoluent des personnages qui nous révèlent différentes facettes de la vie quotidienne à Cuba au début des années 90. Sans jamais s'attaquer explicitement à la famille Castro, probable condition sous laquelle Padura peut continuer à vivre et à écrire dans son pays, l'auteur y décrit les misères de la population cubaine de même que la corruption généralisée des fonctionnaires de cet état.
Bien que fort intéressantes, ces descriptions ne peuvent cependant à elles seules expliquer pourquoi je me suis lancé avec autant d'enthousiasme dans la rédaction du texte que vous avez sous les yeux. Mon intérêt est plutôt lié au fait que le personnage principal de Passé Parfait multiplie tout au long du roman les références à la lecture et à l'écriture. Mario Conde est un policier, mais un policier qui lit et qui rêve de devenir écrivain. En voici quelques-unes pour appuyer mes dires :

« Tu n'écris plus, Mario ? Non, plus maintenant. Mais un de ces jours… dit-il, se sentant mal à l'aise ».
« Si ton mari n'avait pas disparu, je serais chez moi en train de bouquiner ».
« Il ne lisait déjà presque plus et avait même oublié l'époque où il s'était juré, en regardant la photo de cet Hemingway qui avait été l'idole la plus adorée de sa vie, qu'il serait écrivain, rien d'autre qu'écrivain… ».
« Une soirée comme celle-là, lui, il se serait fourré au lit, un livre entre les mains ».
« Moi je serai écrivain, comme Hemingway ».
« Quelques jours auparavant, il avait lu « Le pont du roi Saint-Louis » de Thorton Welder ».
« Et toi, est-ce que tu as fini par écrire quelque chose ? Non, je n'écris pas. Qu'est-ce qui t'arrive ? Je ne sais pas, parfois j'essaye, mais rien ne me vient ».
« Tant que je serai policier, je ne pourrai pas arrêter de penser qu'un jour j'écrirai un roman très abject, très romantique, très doux ».
« il s'était proposé, de nombreuses années plus tôt, d'écrire un roman sur l'abjection… accoudé au bar où le vieil Hemingway avait embrassé Ava Garner ».
« En chemin, il se trouva en forme et capable d'écrire. Il écrirait un récit très abject sur un triangle amoureux ».
« Un de ces jours, je vais écrire là-dessus, je te le jure ».

