« Ils ont acquitté Villain », ce jugement est inepte, mais qui se souvient du nom de celui qui a assassiné Jaurès et du sort qui lui a été réservé ?
Dominique Paganelli revient sur cette affaire qui reste ancrée dans la mémoire collective.
Décrit comme un velléitaire au caractère autoritaire dont les études n'ont mené à aucune carrière, Raoul Villain a souffert d'un manque d'affection de la part d'une mère absente internée pour maladie mentale, et d'un père peu apte aux épanchements. Fervent catholique, qualifié des mots même de ses anciens camarades de « cire molle » et chez qui, les médecins-experts diagnostiqueront « une insuffisance constitutionnelle de l'énergie et de la volonté », Villain est aussi capable de violence et de bouffées de haine. Mais sa personnalité suffit-elle à expliquer son crime ?
Pacifiste, Jaurès est contre la loi qui allonge le service national à trois ans et veut enrayer le processus de la guerre en organisant une grève générale des ouvriers français et allemands. Sa position provoque la haine de ceux qui voient en lui un défaitiste proche des Allemands, prêt à brader la France. le 31 juillet 1914, Villain tue Jaurès. Trois jours après, la guerre est déclarée, et les opposants politiques français d'hier se regroupent dans un gouvernement d'union sacrée. Désormais l'entrée en guerre de la France prévaut, même si tous, de droite comme de gauche, condamnent le geste du meurtrier. Villain, arrêté le jour même de l'assassinat qu'il avoue, ne sera jugé qu'à la fin des hostilités.
Quand le procès s'ouvre enfin, le 24 mars 1919, la guerre a fait neuf millions de victimes et la mort de Jaurès fait partie du passé ; le Petit Journal écrit : « Trop d'hommes sont morts pour qu'on s'intéresse à la vue d'un seul ». Les dissensions qui agitent le Parti socialiste qui s'est porté partie civile jouent en faveur de Villain. Face aux nombreux témoins qui font le panégyrique de Jaurès, les avocats de la défense plaident le crime passionnel, car ceux qui ont poussé Villain, patriote convaincu, ce sont les auteurs des articles calomniateurs et injurieux à l'encontre de Jaurès. Les jurés vont entendre ces arguments et voter l'acquittement.
Dominique Paganelli, avec ce livre, nous donne à voir la personnalité perturbée de Raoul Villain et les circonstances dans lesquelles il a perpétré son crime. Avec une écriture précise et fluide, il livre une vision claire du procès qui a conduit à son acquittement et de l'environnement social et politique de l'époque à laquelle se sont déroulés les faits.
Merci aux Éditions de la Table Ronde et à Masse critique de m'avoir fait découvrir ce livre et cet auteur.