Les références à Hemingway sont nombreuses et s'expliquent autant par les goûts littéraires du personnage que par le fait que le célèbre écrivain américain a vécu longtemps à La Havane. Cependant, ce ne sont pas non plus toutes ces allusions à l'écriture ou à la lecture parsemées dans le roman qui m'ont enthousiasmé au point d'entreprendre la très studieuse recherche dont j'aimerais partager les résultats avec vous.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est à la dernière minute de ma lecture de Passé Parfait, plus précisément en lisant son dernier paragraphe, que des interrogations auxquelles il fallait absolument que je trouve une réponse ont subitement surgi.
Voici les mots en question :
« Il abandonna la tasse vide sur la table de nuit tachée par d'autres tasses abandonnées, et il alla jusqu'à la montagne de livres qui attendaient sur une banquette leur tour de lecture. Il en parcourut le dos avec le doigt, cherchant un titre ou un auteur qui l'enthousiasmerait. Il renonça à mi-chemin. Il tendit la main vers la bibliothèque et choisit le seul livre qui n'avait jamais pris la poussière. Que ce soit très abject et émouvant, répéta-t-il à voix haute. Il se mit à lire l'histoire de l'homme qui connaît tous les secrets du poisson-banane, et qui, peut-être à cause de cela, finit par se tuer. Il s'endormit en pensant que, du fait du génie paisible de ce suicide, cette histoire était une pure abjection ».
Avec toutes les références à Hemingway que l'on peut trouver dans « Passé parfait », j'ai pensé que c'est à cet auteur que Padura pensait quand il parle du seul livre de sa bibliothèque qui n'a jamais jamais accumulé de la poussière. D'autant plus que Hemingway s'est suicidé. Cependant « l'homme qui connaît tous les secrets du poisson-banane » me posait problème, car je n'avais aucune idée à qui il faisait allusion tout comme d'ailleurs je ne pouvais comprendre les répétitions du thème de l'abjection, que l'on peut retrouver à quelques autres reprises dans le roman et qui semble à première vue être lié à cet écrivain.
Tout se complique à la lecture de ce paragraphe dans sa version originale espagnole, Pasado Perfecto. L'abjection y est représentée, de même qu'à toutes les autres occasions où il apparaît dans le roman, par le mot « escualidez » ou son adjectif « escuálido ». Ce qui est traduit dans les dictionnaires par « sale -dégoûtant », mais aussi par « maigre-efflanqué ». À la limite, « sale-dégoûtant » peut être associée à l'abjection et il est possible que l'on puisse souhaiter écrire ou lire un livre qui soit à la fois abject et émouvant : « que sea escuálido y conmovedor ». Or, la dédicace de ce roman, autant dans sa version originale espagnole que dans sa version française, se lit comme suit : « Para Lucia, con amor y escualidez ». En effet, l'éditeur français ne l'a pas fait traduire. Pourquoi ? Est-ce pour éviter que le lecteur se demande comment l'on peut associer amour et abjection ?
La lecture du deuxième roman de la série des Mario Conde : Vents de Carême apporte certains éclaircissements à cette question tout en complexifiant davantage l'interprétation de « escualidez ». On y lit en effet qu'après avoir fait connaissance avec une jeune femme qui habite non loin de chez lui, Mario Conde lui prête un livre qui est ce que « J. D. Salinger a écrit de mieux ». Elle venait tout juste de lui dire qu'un jour « elle avait lu quelque chose de Salinger qu'elle trouvait fabuleux (et il avait alors eu envie de rectifier : non, c'est dépouillé et émouvant ». « Dépouillé » !!! Voilà une traduction très différente du mot « abject » qui a été choisie par Caroline Lepage, la traductrice de Passé Parfait. En effet, c'est un autre traducteur, François Gaudry, qui a traduit Vents de Carême, et « dépouillé » est beaucoup plus proche de « maigre » et « efflanqué », les autres sens de « escuálido ». de plus, René Solis et Mara Hernandez, les traducteurs du troisième roman de la série, Électre à La Havane, utilisent eux aussi « dépouillé » pour traduire « escuálido », car l'expression revient aussi à plusieurs reprises dans ce troisième opus : « Peut-être que la seule vérité était son incapacité à écrire quelque chose qui fut émouvant et dépouillé » et « Je leur ai dit que tu aimais écrire des choses émouvantes et dépouillées ».
Pour en avoir le coeur net, je suis allé vérifier ce qu'il en est dans l'oeuvre de J.D. Salinger. Une oeuvre dont je ne connaissais que le réputé Catcher in the Rye (L'attrape-coeurs, en français).
Grâce au réseau des bibliothèques publiques de la ville de Montréal, j'ai pu facilement mettre la main sur un exemplaire de chacune des versions anglaise et française du recueil de nouvelles intitulé Nine Stories par son éditeur américain et Nouvelles par son éditeur français, tout comme d'ailleurs j'avais pu y emprunter les exemplaires de chacune des versions française et espagnole des romans de Padura.
Un coup d'oeil sur la table des matières de Nouvelles suffit pour découvrir que « l'homme qui connaît tous les secrets du poisson-banane » du dernier paragraphe de Passé Parfait réfère au titre du premier texte de ce recueil : Un jour rêvé pour le poisson-banane. Ce qui se confirme à la lecture de la nouvelle puisqu'elle se conclut par le suicide de son personnage principal, tout comme cela est énoncé dans la dernière phrase du roman de Padura.
Mais ce n'est pas tout. le sixième titre de ce recueil se lit comme suit : Pour Esmé, avec amour et abjection qui est la traduction de For Esmé, with love and squalor qu'en a faite Sébastien Japrisot en 1961. Une formulation qui est proche parente des mots employés par Leonardo Padura dans la dédicace de Pasado Perfecto tout comme dans celle de Passé Parfait : « Para Lucia, con amor y escualidez ».
Dans Pour Esmé, avec amour et abjection, une fillette demande au personnage principal s'il peut lui écrire une histoire :
Ça n'a pas besoin d'être terriblement long ! du moment que ce n'est ni bête ni puéril. Ce que je préfère, c'est les histoires sur l'abjection. 
Sur quoi ?
L'abjection. Je suis extrêmement intéressée par l'abjection… faites-la extrêmement abjecte et émouvante, suggéra-t-elle…
Il me semble que la question de la longueur, que l'on peut associer à la maigreur et au dépouillement, a son importance et peut conduire à penser que peut-être que le traducteur français a mal interprété le « squalor » de Salinger en lui donnant le sens de « abject ». Après tout, dans la biographie de Japrisot sur Wikipédia, il est écrit que sa connaissance de la langue anglaise était sommaire quand il s'est lancé dans la traduction de romans américains dans les années 50.
Alors, quel est le terme le plus approprié pour traduire « squalor » et « escualidez » en français ? « Dépouillé » ou « abject » ?
Questionnée sur le sujet, ma professeure d'espagnol, qui est d'origine cubaine et qui est aussi philologue, m'a répondu que dans sa première acceptation « escuálido » signifie : maigre, efflanqué, mal alimenté, peu développé. Cependant, dans le contexte des pénuries alimentaires cubaines, le mot a perdu son sens de causer du dégoût et se rapproche maintenant plus d'un sentiment de peine et de compassion. J'en déduis que dans un contexte littéraire, « escuálido » peut certainement se traduire en français par le mot « dépouillé ». Ce qui, d'ailleurs, correspond parfaitement à la définition de la courte nouvelle (Short Story).
Cela clarifie un peu plus la question, sans que ce soit vraiment limpide. On peut cependant conclure que le choix qu'ont fait Sébastien Japrisot de même que la traductrice de Passé Parfait d'employer le mot « abject » peut être discutable et que le choix qu'ont fait les traducteurs de Vents de Carême  et de Électre à La Havane d'utiliser « dépouillé » peut être plus adéquat. Toutefois, mes propres limites en anglais tout comme espagnol ne me permettent pas trop de pontifier sur le problème. Chose certaine, tout cela démontre bien les difficultés du travail de traduction d'une oeuvre littéraire.
Je considère cependant que l'expérience en valait la peine malgré l'absence d'une réponse claire, nette et précise à mon questionnement, car elle m'a permis d'effectuer une recherche qui a enrichi mes connaissances tout en nourrissant ma passion pour la lecture. Mais à part ça, sérieusement, est-ce qu'il y a quelqu'un dans l'univers qui peut s'intéresser à des sujets pareils à part moi ?
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La Havane au coeur de l'hiver 1989. le lieutenant Mario Conde doit élucider la mystérieuse disparition du directeur d'une grande entreprise, Rafael Morin, qu'il connaît depuis qu'ils étaient étudiants. Beau, brillant, charismatique, c'est lui qui a ravi le coeur de Tamara qu'il a épousé au grand désespoir de Mario.

J'ai eu du mal à aller jusqu'au bout de cette lecture : l'ambiance dans laquelle évolue Mario Conde est lourde, pégueuse comme on dit en Provençal mais lui, reste attachant malgré son pessimisme endémique, sa gueule de bois et son mal être quasi permanents.
Ce qui est intéressant dans cette lecture c'est l ‘exploration sans filtre de la société havanaise, celle des quartiers populaires, celle proche du pouvoir , les faux semblants des dirigeants castristes. Une escale dans le temps et l'espace dans la grande île des Caraïbes, Cuba.
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Passé parfait est la première partie d'une tétralogie qui a contribué à la notoriété internationale de Léonardo Padura et de Mario Conde, le héros appelé à devenir récurrent.

Il s'agit ici d'un roman policier qui jouit d'une bonne réputation et qui pourtant déçoit. L'intrigue est classique, n'innovant pas d'un iota. L'énigme à résoudre (la disparition d'un personnage influent et apprécié) suit un chemin linéaire prévisible. Les évolutions peuvent aisément être anticipées, tout comme les fausses pistes ou les faux témoignages. Hélas, le dénouement ne fera que confirmer ce sentiment. La déception est donc au rendez-vous et l'on aurait pu attendre davantage pour un roman qui n'est ni court ni long.

Mario Conde est un flic qui a dépassé la trentaine et qui se retrouve confronté avec ses démons intérieurs tout en devant faire face à son propre passé. de ce côté, il n'y a rien de véritablement bouleversant non plus. Très honnêtement, le protagoniste est proche du cliché à quelques variantes près. La galerie des personnages secondaires ne brille guère par son originalité non plus sinon par la présence du Flaco. Son destin est le seul qui sort véritablement du lot et offre des perspectives intéressantes. Si les personnages restent assez nombreux, la grande majorité des pistes laissées en suspens n'appelle pas vraiment de commentaires. Tout cela est convenu au possible.

Le style de Padura reste agréable, d'autant qu'il a la bonne idée de nous tenir en haleine en nous plongeant progressivement (et à moments choisis) dans le passé du protagoniste. le chevauchement entre la période sans illusions et celle qui en offrait davantage est paradoxal et bien pensé.

Le point fort de ce roman reste son ambiance. Bien que classique, il s'agit d'un polar qu'on lit facilement, surtout parce que l'histoire se déroule dans le Cuba de la fin des années 1980. le dépaysement est garanti, d'autant que l'auteur nous parle souvent de musique, de base-ball, de rhum, des villes et provinces, sans oublier bien sûr les habitants. Assurément tout cela est bien agencé.

Au final, malgré sa réputation, voici un roman assez plat et convenu. Il parlera sans doute davantage aux lecteurs ayant peu l'habitude des polars (ou moins difficiles). Il plaira également aux curieux désireux de saisir une petite parcelle de l'âme cubaine, ou tout simplement accompagnera ou préparera un voyage vers cette île.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
― Écoute bien ça, fit-il à Manolo en souriant. Après deux verres, on a envie d'entendre quelque chose dans ce genre : "je prendrai le chemin du pont/ pour aller jeter ton amour dans le fleuve/ regarder comme il tombe dans le vide/ et le courant l'emporter...". C'est presque beau, hein ?
― Si tu le dis, concéda le sergent en contemplant de nouveau son verre.
― Manolo, est-ce que tu louches ou pas, à la fin ?
Manolo sourit sans détourner le regard de son verre, l'œil gauche flottant à la dérive.
― Des fois oui, des fois non, répondit le sergent en finissant son rhum. Il regarda son compagnon et lui montra le petit pot de compote vide. Et toi, qu'est-ce que tu aimerais faire, là, tout de suite ?
Le Condé termina lui aussi son verre et réfléchit un moment avant de répondre :
― Te demander de me prêter ta super stéréo, me vautrer par terre moi aussi, et écouter dis fois de suite Strawberry Fields : For Ever. (p.125).
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- Flaco, est-ce que tu t'es déjà demandé pourquoi on est potes toi et moi... ?
- Parce qu'un jour au lycée je t'ai prêté un couteau. Allez, arrête de te poser des questions à la con sur la vie, c'est comme ça, et merde !
- Mais ça aurait pu être différent.
- Mensonge, sauvage, mensonge. Tout çà c'est du baratin. Arrête de me faire parler, putain... Mais bon, allez, je vais quand même te dire une bonne chose : celui qui est né sous une mauvaise étoile se prend tout sur la gueule, et s'il y a une balle perdue, elle est pour lui. Va pas te mettre dans la tête de changer ce qu'on peut pas changer. Arrête de faire chier ! Donne-moi un peu de rhum, allez.
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Quand on est comme ça, tendu, et qu'on sent qu'on n'arrive pas bien à réfléchir, le mieux c'est d'allumer un havane, mais pas l'allumer pour l'allumer et avaler la fumée... Non l'allumer pour le fumer pour de vrai, car il n'y a que de cette façon que le cigare te livre toutes ses bontés. En fumant comme ça, en faisant autre chose, je gâche ces Davidoff 5000 Gran Corona de 14.2 centimètres, qui méritent pourtant d'être fumés de façon réfléchie, ou simplement qu'on prenne la peine de s'asseoir pour fumer et discuter une heure, le temps que doit durer un cigare.
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Il aurait bien aimé que les femmes de sa vie passent aussi légèrement que ces poissons sans histoires. Mais les femmes et les chiens étaient terriblement différents des poissons, même des poissons combattants. Pire encore : avec les femmes il ne pouvait pas faire les promesses abstentionnistes qu'il faisait aux chiens. Il pressentait qu'au bout du compte, il finirait par militer dans une société protectrice des animaux errants et des hommes lamentables avec les femmes.
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On se réunissait le vendredi après-midi sous les caroubiers de la cour d'éducation physique et Olguita, la prof, apportait une thermos géante de thé glacé. Il nous fallait bien toute la soirée pour nous assassiner à coups de poèmes et de nouvelles : on était ultra critiques avec les autres, cherchant toujours à disséquer les choses, le cadre historique, si c'était idéaliste ou réaliste, quel était le thème et quel était le sujet, ce genre de bêtises qu'on nous enseignait dans les salles de cours, comme si on voulait nous dégoûter de la lecture.
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